L’annonce n’est pas une surprise, mais le calendrier bouscule le jeu: Alain Juppé a officialisé mercredi sa candidature à la primaire présidentielle de son camp, grillant la politesse à Nicolas Sarkozy qui vise lui aussi 2017. Mais alors que l’ex-chef de l’État veut faire de la présidence de l’UMP, soumise au vote des militants le 29 novembre, un tremplin vers l’Elysée, l’ancien Premier ministre et maire de Bordeaux saute cette case.
C’est sur son blog que, prônant le rassemblement, que M. Juppé annonce sa candidature à la primaire, en concurrence désormais avec les trois candidats déclarés, François Fillon, Xavier Bertrand et Christian Estrosi, ce dernier attendant cependant la parole sarkozyste. Nathalie Kosciusko-Morizet devrait également être candidate. « On aura compris que j’ai envie de participer à cette belle construction», indique l’ancien Premier ministre dans son billet intitulé «2017, bientôt…», après un exposé de ses réflexions sur l’état de la France. «C’est pourquoi j’ai décidé d’être candidat, le moment venu, aux primaires de l’avenir». Selon celui qui a connu en 2004 l’enfer d’une condamnation en justice et de l’inéligibilité, «le bon sens voudrait qu’elles aient lieu au printemps 2016». Cette déclaration de candidature n’est pas une surprise dans la mesure où M. Juppé s’est exprimé à plusieurs reprises ces derniers mois sur cette éventualité. «Les Français ont l’impression que je peux apporter une vision d’expérience et de sagesse», déclarait-il en novembre 2013.
Contrairement à M. Sarkozy qui a longtemps considéré que la primaire n’était pas faite pour la droite, M. Juppé, impressionné par celle des socialistes en 2011, défend ardemment cette consultation pré-présidentielle, inscrite «dans les statuts de l’UMP» et qui offre à ses yeux l’avantage de pouvoir le remettre dans le jeu.
Honni par une majorité de Français pour ses réformes à marche forcée quand il était à Matignon (1995-1997), l’ancien Premier ministre fait désormais figure de «sage» auprès de ses compatriotes. Mieux, il surpasse désormais l’ancien président dans le cœur des Français de droite: selon un sondage CSA du 7 août, 74% ont une «image positive» de lui, contre 69% à M. Sarkozy.
Le maire de Bordeaux considère en outre que l’organisation de «primaires largement ouvertes» est «la méthode qui s’impose» pour «parvenir à une candidature d’union». En 2017, «nous devons gagner pour sortir la France du marasme où elle stagne aujourd’hui. Ce n’est pas acquis!», met en garde M. Juppé. Selon lui, «la première condition sera de rassembler dès le premier tour les forces de la droite et du centre autour d’un candidat capable d’affronter le Front National, d’un côté, et le PS ou ce qui en tiendra lieu, de l’autre».
«Champ de mines»
«Si nous nous divisons, l’issue du premier tour devient incertaine et les conséquences sur le deuxième tour imprévisibles», ajoute-t-il, dans une claire mise en garde contre un 21-avril à l’envers, qui verrait le PS affronter le Front national. C’est pourquoi «l’UMP doit tendre la main à ses partenaires naturels et créer le climat de confiance nécessaire», dit l’ami du centriste François Bayrou.
Le jour-même où l’exécutif fait sa rentrée en annonçant des mesures économiques, sociales et fiscales, Alain Juppé avance lui aussi des pistes pour tenter de sortir la France de la «morosité ambiante». Croissance notamment «grâce au retour de la confiance des acteurs économiques» et à «l’innovation», «programme concret d’allègement du fardeau fiscal», «pérennité» du modèle social français «en évitant les dérives et les abus»…: «j’ai conscience que (ces) quelques réflexions (…) méritent d’être travaillées et approfondies.
Ce n’est qu’une modeste contribution à l’élaboration du projet qui demain peut et doit redonner confiance aux Français», écrit-il. Alain Juppé sort du bois alors que tous dans son parti semblaient suspendus à une entrée en piste de Nicolas Sarkozy qui n’a cessé d’envoyer des «cartes postales» pour se rappeler au bon souvenir des Français.
Le fils préféré de Jacques Chirac trouvera face à lui des adversaires fermement décidés à se battre pour gagner la pré-candidature, notamment François Fillon. Toutefois, a déjà dit l’unique Premier ministre de Nicolas Sarkozy, «avec Juppé, on a la même éthique de la vie publique. Avec lui, la compétition sera intellectuelle, il n’y aura pas de coups bas. Avec les autres, c’est un champ de mines où tous les coups sont permis».