James Bond, Rocky, Le Silence des agneaux… Plus de 4.000 films vont passer sous le pavillon d’Amazon après l’acquisition pour 8,45 milliards de dollars du studio hollywoodien quasi centenaire Metro-Goldwyn-Mayer, de quoi armer l’ogre américain du commerce en ligne face à l’empereur du streaming Netflix. «MGM a un catalogue immense avec des titres que le public adore (…).
Nous allons réinventer la propriété intellectuelle au 21e siècle», s’est réjoui Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, lors de l’assemblée générale des actionnaires de son groupe mercredi. Il s’agit de la deuxième acquisition la plus chère de l’histoire d’Amazon après les supermarchés américains Whole Foods pour 13,7 milliards de dollars en 2017. Outre plus de 4.000 films dont la saga de l’agent 007, Robocop, Basic Instinct, Raging Bull ou Thelma & Louise, Amazon va faire main basse sur un vaste catalogue de séries, comme The Handmaid’s Tale, Fargo et Vikings. Ce rachat «est très exaltant et il offre beaucoup d’opportunités d’histoires de grande qualité à raconter», a déclaré dans un communiqué Mike Hopkins, vice-président senior de Prime Video et d’Amazon Studios. Créé en avril 1924 par Marcus Loew, un propriétaire de cinéma, le studio est devenu l’un des plus importants d’Hollywood avec une pléiade de stars comme Greta Garbo, Joan Crawford, Clark Gable, Katherine Hepburn, et Elizabeth Taylor. En tout, il a remporté plus de 180 Oscars et plus d’une centaine d’Emmy Awards, mais a connu de nombreux déboires financiers depuis les années 1970, passant entre de nombreuses mains avant de se déclarer en faillite en 2010 puis de se restructurer. Il a aussi beaucoup souffert de la pandémie de Covid-19 et de la fermeture prolongée des salles de cinéma. Initialement attendu en salles en mars 2020, le dernier opus de James Bond, «No Time To Die» («Mourir peut attendre»), a vu sa sortie repoussée plusieurs fois et devrait finalement être projeté à partir du 30 septembre.
Bataille du contenu
A travers ce rachat, Amazon se renforce dans le contenu pour son service de streaming Amazon Prime Video, la mère des batailles dans ce secteur soumis à une concurrence impitoyable. Pour gagner des abonnés, les plateformes doivent investir dans le contenu, à l’instar de Netflix qui pourrait dépenser 17 milliards de dollars cette année, ou croître à travers des acquisitions. Netflix domine le secteur avec 208 millions d’abonnés payants revendiqués dans le monde fin avril. Les plateformes de Disney (Disney+, ESPN+, Hulu) en recensaient 159 millions début avril. Amazon a indiqué fin avril que son service de streaming avait été utilisé par 175 millions d’abonnés au service Prime sur un an. Cette opération «aide clairement Amazon car les clients sont à l’affût de plus de contenus», affirme à l’AFP Dan Rayburn, analyste médias pour Frost & Sullivan. Amazon acquiert aussi un nom mythique d’Hollywood avec une réputation éprouvée dans l’industrie, ajoute-t-il. Or la capacité pour Amazon d’intégrer à sa plateforme l’ensemble du catalogue de MGM est aujourd’hui incertaine, de nombreux programmes n’étant pas seulement la propriété du studio américain. Le catalogue de MGM d’avant 1986 appartient ainsi à la chaîne payante TCM (Turner Classic Movies). L’antenne a aussi précisé à l’AFP qu’elle dispose d’un accord pour de nombreux films des studios United Artists, rachetés en 1981 par MGM.
Tolkien et Wimbledon
Amazon, qui pèse plus de 1.650 milliards de dollars en Bourse, a déjà lancé de coûteuses acquisitions ces dernières années avec les droits télévisés pour «Le Seigneur des anneaux», la saga fantastique culte de J.R.R. Tolkien, pour 250 millions de dollars, qui va faire l’objet d’une série. Il s’est aussi engouffré dans la brèche sportive avec l’achat de droits exclusifs sur la NFL aux Etats-Unis, ainsi que Wimbledon et l’US Open au Royaume-Uni. Il a acquis en France une partie des droits de Roland Garros pour cette année et les deux à venir.
Le rachat de MGM survient dans un contexte de consolidation accrue dans le secteur des médias et du divertissement. Le géant des télécoms AT&T a annoncé à la mi-mai la fusion à 43 milliards de dollars de sa filiale WarnerMedia avec Discovery, qui proposent respectivement les services de streaming HBO MAX et Discovery+.
Verizon a pour sa part vendu début mai au fonds Apollo Global Management sa branche médias pour 5 milliards de dollars, incluant AOL et Yahoo, deux anciens éléphants d’internet.
La valeur des fusions ou acquisitions dans ce secteur cette année est au plus haut depuis l’an 2000, avec un peu plus de 240 milliards de dollars en incluant l’annonce d’Amazon mercredi, selon le fournisseur de données Refinitiv, sept fois supérieur au niveau de l’an dernier à la même époque.