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Ghardaïa continue de brûler

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Hier, et jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse, plusieurs quartiers faisaient encore face à de sérieux troubles, devant l’impuissance des services de sécurité. Nombre de blessés sont à déplorer, alors que les dégâts matériels ne cessent de s’alourdir… Finalement, la visite à Ghardaïa du Premier ministre par intérim, Youcef Yousfi, accompagné de plusieurs hauts responsables, n’a pas permis d’apaiser les tensions au niveau de la wilaya de Ghardaïa. Tant s’en faut. Plusieurs sources recoupées et crédibles, jointes hier par téléphone, nous ont indiqué, en effet, que les troubles se sont poursuivis sans que les forces de sécurité ne puissent rien y faire. Hier, à l’aube, le dénommé Hadjadj A. a ainsi été grièvement blessé par un coup de hache alors qu’il se trouvait près de chez lui au niveau d’un quartier mozabite. Les forces de sécurité n’ont pas pu investir les lieux afin de mettre un terme aux affrontements qui se poursuivaient hier jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse. Le local de Hadj Saïd destiné à la vente de véhicules utilitaires de marqua Chana, situé au niveau du quartier de Ben-Smara, a lui aussi été dévasté puis incendié. La tentative de destruction d’un magasin de vente et d’entretien d’extincteurs appartenant à la même personne a, quant à elle, été déjouée par des Mozabites accourus en grand nombre à la rescousse. Au niveau du même quartier, le centre de formation professionnelle a presque entièrement été saccagé, pillé puis incendié. Les incidents qui se sont produits durant la nuit de dimanche à lundi au niveau du quartier de l’imam Malek, à majorité Chaâmbie, renseigne assez sur la véritable nature de ce conflit, que les pouvoirs publics refusent encore de regarder en face afin d’y apporter les réponses idoines, tant qu’il en soit encore temps. Des Arabes, étrangers à ce quartier, y ont débarqué en effet, tirant à coups de frondes sur tous les réverbères afin d’établir le noir total et de s’en prendre aux magasins et habitations mozabites situés dans ce quartier. Or, ce sont les Arabes habitant ce quartier, vivant en bonne entente avec leurs voisins représentants de l’autre communauté, qui sont sortis en grand nombre afin de s’opposer à eux. De violents affrontements ont donc opposé ces deux factions, appartenant toutes deux à la communauté chaâmbie. Le même scénario s’est produit à peu près au même moment au niveau du quartier Chaaâbat- Ennichane, non loin de la prison locale. Cela prouve, si besoin en était encore, que c’est une poignée de manipulateurs, voyous notoires de leur état, qui se trouve être à l’origine de ces troubles. Mais au lieu de les mettre hors d’état de nuire dès le début, «on» a préféré laisser les choses pourrir. Face au nombre de victimes qui ne cesse d’augmenter, et aux pertes matérielles incommensurables essuyées surtout par la communauté mozabite, un grand fossé a fini par se creuser entre les deux communautés. À ce propos, les derniers bilans font également état de la poursuite de la destruction de toutes les fermes appartenant aux Mozabites en périphérie de Ksar Melika, ainsi que de l’incendie d’un magasin de vente de véhicules de marque Hyundai, sis au niveau du quartier Hadj-Messaoud, épicentre de ces troubles. Même le siège du FLN, dans une wilaya qui avait déjà tourné le dos aux élections bien avant que ces nouveaux troubles n’éclatent, comme rapporté par nous dans une précédente édition, n’a pas échappé à ces actions de saccages et de razzias quasi systématiques. La veille, dimanche, plusieurs autres magasins et maisons ont également été saccagés et incendiés alors que le Premier ministre, accompagné par plusieurs autres hauts responsables, se trouvait encore sur place, ce qui montre qu’en fin de compte cette visite n’aura pas servi à grand-chose.

Tout juste, a-t-on pu apprendre que Tayeb Belaïz, le ministre de l’Intérieur, a promis «qu’une enquête est ouverte pour déterminer les responsabilités de chacun dans les événements de Ghardaïa». Il s’agit surtout de déterminer les causes qui ont fait trois morts ce samedi. Il semblerait ainsi qu’il s’agisse d’assaillants ayant tenté de mettre le feu au siège de la sûreté de wilaya. Leurs corps se trouvent au niveau de la morgue de l’hôpital Chahid Terchine de Bennoura. Les rapports d’autopsie nous en diront forcément plus. En attendant, la situation continue toujours d’aller en s’aggravant…
Kamel Zaïdi

Les décès causés par des bouts de ronds à béton
L’autopsie effectuée par les services de la médecine légale de l’hôpital de Ghardaïa, sur les corps des trois victimes des derniers événements de Ghardaïa, a révélé qu’il s’agit de décès consécutifs à des «lésions causées par la pénétration d’agents ferreux (fer rond) projetés à haute vitesse», a affirmé hier à l’APS le procureur de la République près le tribunal de Ghardaïa. «Cette autopsie ordonnée par le parquet de la République, en vue de déterminer les causes exactes du décès des trois victimes, a permis l’extraction des projectiles (morceaux de fer rond contondants) qui seront soumis à une expertise technique du corps de la police scientifique», a précisé Boudjemaâ Boutalbi. «La police judiciaire poursuit ses investigations, en vue d’identifier les auteurs du lancement de ces projectiles et de les déférer devant la justice», a assuré le procureur de la République près le tribunal de Ghardaïa.
R. N.

Le feu de la «Fitna» a été mal éteint
Selon les informations, rapportées par les dépêches de l’APS, ce sont de nouveau les affrontements d’une rare violence qui ont repris entre Chaâmbis et Mozabites. Outre les nombreux blessés de part et d’autres, les habitations incendiées et des locaux commerciaux pillés et saccagés ; trois autres victimes viennent de s’ajouter à la liste macabre de cette guerre larvée sans image et qui ne dit pas son nom.
Un mort de plus c’est toujours un mort de trop dans ces affrontements fratricides entre concitoyens de même pays, et qui n’ont pas encore livré tous les secrets de la genèse de cette violence inouïe que rien ne semble arrêter. Faut croire que le feu de la «fitna» a été mal éteint, ou pas du tout, par les pouvoirs publics?
Les déplacements en urgence des hauts responsables de l’État, qui se sont relayés à la ville de Ghardaïa, à l’image du Premier ministre, ou encore celle du ministre de l’Intérieur et des patrons de la Gendarmerie nationale et de la Sûreté nationale au mois de février écoulé, n’ont apparemment pas réglé le problème, et n’ont pas apporté la paix dans cette vallée du M’zab, dont les habitants sont d’une hospitalité légendaire. Que s’est-il donc passé pour que le fragile consensus entre les deux protagonistes vole en éclats ? Que s’est-il passé pour que les affrontements reprennent d’une manière féroce, et que le sang a coulé? Reste que les promesses des autorités, quant à un développement futur de la région, ainsi que l’’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités des uns et des autres, et l’application stricte des lois de la République, ne règlent pas pour autant ce conflit qui prend de plus en plus d’ampleur. Si on n’arrive pas à discerner les causes réelles de cette profonde rancœur et à l’extirper radicalement, le problème sera toujours là. Cette violence, sournoise, risque de tout emporter sur son chemin, si on pratique les faux-fuyants et la politique de l’autruche, et ce n’est pas la présence en force des services de sécurité qui pourra apporter cette «paix», pour un temps oui, mais pas indéfiniment. Il faut agir et il n’est pas encore trop tard.
Mâalem Abdelyakine

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