Les membres du Conseil de la Nation ont examiné, hier, en séance plénière, les grands axes du projet de loi de Finances pour 2021.
Sur le contenu de ce texte de loi, beaucoup de sénateurs ont affiché leurs réserves, notamment sur les attributions jugées « insuffisantes » au secteur de la Santé et l’absence de mesures concrètes pour stimuler la croissance hors hydrocarbures. Mais, selon ceux que nous avons interrogés à la sortie de la plénière, ils disent qu’ils voteront pour le PLF 2021 par souci « d’assurer la continuité des salaires des fonctionnaires » et « ne pas freiner les projets de développement ». Au début des débats, le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, a présenté le PLF-2021 devant les sénateurs, en défendant les choix pris par l’Exécutif d’Abdelaziz Djerad. Il a expliqué que les mesures contenues dans le texte de loi vise « le maintien de l’effort de développement en cette conjoncture délicate, parallèlement à la sauvegarde des grands équilibres de notre économie, et ce sans toucher aux besoins essentiels des citoyens.
En effet, l’élaboration du projet intervient sur fond de rétrécissement des réserves de change depuis 2014, suite à l’effondrement des prix des hydrocarbures sur le marché mondial ». Ainsi, le PLF 2021, élaboré sur un prix de référence d’un baril de pétrole à 40 dollars, prévoit une baisse du taux de change de la monnaie nationale contre le dollar américain à ; 142,2 DA/1 $ (2021), 149,3 DA/1 $ (2022), 156,8 DA/1 $ (2023). Le texte table également sur un taux d’inflation quasi-stable à 4,5 % (2021), 4,0 % (2022), 4,7 % (2023), alors qu’il est attendu un rebond du taux de croissance pour l’année prochaine à 3,98 %, par rapport à l’année en cours (2,63 %). Le texte s’attend également à l’augmentation du volume des exportations en hydrocarbures de 9,9 % par rapport aux exportations prévues dans le PLFC 2020.
Dans les paramètres globaux du commerce international, le ministre de Finances a indiqué que la balance des payements connaîtra un équilibre en 2021, contrairement aux années précédentes où elle était déficitaire, pour marquer en 2022 une abondance du fait de l’augmentation des exportations en hydrocarbures et du recul des importations de marchandises. Le ministre des Finances a parlé également d’une légère amélioration des réserves de changes en 2022 (47 milliards de dollars) et 2023 (50 milliards de dollars).
Lors des débats, plusieurs sénateurs ont émis des inquiétudes quant à la capacité du gouvernement de concrétiser les objectifs de développement inscrits au PLF 2021, pointant du doigt les lenteurs administratives qui freinent toute initiative dans cette perspective.
Recours à la planche à billets ?
Dans ce sens, un sénateur a critiqué «certaines décisions dues à l’improvisation et non étudiées » adoptées, selon lui, par des ministres au gouvernement, et qui ont eu des effets inverses sur le pouvoir d’achat des citoyens et des opérateurs économiques. Le même sénateur a noté également « l’absence de tout indice d’intention de reconstruire une nouvelle économie sortant de la dépendance aux hydrocarbures », appelant le gouvernement à instituer des exonérations fiscales au profit des entreprises comme « mesures de soutien préventives » afin « d’éviter et prévenir des licenciements massifs des travailleurs et salariés et la fermeture des usines ». Sur le problème du manque des liquidités dans les bureaux de poste, un autre sénateur a proposé le retour « momentané » au financement non conventionnel pour régler la crise de liquidités dans le pays. Pour sa part, le sénateur Fouad Sebouta, a exprimé sa colère de voir que le PLF 2021 n’accorde pas assez de moyens financiers au secteur de la Santé, malgré les drames et les cris de détresse émis chaque jour par le personnel hospitalier. Il a relaté l’exemple de la wilaya de Jijel, la circonscription qu’il représente. « La wilaya de Jijel est connue pour être l’un des clusters de la propagation de la Covid-19. La situation est très dangereuse avec des manques en moyens et oxygène. Les prélèvements et tests se font à Constantine et il faut attendre jusqu’à 20 jours pour connaître le résultat. Je ne comprend pas pourquoi le ministre de la Santé ne daigne pas visiter cette wilaya malgré le fait qu’un avion spécial est mis à la disposition du gouvernement », s’est-il indigné. Un autre sénateur a formulé des réserves quant au fait que le PLF 2021 a éludé certaines questions comme le problème des investissements bloqués, l’économie parallèle, la persistance de la crise de liquidités et les risques sérieux de contaminations massives dans les bureaux de poste, et aussi le problème des jeunes diplômés livrés à eux-mêmes face à l’absence de toute perspective de recrutement. Un sénateur a critiqué « les paradoxes » du secteur des finances, notamment sur l’informatisation du secteur, indiquant que la réalité sur le papier est une chose, et sur le terrain c’est complètement l’opposé, concluant que le ministre des Finances reçoit des rapports erronés sur l’avancement des programmes des secteurs.
Scepticisme sur l’objectif d’un taux de croissance à 4 %
Un autre sénateur s’interroge : « avons-nous réellement les moyens pour réaliser un taux de croissance de 4 % comme stipulé par le PLF 2021 ? Les experts et économistes disent que pour y arriver il faudrait une révision profonde de l’économie nationale, alors que nous ne voyons rien de la sorte dans le texte de loi de Finances ».
Un sénateur est allé même réclamer le départ du gouvernement qu’il juge « faillible et révoltant ». Une sénatrice a demandé alors au président du Conseil de la Nation par intérim, Salah Goudjil, une mise au point, répondant à ce sénateur que « seul le président de la République a la prérogative de révoquer le gouvernement ». Les débats en plénière devraient se poursuivre, hier, dans l’après-midi, à 14h30, mais les journalistes étaient surpris d’un changement de programmation.
En conséquence, les débats se poursuivront aujourd’hui, avec les réponses du ministre de Finances sur les préoccupations des représentants de la première chambre du Parlement national.
Hamid Mecheri