La colère monte chez les chauffeurs de taxi. Et pour cause : la décision interministérielle du 12 septembre dernier qui définit les conditions exigées aux taxieurs afin de bénéficier des indemnités décidées par le président de la République au profit des métiers impactés par la Covid-19.
Inacceptable pour les taxieurs, qui en appellent au Chef de l’État pour rectifier ce qu’ils appellent « une incohérence » du fait que le décret exécutif n° 20-211 du 30 juillet 2020 portant allocation d’une aide financière au profit des personnes exerçant des métiers impactés par les effets de la pandémie du Coronavirus (COVID-19) précise bien dans son article 4 que « l’aide financière n’est pas soumise à l’impôt et aux cotisations de sécurité sociale ». Or, « les chauffeurs de taxi ont été surpris par la décision de la Commission interministérielle chargée d’appliquer ce décret exécutif qui nous exige de fournir des copies de la mise à jour de notre affiliation CASNOS des années 2019 et 2020 », s’est indigné hier Sid Ali Aït L’hocine, membre du bureau de la Coordination des chauffeurs de taxi de la wilaya d’Alger, joint hier par téléphone. Ce syndicat affilié à l’UGTA, en effet, semble vouloir mettre tous son poids dans la balance pour faire entendre ses revendications, en appelant hier à un sit-in de protestation au sein de la gare routière du Caroubier, lundi prochain, 19 octobre, à 10H, suivi d’une grève des taxis de la capitale. Dans le préavis de ce mouvement de protestation pour « dénoncer nos droits légitimes bafoués » adressé à plusieurs institutions dont le ministère des Transports, la direction des Transports d’Alger, le wali d’Alger, – dont une copie est parvenue à notre rédaction – la CCTWA a dit « laisser la porte de dialogue toujours ouverte ». Contacté hier, Sid Ali Aït L’hocine nous a expliqué que la CCTWA « avait adressé une correspondance à la Direction des Transports d’Alger pour exprimer son refus de l’exigence des mises à jour des années 2019 et 2020 de l’affiliation à la sécurité sociale, et avons demandé une médiation à la direction des Transports, en étant notre tutelle, et le ministère des Transports. Mais rien n’a changé ». « Au contraire, la réponse a été contre toutes nos attentes. Directement après notre correspondance, la direction des Transports a pris une décision de commencer à recueillir les dossiers depuis hier [dimanche dernier, NDLR] et l’application de la décision interministérielle du 12 septembre », s’est-il indigné. Il a souligné que les chauffeurs de taxis qui ont été surpris et choqués par le refus de leurs dossiers à cause de l’absence de preuve de l’affiliation CASNOS. Cela a créé une grande pagaille au niveau du parking Châteauneuf (El-Biar), aménagé par les autorités pour recueillir les dossiers des indemnisations pour les transporteurs. Voire plus, le délai accordé de seulement 10 jours (a commencer dès le 5 octobre), c’est-à-dire que les taxieurs ont jusqu’au 15 octobre pour rassembler toutes les pièces de leurs dossiers, a fini par jeter de la poudre à l’huile. Les lenteurs administratives ne permettent pas de compléter tous les dossiers à temps, et les chauffeurs de taxi commencent à perdre espoir d’encaisser l’indemnisation, a fait savoir le représentant syndical. « Il y a eu un grand soulagement quand le président de la République s’est engagé de prendre en charge le dédommagement de cette catégorie de travailleurs, surtout qu’il n’a évoqué ni l’obligation d’être soumis à l’impôt ni la cotisation de la sécurité sociale. Mais quand ils ont vu la décision interministérielle du 12 septembre, ils ont été choqués, il y a eu un sentiment de trahison. Cela a même créé des problèmes familiaux à certains, car ils ont contracté des dettes en croyant que leurs problèmes financiers seront résolus dès l’encaissement de 30 000 DA par mois », a-t-il expliqué. À l’origine aussi de la colère des taxieurs, le problème des licences de moudjahidine qui s’est posé encore durement depuis la période de confinement. « Une grande partie des chauffeurs de taxi, que je peux situer à 98 %, ont vu leur contrat de location des licences de moudjahidine – renouvelables chaque 12 mois – terminés durant cette période de coronavirus. La majorité des taxieurs exercent désormais sans licence d’exploitation, c’est-à-dire illégalement, car ils n’ont plus de quoi payer les ayants droit, propriétaires de ces licences », se désole Aït Lhocine. Il affirme que les taxieurs ne veulent plus revivre le spectre de diktat des propriétaires de ces licences de moudjahidine, et qu’ils exigent dorénavant des licences administratives remises par le ministère de tutelle.
Hamid Mecheri