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Népal : un an après le séisme, la reconstruction n’a pas commencé

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Le 25 avril 2015, un tremblement de terre tuait 9 000 personnes au Népal. Malgré les milliards d’euros de dons, tout reste à reconstruire. Les images des temples en train de s’effondrer sont restées gravées dans les mémoires.

En quelques secondes, les trésors du patrimoine népalais ont été réduits en poussière. Or, un an après le séisme dévastateur qui a frappé le Népal le 25 avril 2015, la place Durbar de Bhaktapur demeure toujours un amas de ruines. Des poutres de bois improvisées soutiennent de frêles tourelles, dont beaucoup de pierres jonchent encore le sol. Seules quelques photos témoignent de la grandeur passée du site. « Rien n’a été fait depuis un an », se lamente Bal Mukunda, employé de 23 ans d’un café vide dominant jadis la place. « Et il est dangereux de rester près des tours, car, si certaines semblent reconstruites, elles sont en réalité profondément endommagées de l’intérieur. Ils auraient dû tout détruire puis reconstruire au lieu de placer des poutres. Ce n’est pas normal, mais c’est le Népal. » La vie reprend pourtant peu à peu ses droits sur la place Durbar. Longtemps délaissés par les touristes, les quelques lions de pierre trônant toujours au sommet des temples détruits font le bonheur des écoliers népalais. Le croassement des corbeaux qui s’étaient emparés du site est désormais noyé par le vrombissement des motocyclettes. Deux étudiantes prennent un selfie devant une structure dévastée. Les étrangers recommencent timidement à affluer. « Il est si triste que le séisme ait affecté l’héritage historique de ce merveilleux pays », explique Jomana Al Shudifat, qui vient de Jordanie. « Mais je me réjouis de voir que le peuple essaie de reconstruire, et cela m’encourage à payer (le ticket d’entrée pour la place Durbar s’élève à 12,5 euros, NDLR). »

« L’argent ne va pas au bon endroit »
Derrière la place, les séquelles du séisme sont encore plus visibles. Pelle à la main et dos courbé, plusieurs femmes s’emploient à évacuer les débris, comme si le tremblement de terre avait frappé la veille. Les deux séismes du 25 avril 2015 et du 12 mai, qui ont fait près de 9 000 morts et détruit un demi-million de logements, ont pourtant entraîné une importante levée de fonds : les autorités népalaises ont recueilli près de 3,6 milliards d’euros de promesses de dons de la part des gouvernements étrangers et des donateurs individuels. Or, un an plus tard, les travaux de reconstruction n’ont toujours pas recommencé. Après des mois de retard, l’Autorité nationale de reconstruction vient à peine d’être créée. « Cela prend du temps à cause des politiques », grogne Rameshawar, interprète rencontré au détour d’une allée. « Ils ont beaucoup de fonds, mais l’argent ne va pas au bon endroit. » Et le guide de prévenir : « Les dons des pays étrangers ne seront pas utilisés. » Assis sereinement derrière son bureau d’officiel, Lok Bahadur Lopchan, responsable du ministère népalais de l’Éducation dans la ville de Charikot, tailleur et chemise de rigueur, invite son peuple à la patience.
« Après le séisme, la plupart des maisons ont été détruites. Tout le monde a souffert et beaucoup ont tout perdu, rappelle-t-il derrière ses lunettes rondes. De l’argent a été versé pour répondre aux besoins élémentaires, mais il faut regarder sur le long terme. On a demandé au gouvernement un plan de trois ans pour la reconstruction. Mais, à l’heure actuelle, il n’y a toujours pas de programme pour une reconstruction définitive. Certaines ONG, comme Plan International, font un bon travail, notamment dans la construction d’écoles temporaires. » Son discours est soudain interrompu par une des nombreuses coupures d’électricité. Sa mine devient grave. «Nous n’avons pas d’autre alternative que d’espérer. La reconstruction pourrait prendre dix ans.»

Blocus politique
Pourquoi une telle lenteur ? Outre la période de mousson, survenue l’été suivant la catastrophe et rendant impossible toute reconstruction, le pays a été frappé par une grave crise politique. État le plus pauvre d’Asie du Sud-Est, le Népal, une démocratie fédérale depuis 2008, tourne au ralenti depuis le 20 septembre 2015, date de l’adoption de sa nouvelle Constitution. S’estimant marginalisés par le nouveau texte, plusieurs partis politiques représentant les provinces du sud du pays ont bloqué la frontière voisine avec l’Inde. Problème : le Népal est ultra-dépendant des livraisons de fuel de son voisin indien. Et si un compromis politique a été trouvé en février dernier, les coupures de courant sont toujours légion. «La crise de la Constitution et celle du blocus ont probablement entraîné un retard de quatre à cinq mois», confie Mattias Bryneson, directeur Népal de l’ONG Plan International, dont l’action vise principalement à aider et à protéger les enfants. « Le délai de quatre mois pour la création de l’Autorité nationale de reconstruction, alors que les fonds sont là, est tout bonnement inacceptable », s’emporte-t-il. Mais, en dépit des nombreuses embûches qu’il a trouvées sur sa route, l’humanitaire se veut lucide. « Malgré les défis, la population népalaise est aujourd’hui à l’abri. Elle a à manger, a traversé sans trop d’encombres la mousson et l’hiver, et les enfants peuvent aller à l’école : il n’y a pas aujourd’hui d’urgence humanitaire. » Invité à s’exprimer davantage sur les retards gouvernementaux, le directeur Népal de Plan International admet que ses capacités d’action ont été parfois impactées par la lenteur de la réponse gouvernementale, mais rappelle qu’« outrepasser le gouvernement n’est pas la solution ». Jugeant qu’il sera néanmoins impossible de reconstruire des logements permanents avant la prochaine période de mousson, Mattias Bryneson estime pour sa part à deux ans le délai de reconstruction.

Laissés-pour-compte
Loin des villes, près de l’épicentre du séisme, la situation demeure encore plus chaotique. Perdus dans les montagnes, à 2 500 mètres d’altitude, les habitants de la région de Dolakha semblent livrés à eux-mêmes. Officiellement, chaque famille impactée doit recevoir 1 780 euros pour la reconstruction de sa maison. Or, dans le village de Barkhor, Sukamaya Shrestha a construit elle-même son abri de fortune en tôles, où elle vit seule avec ses deux enfants. « Le premier séisme du 25 avril 2015 a gravement endommagé ma maison et le second du 12 mai l’a terrassée », se souvient-elle avec émoi, devant les décombres de son ancien domicile. Son salut, la Népalaise de 48 ans le doit à l’aide inespérée de son beau-père (le père de son mari parti), qui lui a donné des couvertures et lui a versé un peu d’argent. Comme elle, nombre de rescapés népalais ont dû avoir recours au système D : la famille ou la débrouille. Or, comble de l’ironie, le gouvernement a décrété que ceux qui avaient déjà reconstruit leur maison ne seraient pas indemnisés. « Il est important que ceux qui sont les plus vulnérables ne soient pas exclus », rappelle Mattias Bryneson, qui appelle le gouvernement à faire preuve de flexibilité.

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