L’adoption, le 7 février dernier, par le Parlement, de la nouvelle Constitution semble fonctionner, pour le pouvoir, comme un signal annonçant le lancement de vastes chantiers; dans le domaine économique essentiellement.
Depuis cet évènement, décrié par l’opposition ou, du moins, par sa partie la plus radicale regroupée au sein de l’ICSO (Instance de concertation et de suivi de l’opposition), mais fortement salué par le pouvoir et les partis qui lui sont proches, un certain nombre de faits et de déclarations sont venus le confirmer en effet. Et ce, de la manière la plus autorisée qui soit : leurs protagonistes, pour nous en tenir à trois d’entre eux survenus dans le courant de la semaine écoulée, étant le président de la République lui-même et une personnalité nationale connue pour sa proximité assumée avec lui et, partant, avec le pouvoir qu’il incarne ; Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’UGTA, pour ne pas le nommer. Pour nombre d’observateurs de la scène politique nationale, en effet, les directives données par le premier lors de la réunion tenue le lundi 22 février, d’un conseil ministériel restreint consacré « à la politique nationale dans le domaine du gaz », et les affirmations contenues dans le message qu’il a adressé à la Centrale UGTA à l’occasion du 60ème anniversaire de sa création et aux travailleurs algériens en commémoration du 45ème de la nationalisation des hydrocarbures, et l’annonce, par le second, d’une hausse prochaine des salaires des fonctionnaires relevant de la Fonction publique ne peuvent avoir d’autre signification que celle du signal précité. Un signal qui a tout l’air de laisser sans voix ladite opposition. Prompte, il y a peu, à réagir pour bien évidemment les critiquer, à tout fait et déclaration du premier magistrat du pays, elle n’a, étrangement toujours pas réagi à ces dernières déclarations ; directives données lors de la réunion, lundi dernier, du comité ministériel restreint sur le gaz, et affirmations contenues dans le message du 24 février, s’entend. Bien mieux, elle s’est tout aussi étrangement abstenue, du moins, jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse – ce qui est déjà un temps assez long pour une opposition qui a habitué l’opinion publique à réagir à des événements de moindre importance au quart de tour – de faire le moindre commentaire sur l’annonce du secrétaire général de l’UGTA. Un silence d’autant plus intrigant, pour les mêmes observateurs, que ce dernier est, aujourd’hui, assez sérieusement contesté au sein de l’organisation dont il tient fermement les rênes depuis 1997; année de l’assassinat, par des terroristes, de Abdelhak Benhamouda son illustre prédécesseur. Est-ce à dire que l’opposition a pris conscience de la vacuité de ses critiques à tout bout de champ de tout ce qui émane du pouvoir et de ses soutiens ? Tout porte à le croire. Surtout que les dernières déclarations du président de la République et la dernière annonce de Sidi Saïd sont tout, sauf dépourvues d’importance. Tant les premières augurent d’un avenir prometteur pour l’économie du pays : les directives qu’il a données pour, d’un côté,« relancer et intensifier la prospection des ressources en gaz naturel » et « améliorer les capacités de production des gisements déjà en cours d’exploitation », et, de l’autre, « faire des énergies renouvelables une priorité nationale » ; les chiffres astronomiques, il faut le dire, qu’il a communiqués pour quantifier et l’effort financier – 120 milliards de dollars – que consentira l’état dans les quinze prochaines années pour développer la seule filière des énergies renouvelables, et les retombées en termes de création d’emploi – 300 000 postes le seront – que cet effort induira ; et sa réaffirmation du choix irréversible de l’Etat algérien pour une politique de l’investissement au détriment de celle de la privatisation, ne pouvant qu’aller dans ce sens. Et tant les secondes sont révélatrices de la volonté des pouvoirs publics-il est en effet difficile d’admettre que le secrétaire général de l’UGTA ait pu annoncer une augmentation prochaine des salaires dans la Fonction publique sans qu’il en ait été au préalable autorisé – de ne pas abandonner la politique sociale qui depuis l’Indépendance, est « une constante politique nationale ». D’aucuns n’hésitent pas à affirmer que l’audience que le président Bouteflika a accordée, le 24 de ce mois à Sidi Saïd avait, entre messages, pour objectif de réaffirmer cette volonté. Ce – l’augure d’un avenir prometteur pour l’économie nationale et la réaffirmation du caractère social de l’Etat – à quoi l’opposition ne pouvait aucunement, sous peine de se déjuger totalement, pour ne pas dire irrémédiablement, auprès d’une opinion publique très à cheval sur tout ce qui touche à la stabilité du pays, dont la bonne santé économique est un des éléments incontournables, s’opposer frontalement. D’où, à l’évidence, le profil bas qu’elle a adopté ces derniers temps ; un profil qui contraste fortement avec l’attitude qui était la sienne il y a peu. Et qui la poussait à exiger, ni plus ni moins, que le départ du système. Pour les mêmes observateurs, le présent effacement de l’opposition est également révélateur de son manque criant de réalisme politique.
Et, par ricochet, son amateurisme en la matière. Deux choses qui l’ont poussée à présumer de ses forces. Et, partant, à sous-estimer celles du pouvoir à gérer au mieux la passe difficile que traverse le pays ; non pas depuis la chute drastique des prix du pétrole mais, plutôt, depuis l’avènement, en 2011, du funeste « printemps arabe ». Un pouvoir qui, ce faisant vient de confirmer qu’il est maître du jeu politique auquel il implique le rythme qui lui sied. Et auquel l’opposition a, à l’évidence, du mal à s’adapter.
Mourad Bendris