En normalisant officiellement ses relations avec Israël en date du 10 décembre 2020, suivies de la conclusion toute récente d’un accord sur la coopération dans le domaine sensible de la cyber-sécurité, le Maroc se révèle être le serviteur attitré de longue date de son allié, qui lui fournit soutien logistique pour le besoin d’espionnage dans la région méditerranéenne. Le Maroc est dans une mauvaise passe…
Le scandale que venait de faire éclater « Forbidden Stories », un consortium de journalistes freelance en collaboration avec Amnesty international et 17 médias dans le monde, sur une opération d’espionnage d’envergure opérée par le Maroc entre 2017 et 2019, a fait l’effet d’une bombe dans le Royaume marocain. Quelque 6 000 lignes téléphoniques, appartenant à des chefs d’Etat et de gouvernements alors en exercice, des hauts cadres civils et militaires ainsi que des personnalités publiques, ont été piratés par le renseignement du Makhzen pour le besoin d’espionnage. Pour ce faire, le Maroc a fait appel à l’expertise et l’ingénierie du Mossad pour se faire acheter le logiciel espion Pegasus, l’un des plus sophistiqués au monde selon les spécialistes et conçu par l’entreprise israélienne NSO Group. Un groupe spécialisé dans la sécurité informatique et la surveillance.
Durant cette période, le Maroc, à lui seul, représente le plus important utilisateur de Pegasus, soit la surveillance, la mise sur écoute et le vol de données à 6 000 téléphones cellulaires sur un nombre de 50 000 concernés par l’enquête de « Forbidden Stories ». C’est ainsi que quelque 13 chefs d’Etat, dont le président français Emmanuel Macron, ont été espionnés par les services marocains, lesquels ont fait, de l’Algérie en particulier, ce qui n’est pas une surprise une cible privilégiée. « Rabat est l’un des plus gros utilisateurs du logiciel espion Pegasus, commercialisé par l’entreprise israélienne NSO Group, au détriment des élites algériennes », note le journal le « Monde » qui fait partie des médias collaborateurs de cette enquête.
M6 espionné par … ses propres services
Techniquement, ce logiciel espion consiste à aspirer les données vidéo, images, communications téléphoniques, internet, géolocalisation, et même les conversations chiffrées sur les applications WhatsApp et Signal. Selon les spécialistes, ce logiciel « est tellement puissant » qu’aucune personne, fut-elle un chef d’Etat, n’est à l’abri et pourrait être donc facilement ciblé pour le besoin d’espionnage. D’où un scandale planétaire qui éclabousse le palais de Rabat dont le locataire qui plus est, Mohammed VI en l’occurrence, lui-même et son ex-épouse Lalla Salma, le prince Moulay Hicham, son épouse et leurs deux filles et de son jeune frère le prince Moulay Ismaïl, étaient ciblés par cette opération d’espionnage opérée par ses propres services de renseignement. L’affaire est grotesque que le Royaume se soit précipité et tente de démentir son implication pour sauver la face, mais peine perdue, le scandale révélé au grand jour a gagné le monde entier.
Ainsi, concernant l’Algérie, au moment où notre pays traversait une crise au lendemain du Hirak, celui qu’il convient à appeler désormais l’œil du Mossad a piraté les lignes téléphoniques de plusieurs hommes responsables de l’Etat algérien. À l’image de la fratrie Bouteflika, l’ancien MAE Abdelkader Messahel et Ramtane Lamamra, l’ancien SG de ce département ministériel Noureddine Ayadi, en sus de Noureddine Bedoui, alors Premier ministre, leurs téléphones cellulaires étaient surveillés pour le besoin de soustraire des informations susceptibles que les services marocains pourraient utiliser afin de nuire à l’Algérie.
Farid Guellil
Quelques personnalités ciblées en Algérie
L’opération d’espionnage du Maroc révélée au grand jour ne s’est pas limitée aux personnalités et responsables publics algériens. Preuve en est, elle concerne plusieurs pays, comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Burkina Fasso, l’Ethiopie, la Belgique, le Canada, la Côte d’Ivoire, l’Indonésie, les Emirats Arabes Unis, la Tunisie, la Turquie…Mais, il serait intéressant de revenir sur les noms de personnalités publiques algériennes ou étrangères exerçant leurs fonctions dans notre pays, dont les téléphones ont été ciblés par le logiciel espion israélien entre 2017 et 2019. À savoir, les frères et sœurs de Bouteflika, Saïd, Nacer et Zhor, l’ex-ambassadeur français, Xavier Driencourt et l’attaché militaire de la même représentation diplomatique, les Mae Lamamra, Messahel et Boukadoum, Les diplomates Lakhdar Ibrahimi et Abdelaziz Rahabi ou encore Noureddine Bedoui. Également, dans cette liste révélée par le journal « Le Monde », on retrouve les anciens responsables sécuritaires Wassini Bouazza et Bachir Tartag, l’ancien commandant des forces terrestres et aériennes Said Chengriha, l’adjudant Guermit Bounouira, ou encore les deux fils de Khaled Nezzar et du défunt Ahmed Gaïd Salah, respectivement Lotfi et Mourad.
R. N.