Au moins 64 personnes ont été tuées et 180 autres blessées mardi sur un marché de la région en guerre du Tigré, dans une frappe aérienne menée par l’armée éthiopienne qui affirme avoir visé des combattants rebelles. Mercredi, des survivants sortis au compte-gouttes de la localité de Togoga, située à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de la capitale régionale Mekele, avaient raconté le carnage causé la veille à la mi-journée par un bombardement aérien alors que le marché hebdomadaire était bondé. Jeudi, un responsable régional de l’administration intérimaire de cette région du nord de l’Ethiopie a dressé le lourd bilan. «Jusqu’à présent, il y a 64 morts et 180 blessés à Togoga», a déclaré à l’AFP Mulu Atsbaha, conseiller en charge de la santé maternelle et infantile au sein de l’administration de transition du Tigré. Ce bilan, élaboré à partir de chiffres recueillis auprès «des dirigeants locaux et de la population de Togoga», reste provisoire. M. Mulu a indiqué que la collecte d’informations auprès des familles des victimes allait se poursuivre. Ce bombardement sanglant a été condamné mercredi par l’ONU, qui a demandé une «enquête rapide sur cette attaque et les actes ultérieurs privant les victimes de soins médicaux», ainsi que l’Union européenne et les Etats-Unis. Le pape François a indiqué jeudi suivre «avec appréhension» le conflit au Tigré. Le bombardement est intervenu au lendemain d’élections législatives et régionales en Ethiopie, qui ne se sont pas tenues au Tigré, où l’armée fédérale mène depuis novembre une opération qui a conduit au renversement des autorités locales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Depuis, Addis Abeba a installé une administration de transition au Tigré. Cette opération militaire s’est transformée en conflit de longue durée, marqué par de nombreux récits d’exactions sur les civils (massacres, viols, déplacements de population…).
«Propagande»
Au centre des accusations, l’armée éthiopienne a indiqué jeudi avoir mené une «opération» le 22 juin à Togoga contre des forces réunies «pour célébrer ce qu’ils appellent la fête des martyrs», commémoration d’un bombardement sur la ville tigréenne d’Hawzen le 22 juin 1988 durant la guerre civile, a déclaré à l’AFP un porte-parole, le colonel Getnet Adane. «Il n’est pas possible que ces (combattants) lorsqu’ils dansent armés pour célébrer leur soi-disant +Jour des martyrs+, puissent en même temps s’appeler des civils lorsqu’ils sont ciblés dans une opération militaire. C’est inacceptable», a-t-il affirmé. «Il est clair que les derniers combattants du TPLF et de ses milices s’habillent en civil», a-t-il insisté. «Lier cette opération à un jour de marché (…), c’est de la pure propagande», a-t-il affirmé. L’armée éthiopienne est également accusée d’avoir empêché les secours d’accéder à Togoga et les blessés de se rendre à l’hôpital de Mekele. Plusieurs ambulanciers ont raconté avoir voulu rejoindre Togoga depuis mardi et en avoir été empêchés par des soldats. De rares ambulances ont été autorisées à passer. Un total de 73 blessés, dont plusieurs enfants en bas âge, avaient atteint Mekele jeudi après-midi, a-t-on appris de source médicale.