Dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, paru vendredi 5 novembre, mis sous le titre évocateur « Quand Macron appelle, il (Tebboune, ndlr) ne décroche pas. Pourquoi? », le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a répondu aux questions relatives à l’état des lieux des relations entre l’Algérie et la France.
D’emblée, le Président a qualifié de « très graves » les propos tenus par Emmanuel Macron mettant en cause l’existence de la Nation algérienne avant la colonisation française. En effet, Tebboune a qualifié de « très graves » les propos du président français qui a exprimé des doutes sur l’existence de la Nation algérienne avant la colonisation. « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens », a précisé l’interviewé au très influent magazine allemand. En mettant en doute l’existence de l’Algérie avant la colonisation française, exprimée le 30 septembre dernier lors d’une rencontre à l’Elysée avec des jeunes, « M. Macron a blessé la dignité des Algériens. Nous n’étions pas un peuple de sous-hommes, nous n’étions pas des tribus nomades avant que les Français viennent », tonne le Président. En outre, Tebboune ne voit pas dans un avenir proche, le retour à la normal des relations entre l’Algérie et la France. Dans ses réponses aux questions des journalistes de Der Spiegel, il écarte de voir la reprise à court terme des contacts et des relations entre les deux pays. « Je ne vais pas être le premier à faire le pas, sinon je perds tous les Algériens », a assuré le Président, car « c’est un problème national, ce n’est pas un problème du président de la République », ajoutant qu’« aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes ». « M. Macron a blessé la dignité des Algériens », a-t-il réprimandé. Ensuite, et concernant le dossier de la mémoire, le Président a clairement indiqué que « la France devait reconnaître tous ses crimes coloniaux, et non ce qui s’est passé en peu de temps, comme l’affirme le rapport de Benjamin Stora », allusion aux 132 ans de colonisation française derrière un crime de 5,5 millions d’Algériens. À la question de Der Spiegel de savoir s’il existait une possibilité que la crise bilatérale entre l’Algérie et la France prenne « fin bientôt », le chef de l’État a répondu crûment par un grand « NON ».
Et pour cause, Tebboune a estimé que les propos de son homologue français font « partie de la vieille haine coloniale », même s’il a admis que « M. Macron est loin de la haine coloniale ». « Pourquoi l’a-t-il dit alors ? », « Il l’a dit pour des raisons électoralistes. », répond l’interviewé, précisant que Macron «a repris le même discours que tient le journaliste et auteur Eric Zemmour depuis longtemps », à savoir que « l’Algérie n’était pas une Nation et que c’est la France qui en a fait une nation ». « Malheureusement, M. Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation en disant cela », déplore le Président, renvoyant aux déclarations de Macron, tenues en 2017 depuis Alger en tant que candidat aux présidentielles françaises, où il avait reconnu les faits, selon lesquels, « la colonisation était un crime contre l’humanité ».
À propos de l’interdiction de survol de l’espace aérien par des avions militaires français, le chef de l’État a noté que les français s’ils veulent « aller au Niger ou au Mali, ils vont mettre neuf heures et non plus quatre comme avant ». Il a précisé que l’Algérie va toujours « rendre possible de rapatrier des blessés, mais sur le reste, on n’a plus à coopérer ensemble… Peut-être que c’est simplement fini maintenant ». Il est bon de rappeler que les propos provocateurs d’Emanuel Macron, rapportés par le journal Le Monde, avaient déclenché une crise ouverte avec l’Algérie, qui avait réagi immédiatement par rappeler, pour consultation, son ambassadeur à Paris. Comme elle a décidé aussi, en toute souveraineté, d’interdire aux avions militaires français le survol de son espace aérien dans le cadre des opérations armées françaises au Sahel. Ce coup de froid, le plus grave depuis une quinzaine d’années entre les deux pays, avait été précédé d’une série de contentieux autour de la question des visas, dont la France a réduit de moitié le quota aux Algériens. Pour le reste, la mémoire de la colonisation française, les contrats économiques entre les deux pays et la politique pro-marocaine française sur le Sahara occidental, ont attisé les tensions.
Sarah O.