C’est officiel. Tamazight vient d’être propulsée au rang de langue officielle, et est projetée au-delà de son caractère national, comme principe consacré de manière affermie dans la Constitution de 2016. Cette consécration a été introduite dans la mouture du projet de la révision de la Loi fondamentale du pays, devant être adoptée en février. Elle traduit en partie les engagements pris par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à travers la réforme de l’état annoncée en 2011.
Cette consécration intervient 20 ans après l’incorporation de cette langue millénaire dans les programmes scolaires et près d’une quinzaine d’autres depuis sa promotion comme langue nationale, dans la Constitution de 2002 précisément. Aujourd’hui, Tamazight vient de s’adjuger d’un statut encore plus affirmé, dont la consécration jouit de la volonté politique, mais surtout de la reconnaissance solennelle de l’état, notamment de la dimension identitaire nationale, dans toute sa diversité millénaire, qui dépeint le caractère d’une Algérie plurielle. C’est ce qu’à affirmé, hier, Ahmed Ouyahia, ministre d’état et directeur de cabinet auprès de la présidence de la République, lors d’une conférence tenue à Djenane El Mithak (Alger), où il a été question de lever le voile sur les grandes lignes autour desquelles s’articule le document synthèse résultant de la trituration de la Constitution. «Tamazight est également langue nationale et officielle», pouvait-on lire dans l’article 3 bis, confiné dans la mouture du texte de loi régissant le pays, et par lequel la langue berbère est placée, désormais et à juste titre, dans le statut qui lui est innée, celui de constante nationale à part entière et se range, notamment aux côtés de l’Islam et de la langue l’Arabe.
Après de longues années empreintes d’un branle-bas de combat, porté à bras-le-corps par des générations de militants culturels et politiques, parmi lesquels nombreux ont consenti leurs vie jusqu’au sacrifice suprême à même de s’affranchir du déni identitaire, le président de la République a concédé devant une revendication phare pour répondre à cette aspiration légitime.
Cependant, cette consécration n’est pas une fin de soit, car, faut-il encore mettre en place les outils nécessaires à même d’accompagner le développement de la langue de Massinissa. Justement, en bas de l’article en question, il est y explicité clairement que l’état s’engage à promouvoir cette langue et de faire en sorte de développer tous les dialectes en usage à travers le territoire national. à ce titre, la même mouture prévoit de doter Tamazight d’une institution (Académie de la langue Amazighe). Mise sous la tutelle de la présidence de la République, cet organisme se chargera justement des aspects liés à l’aménagement et des conditions de promotions de cette langue. Il est appelé à s’appuyer sur les travaux d’expertise qui concourent à une mise en œuvre effective du statut officiel de Tamazight, indique le document portant Loi suprême de l’Algérie. Dans son intervention, Ahmed Ouyahia a indiqué que le président de la République a fait en sorte de consacrer cette langue «dans la sérénité», et de préciser que petit à petit Tamazight a su retrouvé son statut de langue nationale et officielle.
Même si, il reste encore beaucoup de travail à faire, selon l’ex-chef du gouvernement, qui est appellé à faire des efforts en matière de promotion de cette langue. Faut-il souligner que cette annonce retentissante n’a pas échappé aux réactions des citoyens, des responsables de partis politiques, des associations et des militants les plus dévoués à la langue de Jugurtha. La problématique de la question identitaire remonte à la période du Mouvement national, où la diversité ethnique, sociale et culturelle de l’Algérie s’était invitée au débat dans les rencontres des leaders de l’époque, d’où la naissance à l’époque d’une crise dite «berbériste», en 1949. Il a fallu attendre les premières années de l’Indépendance du pays pour voir réapparaître, à nouveau, la question. Ainsi, depuis le Printemps berbère d’avril 1980 en passant par les Evénements sanglants de 2001 (Printemps noir), pour n’en citer que ces haltes qui constituent une référence dans l’histoire de la revendication identitaire, l’officialisation de Tamazight a toujours été le fer de lance de la lutte de la population berbérophone. Ainsi, le MCB à travers ses sensibilités politiques issues essentiellement du FFS et du RCD, des partis ancrés en Kabylie, en passant par le Mouvement citoyen des Aârchs, les acteurs n’ont cessé de mettre en avant cette revendication et de réclamer la dotation de Tamazight d’un statut de langue officielle.
Il n’y a pas que les politiques, même les artistes parmi les plus engagés, des universitaires, des hommes de culture et de lettres et des écrivains ont vite fait de cette cause la quintessence de leur œuvres. En gagnant du terrain, la question a été prônée plus tard par les formations politiques même au pouvoir tels le FLN et le RND, pour n’en citer que ces deux formations majoritaires, de surcroît, qui étaient favorables à la constitutionnalisation de Tamazight.
Farid Guellil