Dans un message adressé, jeudi dernier, à la Nation, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a rendu hommage aux victimes des massacres du 8 mai 1945 perpétrés par la France coloniale. Des événements qui marqueront cette année leur 75ème anniversaire.
Le chef de l’État a annoncé, dans le même sillage, avoir décrété le 8 mai de chaque année « Journée nationale de la mémoire », révélant le lancement d’une chaîne de télévision publique spécialisée en Histoire. « J’ai pris, à cette occasion, la décision d’instituer le 8 mai de chaque année, Journée nationale de la Mémoire, de même que j’ai donné des instructions pour le lancement d’une chaîne télévisée nationale spécialisée en Histoire, qui constituera un support pour le système éducatif dans l’enseignement de cette matière, que nous voulons maintenir vivace pour toutes les générations », a-t-il lancé.
Le président de la République a indiqué avoir instruit également de « parachever l’appellation des agglomérations et quartiers des villes des noms des martyrs de la résistance populaire et de la glorieuse Guerre de Libération nationale et d’élargir la restauration des monuments historiques pour témoigner, au fil des générations, du lourd tribut que notre peuple a payé pour faire face à la barbarie de l’occupation coloniale et pouvoir vivre librement et dignement sur sa terre, fier de son passé duquel il s’inspire pour façonner son avenir dans une véritable démocratie et justice sociale ».
« Notre Histoire demeurera toujours au premier plan des préoccupations de l’Algérie nouvelle et de sa jeunesse, une Histoire que nous ne saurions, en aucun cas, omettre dans nos relations étrangères », a assuré Tebboune, dans son message à la Nation. Le chef de l’État a appelé les « historiens à procéder aujourd’hui à l’élucidation de chaque recoin de cette étape et de toutes les autres ancrées dans la mémoire de la Nation », invitant ces spécialistes à « élucider avec un haut sens de crédibilité dans le récit afin de rendre justice aux générations montantes dans le droit à la connaissance des détails du passé ».
Il a estimé, par ailleurs, que « la nation qui préserve son passé se préserve elle-même et accentue sa capacité de maturation de la conscience populaire, pour faire échouer les manœuvres des courants et lobbies racistes de l’autre rive de la Méditerranée, et dont la mentalité d’antan a été enterrée irrévocablement par la volonté du peuple ».
Pour rappel, des partis français ont promulgué une loi le 23 février 2005, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Une loi controversée et fort contestée par les autorités algériennes et l’opinion publique nationale, qui l’ont qualifiée de « revancharde », car « portant glorification de l’œuvre coloniale en Algérie, en Afrique du Nord et dans les colonies françaises ». Il faut souligner que 75 ans après, la France officielle refuse toujours de reconnaître ses crimes et génocides en Algérie et de présenter des excuses aux familles des victimes.
Abordant les événements du 8 mai 1945, Tebboune a affirmé que ces massacres « ont mis à nu définitivement le véritable visage de la colonisation française », considérant que « la répression sanglante et sauvage de la colonisation abjecte demeurera une marque d’infamie collée au front du colonisateur qui a commis, 132 années durant, des crimes imprescriptibles à l’encontre de notre peuples malgré les multiples tentatives de les effacer car le nombre de victimes a dépassé cinq (5) millions et demi de personnes tous âges confondus, soit plus de la moitié des habitants de l’Algérie sous l’occupation coloniale.»
En effet, a-t-il dit, « ce sont-là des crimes commis contre l’humanité et contre les valeurs civilisationnelles, car fondés sur l’épuration ethnique ayant pour objectif de remplacer les populations autochtones par l’apport de populations étrangères », indiquant que ces crimes « visaient à déraciner l’Algérien, à piller ses richesses et à effacer tout fondement de sa personnalité ». Le chef de l’État a estimé que les massacres de 8 mai 1945 « ont mis à nu définitivement le véritable visage de la colonisation française qui a exterminé, détruit, brûlé, exilé, violé… et tenté d’occulter la personnalité nationale et de semer les germes de la discorde et de la division ». « Mais grâce à la résistance héroïque du peuple, ces massacres ont constitué le tournant qui a persuadé les courants nationalistes que la lutte armée reste le seul moyen pour la libération et le recouvrement de la souveraineté nationale », a-t-il souligné.
Le président Tebboune a mis à nu les arguments de la France coloniale quand à l’apport civilisationnelle de la colonisation, dont une partie de la classe politique française continue même à en parler aujourd’hui. « Les manifestations pacifiques du 8 mai 1945 au cours desquelles des citoyens sans défense sont sortis par dizaines de milliers à Sétif, Guelma et Kherrata avant de s’étendre ,en deux semaines, à d’autres parties du pays, ont fait pas moins de 45 000 martyrs, voire davantage au regard de la machine de guerre comprenant des forces conjuguée, terrestres, aériennes et navales, police et milices de colons armés mobilisées contre des manifestants pacifiques qui réclamaient aux autorités coloniales d’honorer », a-t-il indiqué, « leur promesse d’accorder aux Algériens leur indépendance après la victoire des Alliés sur les nazis, en contrepartie de leur défense de l’honneur de la France contre l’occupation nazie », a-t-il ajouté.
Hamid Mecheri