Quand la «gazouze» (on ne citera pas la marque) coule de source et quand les images s’entrechoquent. Les victoires ont, décidément, leur raison que le petit peuple ne connaît pas. Ne peut pas connaître. Ne doit surtout pas connaître. Entre la rue qu’il a enflammé de son seul génie et le douillet fauteuil des salons, il y a comme une rupture. Celle que nous offrent, à longueur de mandats ratés, des élus et responsables locaux loin des réalités de leurs administrés. Et quand le foot s’en mêle, la fracture ne paraît que trop grande. à d’autres succès ?
C’est qui les champions ?
Ça n’en finit pas. C’est même le feuilleton de l’été. à un peu plus d’un mois de la rentrée sociale (elle s’annonce des plus chaudes) et juste avant d’autres grosses dépenses (pour ceux qui ne le savent pas encore, l’Aïd El Adha est là et donne bien des soucis à la ménagère qui a du mal à remplir son couffin et ne sait plus à quel saint se vouer pour joindre les deux bouts) appelées à mettre de nouveau à mal le porte-monnaie des pauvres contribuables, notamment les smicards et les bas revenus qui ont plus que jamais le droit de demander des comptes à leurs élus (par exemple où va leur argent ?), les citoyens, tout heureux néanmoins de fêter bruyamment le sacre africain de leurs favoris (des images à jamais gravées dans la mémoire collective) assistent, bien malgré eux (ce n’est pas de la récupération?), à un curieux ballet où il est question de cérémonies tout aussi curieuses où des autorités locales (Walis de la République, chefs de Daïras et simples présidents d’APC) ne lésinant pas sur les moyens (ça coûte combien à des caisses qu’on dit pourtant vides) pour inviter, à tour de bras, quelques champions (ceux sortis, eh oui, du très faible championnat national qui vient nous montrer que la pâte existe et ne demande qu’une bonne prise en charge et du professionnalisme pour s’inviter dans la cour des grands) de l’expédition égyptienne conclut par une 2e étoile longtemps désirée pour dire leur «fierté» et celle de leurs électeurs (à qui on n’a pas demandé, au passage, leur avis, beaucoup d’entre eux savent ce qu’il en retourne après un mois sacré de Ramadhan encore une fois des plus durs) de recevoir dans leurs murs les champions. Avec un grand «C». A coups de «Zerdates» qui nous font oublier les priorités, le temps d’un tour de passe-passe digne des feintes de corps de Belaïli, des contre-pieds magistraux de Mahrez et son coup franc sorti droit des manches d’un vrai sorcier, d’Ounes et ses dribbles chaloupés, et autres artistes tout de vert vêtus (ils arboraient un blanc éclatant en finale devant le Sénégal) qui ont dessiné la majestueuse fresque qui restera comme un des hauts faits d’armes du sport algérien ces dernières décennies. Les «héros» sont donc revenus au pays sous les acclamations d’une rue en délire. De beaux, incomparables décors venus clore (on le souhaitait en priant que cette belle victoire, celle d’une équipe qui a cru en ses vertus, allait ouvrir un nouveau chapitre dans la manière d’appréhender le phénomène et la meilleure manière de gérer une discipline au retentissement populaire certain mais qui n’a que trop souffert des faiseurs de miracles et de leurs dérivés, tous les mauvais génies et autres forces d’inertie et champions d’un statu quo aux dégâts énormes) des journées de folie inoubliables.
Vague à l’âme
Le peuple, reconnaissant et faisant preuve encore une fois de génie, a su, fidèle à la tradition, montrer son attachement aux couleurs nationales. En portant aux nus ceux par qui ces moments d’intenses émotions sont arrivées. Ont été rendues possibles. Une Algérie qui gagne. à nouveau possible. Une Algérie qui reconnaît les siens. Qui le dit contre vents et marées en battant le pavé depuis près de six mois et ce jour béni du 22 février 2019. Comme chaque vendredi (l’acte 23 se déroulait hier avec des revendications en hausse et la «silmiya» de circonstance), avec les mêmes couleurs, les mêmes slogans, la même détermination. En revendiquant le changement. Contre le populisme et la récupération politicienne. à l’instar de branle bas de combat enclenché un peu partout, une fois les clameurs de ces fêtes populaires grandioses tues. à peine (la précision s’impose ?) les expatriés revenus parmi les leurs un peu partout en Europe en attendant de reprendre le travail au sein de leurs clubs employeurs. Alger, Constantine, Oran, Béchar et bien d’autres étapes. Mêmes scènes mettant en exergue (merci les chaînes T.V.) des responsables et élus locaux des plus disponibles. Même volonté de crever l’écran. Où il est, avant tout et surtout, question de disputer la vedette aux vrais acteurs du miracle égyptien que personne n’attendait. Dans un «m’as-tu vu» déplorable ne convaincant personne parmi des populations écrasées par le poids immense des problèmes. Que personne ne voit ou ne veut voir. Dont les revendications aboutissent plus que souvent dans les tiroirs d’assemblées ne servant presque à rien. Obsolètes. Ajoutez-y des acteurs (ces internationaux pris, c’est le terme, en otage) qu’on sent dans la gêne et se demandant ce qu’ils font dans ces réunions faites à la mesure de leurs organisateurs. Boudaoui à Béchar, Bensebaïni à Constantine, le tandem Belaïli- Bounedjah à Oran, Slimani et Doukha dans la daïra de Chéraga, Benlamri à El harrach, Atal à Bordj Bou Arreridj et Tizi-Ouzou sa ville natale. Pourquoi et pour quels motifs ? à quels desseins ? Du déjà vu. Pour insister que les mentalités ont, chez nous plus qu’ailleurs, la vie dure. Surtout quand, à coups de dinars (de quelles poches viennent-ils ?) largement dévalués, on peut se permettre quelques folies.
Des «mais» et … des «mais»
Pendant ce temps-là, la vie peut continuer dans nos rues, douars, villages et villes (qui vivent les mêmes lourdeurs administratives, subissent le bricolage et l’incompétence quasi généralisée, le clanisme, le clientélisme, le copinage et, plus gravement encore l’irresponsabilité et la démission de nombre d’élus), la capitale y compris (qui a dit vitrine du pays ?) croulent sous les ordures et autres problèmes liés à un quotidien pas du tout évident. L’argent (il y en a finalement) et la «gazouze» ont coulé à flots le temps de «zerdates» venant démentir, le temps de photos immortalisant l’évènement, que nos élus et responsables locaux travaillent. Sont à l’écoute et à la disposition de leurs administrés.
Avec le message clair qu’après ce succès éclatant dans cette messe continentale aux couleurs algériennes finalement, l’eau coulera à flots dans les robinets, que les services de la voierie prendront, avec la célérité voulue, en charge les appels au secours des citoyens usés par l’amoncellement des détritus et sous le choc du visage repoussant de leur environnement immédiat, l’insécurité régnant dans la majorité des quartiers, que les clichés que les administrateurs de notre vie de tous les jours (rarement joyeuse) ont pris avec les nouveaux champions d’Afrique, sont et resteront la clef du succès. La fin de leurs soucis. Bensebaïni, Belaïli, Bounedjah, Slimani, Doukha, Atal, Benlamri méritaient-ils une telle communion ? Plus que sûrement et la question ne se pose même pas. Sauf qu’il y a un «mais». Que des «mais». Tellement de «mais». Des «mais» à n’en pas finir. Au fait (le «mais» principal, n’est-ce pas) avec quels moyens et surtout quel programme nos responsables et élus locaux préparent-ils la prochaine rentrée sociale ? La question à ne pas, à ne jamais poser car on connaît la réponse. Un citoyen, écrasé par les coups du sort et les promesses jamais tenues, qui crie sa détresse. Au quotidien. Qui entendra ses suppliques ? à d’autres «zerdates». à la prochaine Coupe du monde peut-être et d’autres exploits pour prendre à témoin la T.V. Pour d’autres fins, d’autres images. Pas celles revues à l’envi. Mais que personne ne veut voir. Le «mais» de toutes les confirmations. Et un grand merci pour conclure. Merci pour le message. Les plus difficiles à convaincre se reconnaîtront d’eux-mêmes. Qui a parlé de rabat-joies ?
Par Azouaou Aghiles