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Il a été élu avec 57 % des suffrages : un maire musulman pour gouverner Londres

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À l’heure où la plupart des pays européens connaissent une montée de l’hostilité à l’égard des musulmans et une dégradation de l’image de l’islam en général, les Londoniens viennent d’élire à la majorité leur premier maire musulman en la personne du travailliste Sadiq Khan, avocat d’origine pakistanaise.

Au-delà de la victoire historique et symbolique, comment éviter l’écueil d’une politique identitaire où l’appartenance à une communauté ethnique ou religieuse aurait raison des objectifs politiques ?
Le nouveau résident du City Hall pour les quatre années à venir s’appelle Sadiq Khan. Ce député travailliste de 45 ans, avocat de son état, fils d’un immigré pakistanais conducteur de bus, l’a emporté sur son rival le conservateur, Zac Goldsmith, 41 ans, fils du milliardaire Jimmy Goldsmith avec 57% des suffrages et succède à l’excentrique Boris Johnson. Par ce plébiscite, les Londoniens semblent montrer l’exemple à leurs voisins du Vieux continent notamment la France et l’Allemagne qui voient l’installation croissante d’un climat islamophobe en élisant pour la première fois dans l’histoire du pays un maire d’origine pakistanaise et surtout musulman. Cinquième d’une fratrie de huit enfants, Sadiq Khan est né dans une famille modeste de la banlieue de Londres d’un père conducteur de bus et d’une mère couturière. Il grandit dans une HLM de la circonscription de Tooting, un quartier populaire du sud de Londres – dans lequel il vit toujours – et fréquente l’école publique avant de se lancer dans des études de droit où il se spécialise dans les droits de l’Homme. Sous le mandat de Gordon Brown, il est nommé entre 2008 et 2010, ministre chargé des Communautés puis des Transports et devient le premier musulman à siéger au Conseil des ministres britanniques. Une expérience qui a joué en sa faveur dans le domaine du dialogue intercommunautaire et interreligieux. En 2015, le candidat choisit les rangs du parti travailliste pour mener sa campagne. «J’ai grandi dans une cité, à quelques kilomètres d’ici, et à l’époque, jamais je n’aurais rêvé que quelqu’un comme moi puisse être un jour élu maire de Londres», a-t-il dit. Lui-même se présente comme un musulman modéré libéral déclarant qu’il se rend de bon gré à la messe et dans les synagogues à la rencontre d’électeurs de différentes confessions. Dans cette « success story» du mérite, il est indéniable que des origines sociales et religieuses ont joué un rôle dans son élection et éveillé des sensibilités auprès de l’électorat londonien, dans une des villes les plus cosmopolites d’Europe avec près de 40% de ses habitants qui sont d’origine étrangère et où les origines ne sont pas aussi dépréciées que sur le bon vieux continent.

Des enjeux politiques et sociaux décisifs
En dehors de ces polémiques politiques et religieuses, Sadiq Khan est attendu au tournant sur le plan de l’action politique. En effet, le poste de maire de Londres est décisif. Tout d’abord sur le dossier du « Brexit ». À l’approche du référendum le 23 juin prochain sur une éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, l’enjeu est de taille. Avec ses positions pro-Union européenne, Khan a séduit aussi bien dans les quartiers pauvres qu’à la City qui compte plus d’europhiles que d’eurosceptiques. Sadiq Khan se veut le maire de « tous les Londoniens ». Sa priorité : améliorer les conditions de vie des Londoniens, surtout sur le plan du logement. Ses projets pour la capitale s’axent autour de dix axes prioritaires avec pour dossiers prioritaires la crise du logement et la nécessité de construire des logements abordables, la modernisation du système des transports avec le gel du coût démesuré de ces derniers, le développement des entreprises, la lutte contre la pollution croissante, mais surtout maintenir Londres en tant que grande place financière européenne et mondiale. Son programme semble avoir séduit les Londoniens qui se sont mobilisés à plus de 45%, un taux de participation en hausse de 7% par rapport au dernier scrutin de 2012 et un record pour une élection municipale. Sadiq Khan s’est dit «tellement fier que cette merveilleuse cité ait choisi l’espoir plutôt que la peur, l’unité plutôt que la division». Son élection marque, par ailleurs, le retour des travaillistes après huit ans d’une administration conservatrice. Jeremy Corbyn, le leader du Labour, s’est félicité de ce retour en déclarant qu’il avait « hâte de travailler » avec lui « pour créer un Londres qui soit juste pour tous». Par rapport au parti du Labour, Khan a bien fait attention à tenir ses distances pendant sa campagne de peur d’être perçu trop à gauche et éviter toute association proche ou lointaine avec les accusations d’antisémitisme qui gangrènent le parti. Du côté des Londoniens, la question de la confession reste un élément insignifiant pour la plupart. «Quel que soit le nom de l’élu, ce que nous voulons, c’est qu’il remplisse ses promesses» a déclaré l’un d’eux à l’Agence France Presse (AFP).

Le danger d’une « politique d’identités »
Outre la mise en avant de la méritocratie, il s’agit de voir ce que révèle vraiment cette élection hautement symbolique afin d’éviter toute déviance vers une politique identitaire et communautariste à double tranchant. Représentant 12,4 % de la population londonienne, la communauté musulmane est celle qui a connu la plus forte croissance depuis les dernières décennies. Néanmoins, se focaliser uniquement sur le facteur communautaire pour analyser la victoire de Sadiq Khan reviendrait selon l’essayiste française Laetitia Strauch-Bonnart « à réduire la politique à une politique d’identités, où l’origine et l’appartenance comptent davantage que les programmes politiques ». Cela reviendrait à dire que sa victoire est uniquement due à son appartenance communautaire et non à d’autres facteurs comme les failles de ses opposants. La course de Sadiq Khan à l’investiture municipale a été significative dans ce sens et a fait couler beaucoup d’encre. Le choix presque caricatural des candidats le prédisait. L’un est musulman, travailliste et issu d’un milieu modeste. L’autre est d’ascendance juive, conservateur et héritier d’une famille de financiers milliardaires.
Ce dernier, ainsi que ces autres opposants, l’ont attaqué à plusieurs reprises sur ses convictions religieuses en lui reprochant ses liens et sa sympathie avec les islamistes radicaux allant même jusqu’à associer son nom aux attentats meurtriers du 7 juillet 2005 à Londres et le qualifier de « danger » pour la capitale. Une stratégie qui in fine a desservi le camp adverse. La question identitaire en Grande-Bretagne a déjà été soulevée récemment avec l’élection, le 20 avril dernier, de Malia Bouattia, une jeune militante britannique d’origine algérienne à la tête de l’Union nationale des étudiants (NUS), un des plus influents syndicats étudiants britanniques. Elle devenait la première femme musulmane à la tête de ce dernier. Une élection qui n’est pas passée inaperçue avec un acharnement médiatique sur ses positions politiques notamment en faveur de la cause palestinienne et contre l’impérialisme. à l’instar de Sadiq Khan, elle a également été accusée d’antisémitisme et de complaisance envers l’islam radical par ses détracteurs pour celle qui avait axé son programme électoral entre autres, sur la lutte contre le racisme et la défense des minorités ethniques dans le milieu académique.
Avec ces deux exemples, Londres serait-elle en train de devenir, dans une Europe fébrile, une sorte de laboratoire de ce qu’appelle la définition même d’un système politique démocratique, sans distinction de race, ni de religion privilégiant la lutte politique contre toute forme de discrimination ?
Anissa Benkhelifa

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