Le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, a-t-il mesuré les conséquences politiques et l’impact médiatique du meeting de La Coupole? Ceci, dans la mesure où les attaques acerbes du chef de file de cette initiative ciblant son homologue du RND, Ahmed Ouyahia, pourraient lui servir, à la fois, de plateau de faveurs, comme il en pourrait tout aussi subir le retour de manivelle.
S’il est vrai que le regroupement de mercredi dernier a drainé des foules parmi la classe politique, les associations de masse et autres personnalités nationales réputées proches du pouvoir, il n’en demeure pas moins que la défection, augurée soit-elle, de l’actuel chef de cabinet auprès de la présidence de la République, presse le pas de la décantation politique tant recherchée par le patron du FLN.
La veille de cet acte 1 des partisans du président de la République qui visent de construire un rempart face aux menaces terroristes qui pèsent sur l’Algérie, Saâdani avait annoncé la couleur sur les ondes de la Chaîne 1 de la Radio nationale. Il a accusé son alter ego d’être «déloyal» envers le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et d’avoir l’ambition de se présenter aux élections présidentielles de 2019.
Pis, il passe à la vitesse supérieure en réclamant l’embarquement de celui-ci de la présidence de la République. De quoi nourrir davantage les hostilités nées entre les deux hommes politiques. La genèse de cet épisode empreint de déclarations virulentes échangées entre les deux frères-ennemis date au moins d’une année. Après la polémique sur l’article 51 traitant de la participation de la communauté nationale établie à l’étranger dans les affaires publiques nationales, où Saâdani avait accusé Ouyahia d’en être l’auteur d’une disposition qui «empêche» la diaspora nationale de s’impliquer dans le développement du pays, les animosités reprennent à nouveau.
À peine la polémique dissipée, voici qu’un autre sujet qui fâche en porte à nouveau le couteau dans la plaie. Il s’agit de la démarche politique menée tambour battant par l’homme par qui les annonces retentissantes et bruyantes arrivent souvent à trouver leur effet immédiat. Au demeurant, l’initiative ponctuée par un meeting populaire laisse place à moult interrogations.
D’abord, celles de connaître les intentions qui animent le patron de l’ex-parti unique, et par conséquent la position, pour le moins que l’on puisse penser, inconfortable, sur laquelle se retrouve Ouyahia. Mais, il semblerait qu’une partie de la réponse est à chercher sous un autre angle. Il s’agit de savoir si les incessants appels adressés par Saâdani à son désormais ex-allié stratégique, dans le cadre du projet de renforcement du Front intérieur notamment, visent réellement à faire associer ce dernier ou, au contraire, le repousser, visiblement de peur que l’ex-chef du gouvernement ne rebondisse pour occuper les devants de la scène et lui voler la vedette. Sinon, comment expliquer le fait que le SG du parti majoritaire dans les Assemblées élues et les institutions de la République ne rate aucune occasion pour faire d’Ouyahia l’ennemi à abattre. Lors du meeting organisé à “La Coupole” du complexe olympique Mohamed-Boudiaf, il est bon de souligner que des cadres, plus ou moins influents au RND, mais suffisamment adversaires à Ouyahia pour ne pas attirer les regards et l’attention des observateurs, ont tenu à répondre présents. Faisant ainsi fi aux directives qui auraient été passées la veille par le leader de ce parti lui-même, lequel, n’appréciant pas les déclarations incendiaires de Saâdani à son encontre, il aurait instruit, selon des sources proches de cette deuxième force politique, les responsables et militants de bouder la rencontre de Saâdani. Dans cet imbroglio, il est difficile de dire si vraiment Saâdani avait réussi son pari.
Dans tous les cas de figure, le chef du FLN aura à exploiter cette absence pour acculer davantage son adversaire, de surcroît, au moment où l’initiative s’est assignée comme objectif de renouveler le soutien des alliés du pouvoir à Bouteflika, ainsi que de renforcer le Front intérieur à même d’appuyer l’ANP dans la lutte contre le terrorisme. Mais, faut-il tout aussi préciser que le RND n’a pas officiellement participé pour dire qu’Ouyahia aura à subir l’effet de l’adhésion à cette initiative d’une poignée de ses cadres.
Ces derniers, pour n’en citer que Khalfa Mebarek, président de l’ONEM (Organisation des enfants de moudjahidine), Nouria Hafsi, SG de l’UNFA (Union des femmes algériennes), ainsi que quelques militants de la section d’Alger du parti ayant fait une apparition des plus timides sur les tribunes de la salle ovale, ont affiché visiblement leur distance avec le chef du RND. Ceci ne pourrait passer inaperçu, dès lors que Hafsi, elle-même, était derrière un mouvement de redressement mené contre son mentor en 2013.
C’est ce qui a poussé l’actuel fonctionnaire d’El-Mouradia à céder devant la pression en laissant les commandes du parti à Abdelkader Bensalah. En prévision du prochain congrès du RND prévu dans moins de deux mois, les choses s’annoncent compliquées pour Ouyahia. En effet, récemment, une autre figure du RND, Belkacem Melah notamment, est monté au créneau pour annoncer sa candidature à la tête de la formation politique créée en 1997.
Farid Guellil