Les pays qui accordent plus de place et consacrent des fonds à la recherche scientifique s’imposent, aujourd’hui, comme les grandes puissances dans le développement économique.
En empruntant la même voie, d’autres pays en sous-développement ont réussi à émerger comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du sud etc. Qu’en est-il de l’Algérie ? Dépassée dans le domaine de la recherche scientifique, même par ses voisins maghrébins, elle ne compte aujourd’hui que 37 000 chercheurs.
Ce qui nous donne une moyenne de 740 chercheurs pour un million d’habitants. Voilà, grosso modo, les principaux indicateurs du domaine dévoilés, hier, par le professeur Hafid Aourag, DG de la recherche scientifique et du développement technologique (RSDT) au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Intervenu, hier, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale, le professeur a souligné, cependant, que la valorisation des compétences est le premier objectif de la stratégie de sa tutelle. Il a précisé que l’Algérie compte plusieurs types de chercheurs, à savoir universitaires, chercheurs permanents, le personnel de soutien à la recherche, ingénieurs, et les chercheurs en entreprise, qui sont, selon lui, le point faible de notre système nationale de recherche.
« Nous avons 180 chercheurs dans les entreprises. C’est vraiment dérisoire comme nombre », a-t-il regretté, expliquant que, de nos jours, le niveau de progrès scientifique est comptabilisé par le niveau de développement de l’économie et des entreprises.
Un statut et une juste reconnaissance
Qualifiant les chercheurs permanents de « cheville ouvrière » de la recherche scientifique, Hafid Aourag a précisé qu’il est impératif aujourd’hui de revoir leur statut pour passer de la recherche académique à la recherche et développement. Selon lui, cette catégorie de chercheurs est malheureusement marginalisée par le système national de la recherche. « Donc, le plus grand défis pour le développement de la recherche c’est de promouvoir et d’encourager la mise en place d’un statut de chercheur dans l’entreprise, qui est impératif dans le développement », a-t-il plaidé. Tout de même, le professeur Aourag a relevé que la pandémie de Covid-19 et les mesures de fermeture imposées par plusieurs pays ont poussé l’Algérie à se tourner vers ses compétences locales. « La pandémie nous a montré que nous avons des compétences et qui sont aujourd’hui à l’avant-garde. Nous avons 11 laboratoires de recherche qui font de la recherche sur la Covid-19. Nous avons effectué, jusqu’à présents, 90 000 tests à travers nos centres de recherche. Et nous allons ouvrir 22 autres centres de dépistage. Les laboratoires de recherche et nos chercheurs ont participé à la lutte contre la Covid-19 sans demander de contrepartie », a-t-il fait savoir.
Un budget de la recherche dérisoire
Il a ainsi rendu un grand hommage à nos chercheurs nationaux, saluant leur mobilisation qualifiée d’« acte citoyen ». Hafid Aourag a abordé par la suite le malaise des chercheurs de notre pays, dû essentiellement à un budget très faible. « Le budget de recherche annuel dans la loi de Finances octroie l’équivalent de 35 millions de dollars, dont plus de la moitié sont destinés à payer les factures d’Algérie Télécom et d’Internet. Qu’est-ce qu’il en reste ? Il nous restera 15 millions de dollars pour gérer toute la recherche nationale, tous secteurs confondus. Il faut faire de la gymnastique pour pouvoir, avec ce qui reste, satisfaire toutes les demandes », a-t-il critiqué. « Ce qui fait que nous ne faisons que de la recherche fondamentale et académique dans les universités. Mais dans tous les pays c’est la recherche stratégique qu’il faut mettre en place. Vous dites pourquoi on n’a pas fait le développement du vaccin [anti coronavirus] ? Pour faire le développement du vaccin, il faut avoir un Laboratoire P4, et un labo P4 c’est trois fois le budget que l’on nous donne pour une année. Donc, pour faire ce type de choses, il faut avoir les moyens de le faire », a-t-il recommandé. Abordant la question des recherches nationale sur le coronavirus, le DG de la RSDT au ministère de l’ESRS a annoncé qu’un grand centre de développement de vaccins à Biskra est en cours de réalisation. « Grâce à des compétences nationales établies ici et à l’étranger, nous avons terminé la phase d’étude et de construction et nous sommes à la phase d’aménagement. Il faut qu’il y ait des structures comme ça dans notre pays qui permettent de le protéger de tous les risques », a-t-il expliqué. Estimant la recherche scientifique en cours, aujourd’hui, dans nos universités de « pas suffisante », il a plaidé en faveur de la recherche stratégique, qui se fait au niveau des entreprises, qui est la seule à pouvoir « tirer notre pays vers le haut ». Il a regretté le fait d’avoir constaté que des départements ministériels et des institutions ne disposent pas de structures de recherche en leur sein, ce qui rend la mission difficile, appelant à lancer une véritable réflexion dans ce sens.
35 Algériens dans le top 1 000 de Stanford University
Mais, avons-nous assez de chercheurs et de compétences nécessaires pour mener ce défi ? Le professeur se veut affirmatif. « Dans le dernier classement établi par Stanford University classant les meilleurs 1 000 chercheurs dans le monde, figurent 35 scientifiques algériens exerçant en Algérie. Cela témoigne de quoi ? Ça veut dire que vous avez sur une cohorte de 1 000 meilleurs chercheurs dans le monde, 35 Algériens qui émergent, qui sont là, qui sont dans leurs bureaux, qui sont dans leurs laboratoires, mais qu’on n’a pas fait appel à leurs compétences. J’appelle cela des structures dormantes qui attendent qu’on les réactive pour qu’elles puissent donner un plus », a-t-il défendu. « La compétence existe dans les universités algériennes, dans nos centres de recherche et dans nos entreprises, mais il faut leur donner les moyens de créer une collaboration et une synergie. Je vous le dis aujourd’hui, grâce à la pandémie ce que nous n’avons pas réalisé pendant deux ans on l’a réalisé aujourd’hui, il y a eu une prise de conscience dans l’entreprise algérienne. Aujourd’hui, nous travaillons côte à côte avec le ministère de l’Industrie pour mettre en place beaucoup de conventions et beaucoup de projets de développement où nous prenons en charge le volet recherche », a-t-il rassuré.
Hamid Mecheri