L’agriculture en Algérie fait face à la rareté des ressources en eau qui freine son développement, le pays ne disposant que de 7 milliard m3.
Sur ce, le gouvernement a établi une feuille de route élaborée sur la période 2021-2024 pour rattraper le retard en production dans ce secteur, sur lequel compte le pays pour relancer l’économie, assurer la sécurité alimentaire, et consolider la souveraineté économique. Sauf que, pour le professeur Brahim Mouhouche, enseignant à l’École supérieure d’agronomie, l’élaboration de cette feuille de route est faite «à la va-vite», et « le programme de développement agricole en zones sahariennes, en particulier, n’ayant pas été l’objet d’études plus approfondies ». Intervenant, hier, sur les ondes de la radio chaîne 3, il a indiqué qu’« il fallait travailler au moins depuis 10 ans sur ce programme, sachant qu’à l’horizon 2021-2024 nous comptons aller vers de nouvelles cultures qui sont consommatrices d‘eau».
Manque d’eau et absence d’unités de transformation
Indiquant par ailleurs que près de 80% de cette feuille de route a été orientée vers l’activité dans le Sud, car dans ces régions nous avons plus qu’il n’en faut d’eau souterraine, «malheureusement » regrette-t-il « dans le Nord on ne peut pas ajouter de surface ou produire de cultures de colza, d’arachide, de maïs et de betterave sucrière par exemple. Car ce n’est pas suffisant « même pour boire » et pour investir dans l’industrie il n’y a pas assez d’eau».
Dans ce cadre, l’invité de la rédaction se demande « comment pouvez-vous investir pour un hectare qui consomme en moyenne 6 000 m3 par an ? ». Ajoutant d’un autre côté, concernant l’exploitation des ressources en eau, non renouvelables, situées souvent au-delà des 2 000 mètres de profondeur, dont la salinité, souligne-t-il, ne s’adapte pas toujours aux cultures projetées et qui, de plus, compte tenu de leur température élevée, demandent à être traitées dans des structures appropriées, appelant également à économiser le maximum l’eau, notamment dans la région du Nord. Relevant, à ce titre, qu’elle reste majoritairement tributaire des précipitations pluviales, insiste sur la nécessité pour l’agriculture d’utiliser des systèmes pour pouvoir l’économiser au maximum.
À ce propos, il s’indigne, par exemple, du fait qu’on rejette à la mer environ 1,2 milliard de mètres cubes d’eaux usées, chaque année, qu’il soit, selon lui, possible de réutiliser, après traitement, entre 600 à 700 millions de mètres cubes sur la même durée, au lieu des 10 à 15 millions de mètres cubes obtenus actuellement. « Un crime », commente-t-il. Pour ce qui est de l’absence d’infrastructures de transformation, il a considéré à ce sujet que la pratique de ces types de cultures en zone saharienes n’est pas impossible mais ne peut se réaliser «du jour au lendemain», et qu’il est indispensable de laisser aux agriculteurs le temps de s’adapter à ces nouvelles cultures très importantes. Parmi les contraintes à surmonter pour les introduire, il met en avant la rapidité mise à préparer le terrain pour débuter ces types de cultures. « On ne peut, déclare-t-il, jamais obtenir de résultats » en faisant dans la précipitation, relevant à titre d’exemple, l’absence d’infrastructures de transformation, « des contraintes importantes », dont il observe qu’elles ne pourraient être levées à l’horizon de 2024, « si on met le paquet».
Mise en valeur de 700 000 hectares en 2021
Dans ce volet, l’enseignant à l’École supérieure d’agronomie a annoncé la récupération de certaines terres agricoles, et la revalorisation d’autres, indiquant qu’un hectare de mise en valeur de terre coûte entre 10 000 à 15 000 dollars. « Dans cette feuille de route on compte réaliser la mise en valeur de 700 000 hectares en 2021 et de 1,7 million d’hectares en 2024» a-t-il déclaré. En effet, précise-t-il, « parmi les autres défis à relever pour engager ces projets dans la bonne voie, il faut mettre en avant les travaux de mise en valeur des surfaces appelées à les recevoir, lesquelles prennent du temps », ainsi que les budgets importants, qu’ils nécessitent pour devenir opérationnels » a-t-il expliqué. Concernant l’exploitation maximal des surfaces céréalières qui sont à l’équivalant de 3 millions d’hectares, l’Algérie voulait l’augmenter jusqu’à 5 millions de plus augmenter ainsi les rendements à 60 quintaux, mais cet objectif n’a jamais été atteint à cause des réserves d’eau, précise l’invité de la rédaction « ce qui nous laisse toujours dépendants de l’importation ».
Introduire la science et les moyens technologiques
Alors qu’il l’a qualifiée d’«ambitieuse» et «importante», la feuille de route 2021-2024 du secteur de l’agriculture devrait être élaborée selon lui, en se basant sur des études sciatiques, « il faut appliquer la feuille de route d’une manière scientifique en essayant la production des cultures pour voir leur comportement et la quantité d’eau consommée », suggère-t-il. Concernant la technologie, il dira que « depuis quelques années, on parle d’agriculture intelligente pratiquée dans les pays développés, contrairement à l’Algérie qui est en retard de quelques années par rapport à ça.
D’autre part, le professeur Mouhouche a appelé et insisté sur l’impératif d’accompagnement de l’université dans ce domaine. « Il faut accompagner les agriculteurs par des modèles techniques à mettre en place pour assurer des rendements importants. Il n’y a pas de doute, on est dans une ère nouvelle. Nous sommes obligés de solliciter les scientifiques et les universitaires qui ne sont, souvent, pas mis en valeur. Il faut bien savoir que nous avons des capacités humaines ».
Sarah Oubraham