Par Mohamed Abdoun
Un récent bilan socio-économique dressé par le gouvernement, et donc drapé du sceau de l’officiel, recèle une révélation de taille. Une révélation que nous n’avions eu de cesse de relever dans ces mêmes colonnes, sachant qu’elle menait les pouvoirs publics droit vers le mur, simplement parce qu’ils ont opté, dans l’urgence, à une sorte de politique de rafistolage, pour ne pas dire celle «d’après-moi-le-déluge». Au milieu de toute une foultitude de chiffres et de commentaires tous plus dithyrambiques les uns que les autres, nous tombons sur le paragraphe suivant, et que nous allons reproduire ici in extenso : La masse salariale a ainsi évolué de 57% en 2000 par rapport au budget de fonctionnement à 62,7 % en 2013, soit une hausse de 5,7 %, après un pic de 72 % enregistré en 2010, correspondant aux hausses des salaires avec paiement des rappels avec effet rétroactif depuis 2008 décidé par le gouvernement». Nous tenons enfin la preuve de ce que nous avons toujours avancé. Le gouvernement en a trop fait. A réagi dans l’urgence, voire la panique, dans la foulée des émeutes dites de l’huile et du sucre de 2010 et des printemps arabes. Il se retrouve aujourd’hui pris à son propre jeu, pour ne pas dire carrément «à son propre piège». Les grèves à répétition que vivent différents secteurs d’activités publics sont la résultante directe d’une politique irréfléchie, carrément suicidaire, adoptée par les pouvoirs publics au lendemain des émeutes dites de l’huile et du sucre de fin 2010 début 2011, lorsque l’Algérie avait mis le paquet pour ne pas être victime à son tour de cette déferlante du «printemps arabe». Habitués à ne pas céder un seul centime lorsqu’il s’agissait de revendications salariales, les pouvoirs publics se sont brusquement découvert une générosité tout simplement incommensurable, nous montrant au passage qu’ils ne savent guère faire dans la demi-mesure, les nuances et les demi-tons. Avec eux, ou c’est totalement noir, ou c’est d’une blancheur immaculée. Bref, les salaires des fonctionnaires ont pratiquement triplé en l’espace de quelques mois à peine. Et, cerise sur le gâteau, cela s’est fait avec des rappels extrêmement conséquents, venus «booster» l’activité liée aux importations de voitures, qualifiées pudiquement de «concessions»… Il va sans dire, donc, qu’une pareille politique était suicidaire d’entrée de jeu. Elle portait carrément en elle les germes de sa propre perte. Mais, peut-être a-t-il été décidé chez qui de droit qu’après eux vienne le déluge, pour peu que la bombe à retardement n’explose pas tout de suite. Augmenter les salaires de manière irréfléchie, sans la moindre contrepartie en matière de productivité ou retombée économique en matière de rendement et de plus-value, a pour conséquences directes de créer de graves disparités avec les secteurs qui n’en ont pas bénéficié, chez le privé notamment (pour s’en convaincre, du reste, il suffit juste de comparer les salaires actuels entre les journalistes travaillant dans le public et chez le privé). Cela provoque également une inflation démentielle. Chez nous, elle a longtemps dépassé la barre des 10 %. Or, qui dit inflation, dit automatiquement baisse drastique du pouvoir d’achat. L’État, sans même s’en rendre compte, reprend d’une main le double de ce qu’il avait accordé de l’autre. Mais, comme l’appétit vient en mangeant, ceux qui ont bénéficié de ces hausses anormales et irréfléchies reviennent régulièrement à la charge. Cela crée un véritable cercle vicieux dont personne ne peut voir, ni même prédire, la fin…
M. A.