Le manque de transparence de la candidate accrédite les rumeurs sur son véritable état de santé. Au point que sa campagne est en panne sèche. On sait qu’une pneumonie peut tuer un individu. Mais peut-elle faire capoter une carrière politique ? Depuis qu’Hillary Clinton s’est trouvée mal, dimanche à la cérémonie de commémoration du 11 Septembre, et qu’une vidéo amateur l’a montrée marchant soutenue par ses gardes du corps jusqu’à sa voiture, c’est l’effervescence.
Fini les discussions sur la Syrie ou le chômage. On ne parle plus que du bulletin de santé des deux seniors candidats aux élections. Et il y a de quoi dire, car Hillary à 68 ans et Donald Trump à 70 ans sont parmi les prétendants les plus âgés à la Maison-Blanche.
Ce malaise tombe très mal. D’abord parce qu’on est à quelques semaines de l’élection et que même si elle ne semble pas à l’article de la mort comme l’affirment ses opposants, elle va avoir besoin de toute son énergie surtout pour les débats contre Donald Trump. Ensuite parce que cela rappelle que la candidate a déjà eu des problèmes de santé. En 1998 et en 2009, elle a souffert d’une phlébite. Puis en 2012, à la suite d’un problème intestinal, elle a fait une syncope et s’est cogné la tête, ce qui a provoqué une commotion cérébrale. Les examens ont montré qu’elle avait un caillot sanguin à la tête. Cette fois, l’Amérique a été mise au courant car à cette époque elle était secrétaire d’État. Elle a subi une intervention chirurgicale et son mari a dit ensuite qu’elle avait mis six mois à s’en remettre.
Certains blogueurs suggèrent qu’elle porte un défibrillateur
Mais surtout, ce moment de faiblesse en public est du pain bénit pour Donald Trump et ses partisans, qui, depuis des mois, insinuent qu’elle est en mauvaise santé et font circuler des rumeurs délirantes. Il y a quelque temps, une photo d’Hillary avec une bosse carrée dans le dos a déclenché une frénésie sur Internet, certains blogueurs suggérant qu’elle portait un défibrillateur, alors qu’il s’agissait sans doute d’un micro. Ils se sont aussi déchaînés sur une autre photo où l’on voit l’un de ses gardes du corps avec un objet pointu à la main qui ressemble à un stylo. Les Trumpistes Sherlock Holmes en ont aussitôt déduit qu’il s’agissait d’une injection contre les crises d’allergie ou d’épilepsie, alors que c’était sans doute une torche. Sean Hannity, un animateur de Fox News, a consacré une quantité invraisemblable d’heures à gloser avec un panel de médecins patentés sur les multiples maux prétendus d’Hillary. Peu importe si aucun des médecins ne l’avait jamais examinée de près ou de loin.
Donald Trump lui-même ne cesse d’insister sur sa santé flageolante. «Elle manque de résistance mentale et physique», a-t-il dit, pour occuper la Maison-Blanche, elle est trop «instable» pour combattre Daech… Depuis son malaise, cependant, il a fait preuve d’une réserve inhabituelle alors que ses partisans, eux, pavoisaient sur Twitter, annoncant qu’elle était subclaquante après une crise cardiaque, que ce malaise faisait en fait partie des séquelles de sa commotion cérébrale… Un responsable du Parti républicain de l’Iowa a envoyé un tweet avant de l’effacer : “Si tu ne peux pas supporter la chaleur, retire-toi de la course. #HillaryforHospice.” Pour eux, c’est la preuve concrète qu’elle cache la vérité sur sa santé. Et la manière dont l’équipe de com de Clinton a géré la crise n’est pas pour les faire changer d’avis. Après avoir quitté précipitamment la cérémonie, Hillary a disparu et il s’est passé 90 minutes avant que ses conseillers ne disent qu’elle avait eu «un coup de chaud» et s’était réfugiée dans l’appartement de sa fille. Mais il a fallu attendre ensuite plus de cinq heures pour avoir des précisions qui ne sont venues qu’après la publication de la vidéo prise par un participant à la cérémonie.
Lisa Bardack, son médecin, a annoncé que «Mme Clinton souffrait d’une toux liée à des allergies» et que vendredi matin, elle avait déterminé qu’il s’agissait d’une pneumonie. Ce changement de diagnostic renforce également l’idée que les Clinton cultivent le goût du secret et manquent d’honnêteté. “Les antibiotiques peuvent traiter la pneumonie. Mais quel est le traitement pour un penchant peu sain au secret qui crée de manière répétée des problèmes non nécessaires ? a tweeté David Axelrod, l’ex-stratège de Barack Obama. «Je pense rétrospectivement que l’on aurait pu mieux gérer les choses pour fournir plus d’infos plus vite», a reconnu l’attaché de presse de Clinton.
Ce n’est pas nouveau. Les candidats à la Maison-Blanche et les présidents eux-mêmes sont toujours restés très discrets sur leurs maladies. Franklin D. Roosevelt n’a jamais dévoilé son état de santé lors de sa dernière campagne en 1944 et on le voyait rarement en photo dans son fauteuil roulant. JFK avait de gros problèmes de dos et prenait des tonnes de médicaments, Georges H.W. Bush a vomi sur le Premier ministre japonais lors d’un dîner officiel, son fils George a manqué de s’étouffer avec un bretzel.
Le certificat médical douteux de Trump
Mais Trump et Clinton sont parmi les candidats, jusqu’ici, à avoir communiqué le moins d’informations sur leur santé. Donald Trump, qui n’a jamais caché son amour pour la malbouffe, ne prend jamais de vacances et dort peu, s’est contenté de diffuser une lettre d’un gastroentérologue new-yorkais qui estimait que sa tension et ses analyses de sang étaient «étonnamment excellentes» et concluait que si son patient était élu, il serait «l’individu le plus en forme jamais élu à la présidence». Il a été totalement ridiculisé surtout quand il a reconnu qu’il n’avait pas examiné le magnat de l’immobilier et avait écrit la lettre en cinq minutes.
Mme Clinton a, de son côté, publié une lettre de deux pages de son médecin en juillet 2015, qui parle de sa commotion cérébrale en 2012 qui a occasionné un caillot et une double vision, tout en disant bien que tout est rentré dans l’ordre et qu’il n’y a pas de dommages neurologiques.
Est-ce que l’histoire de la pneumonie va lui aliéner l’électeur qui n’apprécie pas les dissimulations et doute déjà beaucoup de la sincérité d’Hillary ? Ou au contraire lui attirer la sympathie des Américains qui la voient soudain sous un jour plus humain ? Trop tôt pour le dire. Pour calmer l’agitation, son équipe a annoncé qu’elle allait diffuser un bulletin de santé détaillé qui montrerait qu’elle n’a pas «d’autres conditions non divulguées». Hillary Clinton, de son lit, a donné une brève interview disant qu’elle «se sentait beaucoup mieux» et qu’elle serait de nouveau en campagne «dans les jours qui viennent». Quand le journaliste lui a demandé pourquoi elle avait gardé son état secret, elle a dit qu’elle en avait parlé mais n’avait pas fait de communiqué, car elle ne pensait pas que ça ferait «un tel plat».
Quant à Donald Trump, il a annoncé qu’il allait évoquer son régime dans l’émission du Dr Oz, un médecin cathodique qu’on accuse de vanter des remèdes de charlatan, et a promis qu’il allait publier les résultats d’un examen médical «avec beaucoup de chiffres, j’espère de bonnes statistiques», a-t-il dit avant d’ajouter : «J’ai confiance, sinon je ne vous dirais pas que j’ai fait un examen.»