Francis Perrin, président de Stratégie et Politiques Énergétiques et directeur de la rédaction de « Pétrole et Gaz Arabes » a estimé que la faible dynamique de reprise des cours du pétrole sur le marché de l’énergie, frôlant ou dépassant, parfois, les 40 dollars le baril, résulte de l’accord de gel de la production conclu entre l’Arabie saoudite et la Russie. Au vu de la fluctuation du prix du pétrole qui a connu hier matin une relative hausse à 41 dollars le baril sur les marchés mondiaux alors qu’il avait atteint 28 dollars durant les deux dernières semaines. C’est le résultat de l’accord Russie- Arabie saoudite et du Qatar-Venezuela qui se sont mis d’accord pour geler la production de pétrole au niveau de celle de janvier 2016 pour calmer les marchés. Perrin a expliqué que cet accord avait d’abord suscité pas mal de scepticisme et commence à jouer un rôle dans la remontée des prix. Selon lui, cet accord est très insuffisant. Il a ajouté que si les prix baissaient depuis l’été 2014, c’est qu’il a trop de pétrole sur le marché. Pour résorber cet excédent, il faut réduire la production et non pas seulement la geler. Pour appuyer ses propos, il cite l’exemple de l’Arabie saoudite qui accepte de geler et non de baisser son niveau de production, alors que l’Iran, soumis durant de nombreuses années à un embargo et pouvant sur le long terme produire plus de 6 millions de barils/jour, laisse deviner qu’il n’est favorable, ni à un gel, ni à une baisse de sa production pétrolière. L’invité rappelle, par ailleurs, que la baisse des cours du brut, qui a eu des effets dévastateurs sur les pays qui n’avaient pas pris soin de se constituer un « matelas » de réserves financières, affecte, tout autant, les grandes compagnies pétrolières et provoquant dans son sillage la mise en faillite de quelque 2.000 autres de moyenne et petite taille. Selon lui, une remontée quelque peu intéressante des cours ne commencerait à se manifester que vers le second semestre de l’année 2017, en raison du gel attendu de la production, mais aussi de la baisse des investissements dans le secteur pétrolier et d’une relance de la consommation. Quand à rêver, dit-il, d’une remontée des cours pétroliers à un niveau de 100 dollars, cela ne pourrait être possible qu’à un horizon éloigné. Perrin a mis en avant l’impact du développement rapide des hydrocarbures non conventionnels sur la chaîne énergétique mondiale et notamment sur les prix du pétrole et du gaz. Le faire serait une très grave erreur. La montée en puissance du non-conventionnel constitue incontestablement l’une des transformations majeures des paysages énergétiques mondiaux.
Les pays producteurs devront intégrer cette réalité dans leurs stratégies, qu’ils soient membres ou pas de l’Opep, il faudra apprendre à vivre avec les hydrocarbures non conventionnels. Il a expliqué, cependant, que l’existence d’un accord entre ces quatre pays, dont deux des trois plus grands producteurs mondiaux (Russie et Arabie saoudite), est un élément positif. Pour lui, cela peut contribuer à créer une dynamique si d’autres pays se joignent à cette initiative et si cela permet de déboucher, à terme, sur une diminution de la production pétrolière mondiale, en relevant que pour l’instant, c’est beaucoup trop peu. A la question de savoir si l’Iran et l’Irak allaient faire un geste de bonne volonté et joindre cette initiative, Perrin a exprimé son scepticisme, expliquant que pour le cas de l’Iran, cela paraît très peu probable car ce pays a subi pendant des années le poids des sanctions occidentales et a complètement perdu l’accès au marché de l’Union européenne qu’il veut, à présent, récupérer. L’Iran estime aussi que certains producteurs, dont l’Arabie Saoudite, lui ont pris des parts de marché dans le passé, ce qui ne l’incite pas à accepter des concessions, a-t-il prévenu, notant que les quatre pays signataires de l’accord de Doha ne réduisent pas leur production, alors que pour Téhéran, les autres pays doivent faire de vrais efforts, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Pour le cas de l’Irak, l’expert considère que la question est plus complexe.
En effet, ce pays a engagé, avec plusieurs grandes compagnies pétrolières, des projets de développement ou de redéveloppement pétroliers de très grande taille et entend continuer sur cette voie. Au sujet du prix raisonnable du baril, souhaité par des pays producteurs, investisseurs et exportateurs dont l’Algérie, Perrin a estimé qu’une fourchette entre 60 et 80 dollars serait une très bonne chose pour beaucoup de monde. Il a été évoqué le cas de beaucoup de pays qui pensent mettre en place une transition énergétique. Des États tentent de diversifier leur économie. C’est le cas aujourd’hui pour l’Algérie qui tente aujourd’hui d’explorer les énergies renouvelables pour la diversification de l’économie nationale. Selon Perrin, c’est fondamental. Il faut aller vers une plus grande diversification nationale. L’Algérie a un potentiel majeur notamment l’énergie solaire. Il y a un Plan national pour le développement des énergies renouvelables. Il a rappelé que le ministre de l’Énergie, Salah Khebri a déclaré tout récemment que l’Algérie voulait inscrire l’Énergie nucléaire à l’horizon 2030. Selon Perrin, l’énergie est forcément liée à des aspects géopolitiques et géostratégiques.
Lazreg Aounallah