Le patron de la « Mocro Maffia », Ridouan Taghi a été condamné, mardi dernier, à la réclusion criminelle à perpétuité par le tribunal d’Amsterdam au terme d’un procès qui a duré presque six ans.
Ses co-accusés, au nombre de seize, poursuivis pour une série de crimes commis entre 2015 et 2017, ont également écopé de lourdes peines de prison. Ce patron du cartel de la maffia de la drogue aux Pays-Bas, aujourd’hui âgé de 46 ans, est né au Maroc mais a grandi dans les rues d’Amsterdam et Rotterdam. Très vite, il deviendra le baron d’une nébuleuse de réseaux et groupes maffieux. Il avait réussi cette ascension grâce à des soutiens de responsables de l’administration marocaine qui lui assuraient des cargaisons de cannabis produites dans la région de Ketama. Ils assuraient également la libre circulation à sa marchandise mais aussi à ses agents qui bénéficiaient d’une totale protection au Maroc mais également le contrôle de toute la chaîne de production et de commercialisation de la production au Maroc. Ses concurrents étaient éliminés soit physiquement ou encore par le démantèlement de leurs réseaux. Cela a assuré la prospérité et la puissance à son organisation qui offrait ses services au Makhzen pour pister les opposants, notamment du Rif ou pour leur élimination. C’était du donnant-donnant pour ce narcotrafiquant qui assurait également aux agents des services secrets marocains un appui financier et toute une logistique bien huilée à travers toute l’Europe. Ridouan Taghi a été arrêté à Dubaï en 2019 et incarcéré dans une prison néerlandaise ultra-sécurisée. Mais cela ne l’avait pas empêché de continuer à diriger son gang depuis l’intérieur en transmettant des messages à ses complices à l’extérieur, selon le parquet, cité par l’Afp. De par son ampleur, le procès qui a duré presque six ans, appelé «Marengo», est sans précédent aux Pays-Bas, d’après les observateurs. L’armée a été mobilisée pour sécuriser les abords du tribunal pendant les audiences. Les procureurs et juges s’y rendaient en voitures blindées et toutes les dispositions avaient été prises pour leur assurer l’anonymat et leur sécurité. Les crimes ont été perpétrés entre 2015 et 2017, visant principalement des individus soupçonnés par le gang d’être devenus des informateurs de la police. Le dossier d’inculpation de Ridouan Taghi a indiqué que tout a commencé en 2017 après le meurtre à Utrecht d’un homme appelé Hakim Changachi. Peu de temps après, un des membres présumés du gang, identifié comme «Nabil B.», s’etait rendu à la police et avait accepté de devenir témoin à charge en contrepartie d’une clémence de la justice et d’une protection policière.
Quelques mois plus tard, une nouvelle vague de violence avec des meurtres avait choqué le pays. Trois personnes de l’entourage de Nabil B. ont été tuées: son frère en 2018, son avocat Derk Wiersum en 2019 et en 2021 d’un journaliste réputé, Peter R. de Vries, considéré comme son confident et son relais avec la police néerlandaise. Les fréquents déplacements de Ridouan Taghi dans son pays d’origine et ses rencontres avec des responsables du Makhzen et de l’administration locale lui ont permis de devenir le sous-traitant le plus fiable et le plus puissant dans la guerre que menait le Maroc aux indépendantistes du Rif et aux militants sahraouis. Il suffisait de fournir tous les renseignements à ce baron pour le voir actionner ses hommes de main pour liquider physiquement sa victime ou la réduire au silence par la menace. Lors de son procès, il n’a pas voulu s’épancher sur ce volet de sa vie maffieuse, préférant les éclats de voix pour éviter de répondre aux questions qui pouvaient servir à identifier ses protecteurs marocains. Même ses co-accusés ont adopté la même stratégie de défense ce qui laisse supposer que cette façon d’agir était préparée en amont dans le secret des parloirs. Il faut préciser que le dossier de l’accusation comptait plus de 800 pages avec notamment des éléments à charge portés par Nabil B. et des conversations provenant de téléphones cryptés. Maintenant que la toile de la « Mocro Maffia » a subi un coup, c’est le Makhzen qui va tout mettre en œuvre pour se doter d’une nouvelle organisation de sous-traitance en Europe. Ridouan Taghi aurait reçu des assurances qu’il pourrait faire l’objet d’un échange qu’organiserait la justice marocaine. Les jours et les mois prochains apporteront sûrement du nouveau dans cette affaire qui a tout l’air de n’être qu’un fait divers criminel mais qui a en réalité des sous-bassements politiques.
Slimane B.