Qu’est-ce que Paris nous cache-t-elle derrière la fuite organisée dans laquelle l’Express a eu, mercredi dernier, la supposée primeur d’annoncer de probables sanctions contre des responsables algériens propriétaires de biens en France ? Pour comprendre ce énième jeu malsain auquel s’est livré « les officines françaises » – désignées comme telles par l’Agence nationale de presse- il faut rappeler la réunion, tenue le 21 mai dernier, à l’Elysée, sous la présidence d’Emmanuel Macron. Au menu, la situation avec l’Algérie. Autour du chef de l’Elysée, il y a eu le Premier ministre et les ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Justice. Hormis de rapporter le format restreint de cette réunion, le contenu n’a pas été ébruité. Paris a ainsi joué le mystère et le secret tout autour. Les médias français ont joué le jeu. Ils ont sacrifié l’essentiel pour l’accessoire. En insistant, par exemple, sur la formule (entre guillemets) reprise par tous les titres : « Parmi les personnes présentes » il y a eu les personnalités citées en haut. Ce qui est cité laisse supposer qu’il y en a eu d’autres personnalités dont on a tu le nom ou le titre. Mais comme la « fameuse » et la « mystérieuse » réunion de l’Elysée n’a pas eu l’effet escompté auprès d’Alger- restée imperturbable – Paris passe au plan B. Pour dissimuler ce coup de bluff, on a avancé, une semaine après, qu’il y aurait des sanctions à prendre en cas de nouvelle escalade avec Alger. Ce qui est un classique depuis le début de la crise entre les deux pays. Sinon, pourquoi attendre une semaine pour agiter la menace de gel de biens qui appartiendraient à des algériens en France ? Ceci dit, la sortie de Paris n’est pas anodine. On pourrait croire qu’elle a changé de stratégie dans la gestion de cette crise. Jusque-là, on a tout essayé contre l’Algérie, en vain. À commencer par la « riposte graduée » et la surenchère de Bruno Retailleau. Et si toute la débauche d’énergie du chef de file des va-t-en-guerre contre l’Algérie n’a servi que sa petite personne pour atteindre la présidence des Républicains ? Nous concernant, en tout cas, les choses sont claires : l’agitprop du ministre de l’Intérieur contre l’Algérie était un coup d’épée dans l’eau. Faisant le bilan général : ni la campagne hostile orchestrée autour de Boualem Sensal, ni les menaces d’expulsion des OQTF et ni encore moins les supposées affaires d’espionnage, citant sournoisement l’Algérie en France, n’ont réussi à faire plier notre pays. Car, au moment où Retailleau et consorts s’égosillent et servent leurs intérêts étroits, Alger a franchi le cap de la riposte pour passer à l’acte. Le cas de la quinzaine d’agents de l’ambassade de France expulsées du territoire national est éloquent. In fine, Paris sait qu’elle n’a récolté comme résultats de son escalade « verbale » contre Alger que le vent qu’elle a brassé. Contrairement à la France, l’Algérie agit plus et parle moins. Et lorsqu’elle parle, elle le fait souvent, en l’assumant publiquement, par canal officiel et voie diplomatique.
Farid Guellil