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LE  DOYEN DES DIPLOMATES ALGÉRIENS ET ANCIEN SG ADJOINT DE L’OUA NOUREDDINE DJOUDI : « Les pays du Sahel finiront par admettre que leur destin est lié à l’Algérie »

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Dans cet entretien, le doyen des diplomates algériens et ancien SG adjoint de l’OUA, de 1974 à 1983, Noureddine Djoudi, revient sur l’apport de l’Algérie dans le processus de l’indépendance des pays africains. Cet apport constitue un gisement historique sur lequel l’Algérie peut s’appuyer pour un redéployement diplomatique dans le continent. En observateur averti des questions africaines, pour avoir séjourné pendant longtemps dans plusieurs capitales de l’Afrique, Djoudi évoque des actions de parasitages de puissances extra-africaines de l’action diplomatique algérienne, notamment dans les pays du Sahel. Ces actions sont conçues par l’entité sioniste et exécutées par le voisin de l’Ouest, avec le soutien d’autres acteurs détenant les moyens financiers pour ce faire. Il dresse également un état des lieux sans complaisance de l’action politique de ces dernières années de l’UA, tout en avertissant sur les plans exécutés par certains membres fraîchement débarqués dans l’organisation et qui cherchent à la torpiller de l’intérieur.

Entretien réalisé par M. Ait Mouhoub

Les pays africains renouent avec les coups d’État comme moyen de changement politique, à partir de votre longue expérience diplomatique en Afrique, comment vous expliquez, M. Djoudi, cet état de faits ?
-Djoudi : d’Abord, il faut admettre que ces changements étaient inévitables, du fait que l’Afrique avait été colonisée pendant longtemps. Les indépendances ont été accompagnées par le maintien de l’influence des anciennes puissances colonialistes. Il y a eu progressivement, une prise de conscience de cette situation chez tous les peuples africains. Cette prise de conscience était en gestation, déjà, il y a un nombre d’années. Les Africains se sont rendus compte qu’ils perdaient plus économiquement après l’indépendance. Il y a l’exemple algérien qui a démontré que les pays accédant à l’indépendance pouvaient œuvrer à demeurer maîtres chez eux. Avec l’arrivée d’une nouvelle génération, il y a une espèce de rejet qui s’est cristallisée au fil du temps de la présence de l’ancien colonisateur, car les méthodes n’ont pas changé et on constate que cette présence se matérialise sous forme de bases militaires qui n’ont, par ailleurs, jamais réussi à faire quoi que ce soit de bénéfique pour les pays où elles sont implantées. À titre d’exemple, dans les pays du Sahel, la présence des militaires français n’a pas résolu le problème de l’insécurité et du terrorisme. La présence de l’ancienne puissance coloniale se manifeste, également, sous forme d’exploitation économique qui se poursuit. C’est ce qu’on constate, par exemple, dans l’exploitation de l’uranium au Niger. Cette exploitation n’a jamais été profitable au peuple de ce pays voisin. C’est une société française qui a toujours maintenu sa mainmise sur ces gisements.
À partir de là, cette prise de conscience est devenue effective et elle explique ces changements qui étaient, au demeurant, prévisibles depuis longtemps.  Ces changements constituent, probablement, une surprise pour l’ancien colonisateur, en raison de son mépris pour l’Afrique, mais de nombreux observateurs avertis les avaient prédits, car au niveau de la frange jeune des populations africaines, on constate que les lignes bougent.  Les moyens d’opérer ces changements posent certainement problème, mais ils demeurent le seul recours qui reste pour les peuples de la région. Certes, le coup d’État n’est pas toujours apprécié, mais il s’avère avec le temps que c’est le seul moyen laissé aux pays du Sahel pour exiger le départ des soldats de l’ancienne puissance colonialiste. Il faut maintenant que ces coups d’État ne soient pas maintenus comme mode de gouvernance. Il faut faire en sorte que ce soit un bref passage pour aller à une situation constitutionnelle, c’est-à-dire à des systèmes politiques démocratiques gérés par des civils.

On constate aujourd’hui une absence de l’Union africaine (UA) sur le terrain. Elle est très rétive par rapport à ce qui se passe dans de nombreux pays africains. L’organisation panafricaine, par exemple, ne s’implique pas suffisamment pour aider à organiser des processus de transition vers des situations constitutionnelles dans les pays ayant connu des coups d’État. Ce sont donc d’autres acteurs, souvent extra-africains, qui investissent le terrain. Comment expliquer cette situation ?
-Djoudi : La création de l’UA avait, dès le départ, charrié des problèmes, tout comme d’ailleurs l’Organisation de l’Unité africaine (OUA). Pour avoir été responsable au sein de l’OUA, je me rappelle que souvent, il y avait des problèmes de personnes. Lorsque Diallo Telli, qui était un grand homme et qui a marqué la place de l’Afrique au niveau international et notamment au niveau des Nations unies, avait terminé ses deux mandats à la tête de l’organisation continentale, celui qui l’avait remplacé a été élu lors d’une session qui s’est tenue à Rabat. Ce qui est déjà significatif. Parce que la première des choses qu’il a faite, en prenant ses fonctions, c’était d’enlever le domaine politique à l’Algérie, pour lui octroyer des secteurs considérés à l’époque comme insignifiants, tels que la culture et le social…C’était effectivement une erreur. Cette décision avait touché aux peuples africains.
À l’époque, le défunt président Houari Boumediène m’avait rappelé pour me dire qu’il était impossible de laisser la place de l’Algérie libre. Cela m‘avait permis de relancer tous les problèmes qui étaient posés au niveau des peuples. Ainsi, le secrétaire général de l’Organisation panafricaine, le camerounais Nzo Ekangaki, avait commis une erreur, en contractant un accord secret avec une grande société qui soutenait à l’époque l’Apartheid.  C’était grâce à l’Algérie, une année après, que cet accord fut dénoncé et qu’Ekangaki fut poussé au départ et remplacé par un autre camerounais, en la personne de William Eteki.  Au niveau de l’OUA, nous avions eu des moments forts, comme c’était le cas avec Edem Kodjo, dont j’étais adjoint. Il a eu le courage de faire admettre la République arabe sahraouie démocratique au sein de l’organisation, conformément aux statuts et la réglementation en vigueur à l’époque au sein de l’OUA. Il a réussi à obtenir la majorité des voix des pays africains pour valider l’adhésion de la RASD en tant que membre de plein droit.
C’était à ce moment-là que le Maroc avait tout tenté pour casser l’OUA, y compris en décidant de se retirer de l’organisation. Par la suite, comme il y a eu cette mutation de l’OUA vers l’UA, nous avions eu comme président de la commission, le tchadien, Moussa Faki Mahamat. Ce dernier entretient des relations étroites avec Israël et les suppôts de cette entité dans le continent. C’est comme ça qu’il a pris des décisions qui ne relèvent pas de son mandat, mais des compétences du Sommet des chefs d’État africains, en accréditant le représentant de l’entité sioniste,  comme observateur au niveau de l’organisation, alors que nous avons de fait des textes juridiques qui stipulent clairement la reconnaissance par l’UA de l’État de Palestine, qui détient déjà la qualité d’observateur, avec un statut particulier faisant que les Palestiniens sont habilités à participer aux débats. Ce qui n’est pas le cas des autres membres observateurs. Il y a eu donc ce méfait, et heureusement, encore une fois, c’est l’Algérie qui a œuvré à rétablir la situation avec le soutien de l’Afrique du Sud et du Nigéria, en bloquant le processus d’intégration de cette entité au sein de l’organisation continentale, en qualité d’observateur.
Il s’agit de ma lecture et appréciation de ce qui s’est passé au sein de l’UA et ça n’engage que ma personne, car je ne parle pas au nom du gouvernement algérien, dans lequel je n’exerce aucune fonction. Au sein de l’État algérien, c’est le président de la République qui détermine très clairement la politique étrangère du pays. De mon point de vue, donc, personnel, avec toute l’expérience acquise au sein de l’OUA et de l’UA, je pense que le problème réside au niveau du président actuel de la Commission qui passe outre les prérogatives des chefs d’État africains. Je crois, en conséquence, qu’il est temps de régler ce problème, car que ce soit la charte de l’UA et les textes adoptés au fil du temps, l’Afrique détient tous les moyens susceptibles de lui permettre de se développer politiquement, économiquement, socialement, scientifiquement et culturellement. Mais, Il y a toujours ce problème de l’individu qui va, parfois, à contre sens des exigences des peuples.


Qu’est-ce qui fait que l’UA n’arrive pas à s’exprimer sur des dossiers clés dans le continent, comme le Sahara occidental, les crises en Libye et au Soudan, laissant l’initiative à d’autres acteurs qui ne sont pas souvent du continent. Pourtant, l’UA détient des outils susceptibles de lui permettre de jouer un rôle principal dans ces dossiers ?
Il fut un temps où l’OUA était une vraie organisation qui œuvrait pour défendre les intérêts des peuples du continent. Elle fut très dynamique dans l’exécution de ses missions. Pourtant à l’époque, une bonne partie des pays africains étaient encore sous domination de puissances colonialistes européennes. Il y avait un nationalisme inhérent à cette volonté d’indépendance qui a été reflétée au sein de l’OUA. Il y avait une majorité écrasante qui était favorable pour la prise en charge des problèmes auxquels les pays africains faisaient face. Malheureusement, avec le changement parfois qualitatif de certains dirigeants, et surtout avec la mobilisation des influences d’États extra-africains, qui ont voulu compenser leurs pertes avec les indépendances, en usant d’autres formes de contrôle, en introduisant un virus au sein de l’UA, nous constatons aujourd’hui des contradictions et des divergences dans la démarche de l’organisation.
L’exemple le plus édifiant, à ce propos, est donné par l’attitude du Maroc. Je ne parle pas du peuple marocain, auquel j’éprouve un profond respect, je parle du Roi Mohamed VI et du Makhzen. Voilà que ce Roi, après que son père, Hassen II, ait claqué la porte de l’OUA, avec un mépris total pour l’Afrique, et sur conseil d’Israël, est revenu, en adhérant à l’UA. C’est bien ses mentors israéliens qui lui avaient reproché de laisser la chaise vide au sein de l’organisation continentale. Ils lui ont conseillé, alors, d’attaquer l’UA de l’intérieur et de la démolir en agissant en son sein et non-pas de l’extérieur.
D’ailleurs, il s’agit de l’un des principes de base de la Guerre de quatrième génération qui consiste à œuvrer à déstabiliser l’adversaire de l’intérieur.

Mohamed VI avait demandé à revenir à l’organisation, mais, on lui a demandé de solliciter une adhésion, du moment que l’UA n’est pas l’OUA. C’est ce qu’il avait fait sur conseil des sionistes. Il a été même contraint, statutairement, de signer l’acte d’adhésion dans lequel la RASD figure comme membre à part entière de l’UA.  Mais, tout comme son père, qui avait manipulé la première résolution sur l’autodétermination du Sahara occidental, il a fait de même, en adhérant à l’UA pour agir de l’intérieur. Ainsi, il a commencé à faire de l’agitation pour démolir l’unité africaine à l’intérieur même de son organisation. Je relève ici, une déclaration ancienne de l’entité sioniste, disant que leur objectif en Afrique était l’Algérie. Il se trouve, aujourd’hui, que le Makhzen se trouve être le principal « harki » dans cette opération. Ce que fait le Makhzen, c’est de proposer des choses irréalisables.  À titre d’exemple, l’Algérie avait de tout temps eu les meilleures relations possibles avec les pays du Sahel, et ce, depuis des siècles. À l’époque où le Maroc n’était pas le Maroc dans sa configuration actuelle, car il était éparpillé en plusieurs principautés, lorsque Ahmed al-Mansur al-Dhahbi avait envahi et détruit l’empire songhaï (l’actuel Mali), pour s’accaparer des richesses du Mali et des esclaves, il y avait déjà des relents expansionnistes chez les souverains de ces principautés. Aujourd’hui, dans le Maroc actuel, nous nous retrouvons avec les mêmes velléités expansionnistes. À chaque fois, les autorités de ce pays tentent de manipuler des situations pour contrer l’Algérie. Dès que notre pays exprime sa volonté de construire un gazoduc qui permettrait au Nigéria de faire des économies importantes en livrant son Gaz aux pays de l’Europe par le chemin le plus direct, tout de suite, on découvre une histoire qui ressemble à la légende du « loch Ness », une histoire mirifique, selon laquelle le Maroc compte construire un gazoduc à partir du Nigéria qui contournera une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et dont le terminal serait le Sahara occidental. Un projet mirifique qui n’est pas réalisable, ni aujourd’hui, ni à l’avenir. Il y a le problème du coût et celui de la technologie. L’Algérie détient une connaissance dans le domaine pour avoir construit déjà des pipes sous-marins. Sitôt que l’Algérie évoque le projet de la route de l’unité africaine, on sort un dossier sur la construction d’un tunnel sous le détroit de Gibraltar, sachant bien que là aussi, il n’y a aucune chance de voir ce projet concrétisé, car les contraintes techniques, compte tenu de la nature du sol et de son instabilité, font qu’il est impossible de le réaliser.  L’Algérie a de tout temps pensé à l’intérêt général de l’Afrique. L’ensemble des gouvernements qui se sont succédé avaient inscrit en priorité des projets dans l’intérêt des pays du continent. Déjà à l’époque du Roi Numide, Massinissa refusait la mainmise de la puissance de l’époque qu’était l’empire romain, en disant qu’il était africain et qu’il comptait le demeurer. C’est justement cette attitude que le Maroc actuel ne peut pas accepter ni d’ailleurs ses protecteurs sionistes. C’est à partir de là qu’on essaye de chahuter l’action algérienne en Afrique et à jeter le doute quant à ses intentions. Tout le monde admet, aujourd’hui, que si l’Algérie n’était pas vigilante, le terrorisme aurait prospéré dans toute la région, y compris au Mali. C’est l’Algérie qui avait contré et verrouillé les groupes terroristes.

Justement, en évoquant le cas du Mali et des pays du Sahel, nous constatons la subsistance de difficultés à reprendre langue avec les nouveaux régimes installés par des coups d’État, à cause d’actions de parasitages entreprises par des puissances extra africaines, en utilisant le Maroc, comme agent déstabilisateur, sachant que ce pays n’a pas de moyens propres pour jouer ce rôle. Des entités comme les Émirats arabes unis utilisent leurs moyens financiers justement pour parasiter les relations de l’Algérie avec les pays du Sahel. Qu’est-ce que doit faire l’Algérie pour mettre un terme à cette situation et reprendre ainsi sa place naturelle dans ces pays qui font partie de son aire géographique immédiate ?
-Djoudi :  Votre question contient déjà la réponse, parce que ce qui explique l’ingérence de ces forces extra africaines, réside dans le fait que l’Algérie a réussi à conserver l’indépendance de sa décision. Elle met en pratique, aussi, sa politique africaine, comme elle ne se préoccupe pas uniquement de sa sécurité, sous toutes ses formes, c’est-à-dire politique, alimentaire…etc. L’Algérie œuvre, toujours, dans le sens du développement de ses voisins immédiats, en mettant en application un principe de notre religion islamique qui insiste sur « Le bon voisinage ». Et nous avons été toujours très proches de nos amis du Sahel. C’est ce qui gênait les autres, car l’Algérie est devenue pour certains un mauvais exemple. C’est à cause, donc, de l’action de l’entité sioniste, par Maroc interposé, qu’on a commencé à jeter le doute chez certains officiers qui ont pris le pouvoir dans ces pays sur l’attitude de l’Algérie. Notre pays n’a pas, pour autant, abandonné le terrain. Bien au contraire, en refusant de répondre aux provocations et en observant une attitude empreinte de sagesse, l’Algérie a fait en sorte qu’il n’y avait pas eu rupture avec nos voisins du Sahel. Il y a eu certes un moment de refroidissement, mais les choses sont en train de reprendre doucement et graduellement. Au niveau de la Présidence du pays, on est très conscient du fait que toute réaction à chaud pourrait être désastreuse et on entrerait dans le jeu de ceux qui avaient créé cette situation. Laissant donc le soin à nos amis du Mali, du Niger et du Burkina Faso de voir par eux-mêmes et graduellement le danger auquel ils s’exposent et prendre petit à petit conscience de la réalité, à savoir leur avenir ne peut s’inscrire dans la rupture avec l’Algérie mais bien au contraire. À titre d’exemple, quel intérêt a le Niger à se couper de l’Algérie, alors que le fameux gazoduc doit précisément passer par ses territoires. L’Algérie peut aider son voisin subsaharien en lui fournissant certaines connaissances techniques en la matière. Et je ne vais pas évoquer ici les équipements à caractère social, dont l’édification dans ces pays, s’est faite avec l’aide de l’Algérie. Il y a actuellement une démarche hostile de la part de notre voisin de l’Ouest qui n’est finalement qu’une marionnette entre les mains de puissances étrangères, en particulier l’entité sioniste et certains pays occidentaux. Ces dernières années, l’Algérie a commencé à reprendre sa place, notamment sur le plan diplomatique, car on est redevenu un pays qu’on écoute et qu’on respecte.  L’Algérie est un passage obligé vers l’Afrique. C’est ce qui fait qu’elle dérange et que des collisions se font contre elle, à l’image de celle du Maroc et des Émirats arabes unis. Je crois que l’attitude affichée par les autorités algériennes est sage, car, elle compte sur le réveil graduel des pays voisins, notamment ceux du Sahel. Actuellement, les pays hostiles à l’Algérie ne proposent que des chimères et de l’illusion aux peuples du Sahel africains. C’est ce qui contraste nettement avec ce que propose l’Algérie. Le meilleur exemple, c’est ce qu’elle fait avec la Mauritanie. Cette dernière a refusé le passage de cette chimérique route pour permettre un accès à l’Atlantique aux pays du Sahel. La Mauritanie a compris, dès le départ, qu’il s’agissait d’une chimère. Je me souviens bien que Hassen II avait essayé d’entrainer l’Algérie dans un deal pour le partage du Sahara occidental, en lui proposant la partie centrale de ces territoires, c’est-à-dire, la moins intéressante, pour lui permettre d’accéder à l’Atlantique et commercialiser ses minerais de fer. En conclusion, je dirai que ce genre de comportements hostiles émane généralement de la bête qui agonise. Cette dernière devient naturellement extrêmement dangereuse. La meilleure manière d’agir dans ce genre de circonstances est de ne pas avoir de réactions à chaud, mais d’être très actif comme nous le faisions par le passé au sein de l’OUA et comme on le fait actuellement avec la Mauritanie.

L’Algérie jouit, à juste titre, d’un capital historique extraordinaire de par ses relations étroites avec les mouvements de libération en Afrique. Comment l’Algérie, aujourd’hui, peut puiser dans ce gisement pour se redéployer dans le continent ?
-Djoudi : Il faut reconnaitre qu’à des moments nous avions eu certains fléchissements. Il ne s’agit pas de situations voulues, mais, dues à des circonstances particulières à l’image de la crise générée par le terrorisme, la Covid-19…Nous avions un peu délaissé notre présence en Afrique. Il faut reconnaitre qu’à ces moments, notre position diplomatique en a souffert. Depuis l’accession d’Abdelmadjid Tebboune à la magistrature suprême, Il a repris l’idée selon laquelle l’Algérie a sa place sur le plan international et qu’elle est porteuse d’un message. On le voit aujourd’hui au niveau du Conseil de sécurité de l’Onu. Ammar Benjama, ne représente pas uniquement l’Algérie, il représente plutôt l’Afrique et le monde Arabe. Il faut donc admettre qu’il y’a un effort dans ce sens, mais on a ajouté une nouvelle dimension à la diplomatie. Ce n’est pas simplement de la diplomatie au sens classique du terme, mais on y ajoute des paramètres comme l’économie, la science, la culture etc… Graduellement, l’Algérie est en train de réanimer le sentiment qui a toujours existé au niveau des mouvements de libération nationale, comme au niveau de l’Afrique australe. C’est ce que j’avais dit, une fois, dans une chaîne de télévision en Afrique du Sud, lorsqu’on me disait que les Africains n’oublieront jamais l’aide de l’Algérie. J’avais répliqué en disant qu’en tant qu’Africains, nous n’avons pas aidé les mouvements de libération, parce que, tout simplement, nous étions engagés, et l’aide était une tradition concrète de l’engagement. Nous étions donc avec eux dans le combat. La diplomatie algérienne aujourd’hui s’appuie sur les fondements de la Révolution du 1er novembre 1954. Si on relit les textes fondateurs de notre Révolution, nous nous rendrons compte qu’il y a des principes qui continuent à constituer les bases de notre politique étrangère aujourd’hui, à savoir l’humanisme, la solidarité avec les peuples qui n’ont pas encore pu accéder à l’indépendance. À titre d’exemple, sur le plan militaire, il y a beaucoup de pays africains qui envoyaient leurs citoyens pour des formations en Algérie. Même aujourd’hui, ils continuent à le faire, y compris des pays avec qui nous avons quelques différents. Les choses changent vite. À titre d’exemple, le Rwanda avait reçu à un moment donné Benjalmin Natanyahou qui s’est rendu en visite à Kigali. Il a entamé une activité pour lancer les bases d’une présence sioniste dans ce pays africain. Le fait que le chef de l’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Chengriha, s’est rendu dans ce pays et qu’il ait conquis l’intérêt et la fraternité des Rwandais, le chef de l’état-major de l’Armée rwandaise s’est précipité, à son tour, pour venir à Alger. C’était un moyen pour contrecarrer les desseins de l’entité sioniste dans ce pays africain. Il y a donc un début d’action concrète qui tient compte des changements intervenus au plan international. La position de l’Algérie, hier, était claire ; le soutien aux pays colonisés et contre l’apartheid. On était engagé pour qu’ils accèdent à leur indépendance et ils le reconnaissent d’ailleurs. L’Algérie était le seul pays qui l’a fait d’une manière ouverte et concrète. Nous devons aujourd’hui reprendre exactement la même démarche.

Toujours dans le registre de la décolonisation, il y a le cas du Sahara occidental, dernière colonie en Afrique qui, paradoxalement, est occupée par un pays membre de l’UA. Justement, l’UA peine à mettre en œuvre ses orientations et décisions dans ce dossier. Même Joaquim Chissano, l’envoyé spécial, n’est pas encore revenu à Laayoune, comme exigé par l’UA. Comment voyez-vous le rôle que devrait jouer l’organisation continentale pour amener l’occupant marocain à respecter ses résolutions ?
-Djoudi : L’UA doit agir maintenant en profondeur pour régler ce conflit, car cette organisation n’est plus ce qu’a été l’OUA auparavant. À l’époque l’Algérie avait inscrit un point fondamental, à savoir accorder la priorité absolue à l’aide aux mouvements de libération en Afrique. L’Algérie maintient toujours les mêmes principes et elle continue à le faire dans le cas du Sahara occidental. Joaquim Chissano, l’ancien président du Mozambique, est parti à Rabat pour dire les choses clairement devant la presse marocaine. Il avait déclaré que le principe de l’autodétermination du peuple sahraoui est un principe sacré. Maintenant, comme je l’ai dit, il y a des gens infiltrés au sein de l’UA qui essayent par tous les moyens de freiner l’action de l’organisation dans le dossier sahraoui. Je demeure persuadé que l’Algérie a eu une attitude sage quand elle ne s’était pas embarquée dans des réactions à chaud, en privilégiant une autre approche graduelle qui fut une base de notre lutte pour l’indépendance. Nous avons eu l’expérience du 8 mai 1945. Ces évènements douloureux nous avaient emmenés à engager les choses graduellement jusqu’à arriver au 1er novembre1954. Nous avions engagé alors une lutte de plus de sept ans, alors que personne ne croyait au départ qu’on pouvait vaincre le colonialisme français. Pourtant, nous avons réussi. Je crois que ce problème se pose de la même manière au niveau de l’UA. Nous sommes très conscients qu’il existe des manœuvres pour briser cette organisation et plus précisément la torpiller de l’intérieur. Actuellement, la diplomatie algérienne s’active auprès de pays frères africains pour œuvrer à renverser cette tendance. Nous constatons que ces deux dernières années ont connu un défilé de responsables africains à Alger. Ce que nous n’avons pas vu pendant des années.
Entretien réalisé par M. Aït Mouhoub
Paru sur le site de l’Association internationale des amis de la Révolution algérienne (AIARA)

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