«La greffe est une option stratégique dans le traitement de l’insuffisance rénale». Cette déclaration péremptoire a été faite, hier, par le directeur général de la Cnas. Et ce, aussi bien dans l’intervention qu’il a faite à l’ouverture des travaux du «3e séminaire régional sur l’amélioration de la prise en charge des malades atteints d’insuffisance rénale», qui s’est tenu au Centre familial de Ben Aknoun, que dans le point de presse qu’il a animé juste après.
Selon Tedjini Hassan Haddam, deux faits motivent le choix fait par les pouvoirs publics en faveur de cette option : la lourdeur du traitement par hémodialyse de cette maladie et ses résultats aléatoires, d’un côté, et le coût faramineux et en progression constante de ce traitement, dans l’autre. S’en tenant aux seuls malades, au nombre de «9 257», actuellement traités dans «les 152 centres d’hémodialyse conventionnés avec la Cnas», son directeur général a déclaré que ce dernier a atteint, l’année dernière, la rondelette somme « de huit milliards de dinars». Soit, a-t-il tenu à le préciser, «quelque 90 millions de centimes par malade et par année».
Une somme qui est, toutefois, loin de refléter la réalité de ce que coûte réellement au Trésor public la prise en charge des malades atteints d’insuffisance rénale : quelque «10 000 autres (malades)» étant, en effet, selon le DG de la Cnas, «pris en charge dans les hôpitaux publics». Le rôle d’expliquer la lourdeur et le caractère aléatoire du traitement par hémodialyse et, partant, la seconde raison à l’origine du choix stratégique de la greffe comme réponse définitive à l’insuffisance rénale, fait par les pouvoirs publics, a été laissé au docteur Farid Haddoum, chef du service «Néphrologie et Greffe rénale» du CHU Mustapha Bacha d’Alger. Dans un long et détaillé exposé sur le traitement de cette maladie, celui-ci s’est, en effet, étalé sur les différentes étapes par lesquelles ledit traitement est passé ; des étapes marquées par des tâtonnements qui n’ont pas été sans conséquences – dans nombre de cas, fatales – sur la santé des malades. Mais qui, à chaque fois, ont permis d’améliorer la qualité du traitement en question. La dernière de ces améliorations a été, sans conteste, la mise au point, en 2000, aux Etats-Unis, du Sevelamer, un chélateur – lire «kélateur» – qui a la particularité de réduire, dans l’organisme, nombre de substances à l’origine des complications, cardiaques, osseuses et épidermiques, que connaissaient – dans les pays où ce chélateur est aujourd’hui administré – et connaissent – dans ceux, comme le nôtre, où il ne l’est pas encore – les malades hémodialysés. Tels, entre autres, le phosphore, surtout, et le cholestérol.
C’est, à l’évidence, sur ce nouveau produit, dont les bienfaits thérapeutiques ont été prouvés dans les pays où il est déjà administré, que les pouvoirs publics comptent pour passer à la phase active de la stratégie, basée sur la greffe, qu’ils ont élaborée pour tenter d’apporter une réponse radicale au problème de l’insuffisance rénale dans notre pays. Aussi bien le directeur général de la Cnas que le chef du service «Néphrologie et Greffe rénale» de l’hôpital Mustapha Pacha, ont, en effet, déclaré que «le lancement du traitement à base Sevelamer, par les améliorations indéniables qu’il apporte dans l’état des malades auquel il est administré, est conçu comme une étape préparatoire à la greffe». Un lancement qui sera effectif, selon Tedjini Hassan Haddam, «dans les tout prochains jours».
Et qui ne se limitera pas, ont tenu à préciser les deux, «aux seuls établissements de santé publics mais concernera également ceux de statut privé». Toujours à propos du choix stratégique de la greffe comme solution radicale au problème de l’insuffisance rénale dans notre pays, le directeur général de la Cnas n’a pas caché les difficultés qui pourraient entraver sa concrétisation sur le terrain. Notamment, celle relative à la disponibilité de donneurs. Une difficulté, a-t-il annoncé, que «les pouvoirs publics s’attellent à lever: une commission regroupant des spécialistes, des administrateurs et des hommes de religion ayant été installée, qui travaille dans ce sens».
Et qui est, toutefois, en passe d’être dépassée par une évolution, lente mais continue des mentalités à ce propos. Et ce, comme le révèle, on ne peut mieux, l’évolution sensible du nombre de greffes rénales effectuées dans notre pays : «de 10 à 15, il y a quelques années, celui-ci est, aujourd’hui, de quelque 300 annuellement». Toujours dans le domaine de l’amélioration de la prise en charge des malades atteints d’insuffisance rénale, Tedjini Hassan Haddam n’a pas manqué de rappeler «qu’en 1999, seuls quatre centres d’hémodialyse existaient dans le pays. Alors qu’aujourd’hui, ils sont 152, pour ne parler que de ceux qui sont conventionnés avec la Cnas».
Une augmentation qui est allée, a-t-il ajouté, «avec une amélioration sensible des prestations fournies par ces centres et une maîtrise plus grande des traitements assurés» ; «augmentation et amélioration» qui n’ont pas empêché le DG de la Cnas de rappeler que «le traitement le plus efficace contre cette maladie est, incontestablement, la greffe…»
Mourad Bendris