La liste des « expulsables » algériens agitée, depuis quelques semaines, par un Bruno Retailleau qui nous perfore les tympans avec sa « riposte graduée », a fini en pétard mouillé en Algérie.
On ne traite pas avec l’Algérie au moyen d’« injonctions, de menaces, d’intimidations et d’ultimatums » ! Après la campagne violente orchestrée dans les milieux de l’extrême droite et dirigée contre l’Algérie, le tout sur fond d’un emballement médiatique sans précédent, le gouvernement français a, par le biais du ministre de l’Intérieur, agité les accords algéro-français relatifs à l’immigration. Le Premier ministre a montré la voie en menaçant de dénoncer ces accords si Alger ne se plie pas à la volonté de Paris de procéder, « dans les délais », à leur révision.
Depuis le fameux conseil interministériel pour le contrôle de l’immigration, réuni le 26 février dernier, Retailleau donne l’impression que c’est lui le patron du « dossier algérien ». C’est Retailleau que l’on voit tous les jours sur les tribunes médiatiques brandir la menace d’expulsions massives des algériens sous le coup d’OQTF. C’est lui qui établit les listes des « expulsables ». Ce n’est ni le Mae Jean-Noël Barrot, ni François Bayrou, ni même le président Emmanuel Macron qui se sont effacés sous son ombre. Celui qui incarne le mieux la ligne dure du gouvernement s’est donné le temps et les moyens de mener cette sale besogne. Il a fait de sa « riposte graduée » contre l’Algérie une question de vie ou de mort. Son pouvoir d’agir et sa liberté de ton nous amène d’ailleurs à cette interrogation : qui serait cette « haute sphère » du pouvoir à laquelle rend-il des comptes ?
Passant des menaces aux actes, les autorités françaises, visiblement à l’instigation et sous l’emprise de leur premier flic, ont remis, vendredi dernier, au Chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France, une liste de nos ressortissants faisant l’objet de décisions d’éloignement du territoire français. Paris croit pouvoir faire fléchir l’Algérie en actionnant ce levier. A tort, puisque Alger a rejeté de fond en comble cette liste qui n’est que le produit d’une procédure unilatérale qui ne tient pas compte des procédures diplomatiques d’usage.
Un viol des procédures d’usage
Dans la foulée de la riposte d’Alger, le Chargé d’affaires de l’ambassade de France en Algérie, a été convoqué, lundi, au siège du ministère, par le SG du ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, Lounès Magramane. Dans une note verbale remise au représentant diplomatique français, les autorités algériennes ont envoyé à leurs homologues françaises ce message suivant : « l’Algérie réaffirme son rejet catégorique des menaces et des velléités d’intimidation, ainsi que des injonctions, des ultimatums et de tout langage comminatoire. En outre, l’Algérie désapprouve l’approche sélective de la France vis-à-vis des accords bilatéraux et internationaux liant les deux pays. Elle réaffirme qu’en ce qui la concerne, l’Algérie n’est animée que par le souci de s’acquitter de son devoir de protection consulaire à l’égard de ses ressortissants », affirme un communiqué du ministère des AE.
Alger a ensuite précisé dans son message que « la démarche de la partie française a été rejetée par les autorités algériennes sur les plans de la forme et du fond. » Explication : sur la forme, « l’Algérie a fait valoir que la France ne pouvait, unilatéralement et à sa seule discrétion, décider de remettre en cause le canal traditionnel de traitement des dossiers d’éloignement ». Par conséquence, « la partie française a été invitée à respecter la procédure établie en la matière, en suivant le canal d’usage, celui entretenu entre les Préfectures françaises et les Consulats algériens compétents, et en préservant la manière de traitement habituelle, celle de procéder ».
Sur le fond, la réponse algérienne a souligné que « le Protocole d’Accord de 1994 ne peut être dissocié de la Convention de 1974 sur les relations consulaires qui demeure le cadre de référence principal en matière consulaire entre les deux pays. De ce point de vue, la mise en œuvre de l’un ne doit pas se faire au détriment de l’autre, notamment lorsqu’il s’agit de la nécessité de veiller au respect des droits des personnes faisant l’objet de mesures d’éloignement ».
De tout ce qui précède, les autorités algériennes ont décidé « de ne pas donner suite à la liste soumise par les autorités françaises. Celles-ci ont été invitées à suivre le canal d’usage, en l’occurrence celui établi entre les Préfectures et les Consulats ».
Farid Guellil