Crise après crise, de l’Iran à la Birmanie, en passant par le climat, le nouveau président américain Joe Biden fait preuve d’une constance frappante dans sa détermination à engager une coopération sans faille avec ses alliés.
Après un mois à la Maison Blanche, il est sans doute trop tôt pour évoquer une «doctrine Biden» mais le 46e président a prestement renversé la philosophie «L’Amérique d’abord» portée par son prédécesseur Donald Trump, qui s’était fait une spécialité de provoquer les dirigeants alliés. Au cours de son premier discours international, Joe Biden a promis vendredi, devant la conférence sur la sécurité de Munich, qu’il avancerait «main dans la main avec (ses) alliés et partenaires». «Permettez-moi de dissiper les doutes s’il en reste: les États-Unis vont étroitement collaborer avec nos partenaires de l’Union européenne (…) — de Rome à Riga — pour affronter les défis communs auxquels nous faisons face.» Le démocrate, dont les priorités — combattre le Covid-19 et le changement climatique — exigent une collaboration à l’échelle mondiale, a d’ores et déjà réintégré l’accord de Paris sur le climat et interrompu la sortie des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé. Le département d’État a quant à lui fait sienne une proposition de l’UE en vue d’une réunion informelle en présence de Téhéran, visant à sauver ce qu’il reste de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Et après le coup d’Etat en Birmanie, le secrétaire d’État Antony Blinken a cherché à faire front commun avec des partenaires — l’Inde et le Japon — bénéficiant d’une relation plus poussée avec le pays que les Etats-Unis cherchaient à convaincre. En un mois, Joe Biden a également abandonné le projet de Donald Trump de retirer des troupes américaines postées en Allemagne, a calmé le jeu concernant une facture dont la Corée du Sud aurait dû s’acquitter selon Donald Trump pour financer les forces américaines sur son sol, et a ouvert un dialogue avec ses alliés Tokyo et Séoul, dont la relation bilatérale est tendue, pour identifier la voie à suivre concernant la Corée du Nord. Au chapitre des confrontations, face à la Chine à l’influence grandissante ou au dirigeant vénézuélien Nicolas Maduro, la politique de Biden ne devrait pas trop s’écarter de celle de Trump, si ce n’est que le démocrate devrait chercher davantage de soutien international. «La principale critique adressée par le président Biden à la stratégie de Trump n’était pas qu’il s’en prenait à la Chine sur le plan commercial, mais qu’il le faisait seul, tout en s’attaquant aussi à nos alliés et partenaires», expliquait un responsable américain après le coup de fil de Joe Biden à son homologue chinois Xi Jinping. À contrario, Biden a pris de symboliques distances avec plusieurs alliés proches de Trump dont les objectifs diffèrent de ceux de la nouvelle administration, comme les dirigeants d’Israël, de l’Arabie saoudite et de la Turquie.
«Un effort concerté»
Que l’approche de Joe Biden soit empreinte de diplomatie est loin d’être une surprise: il en a fait preuve tout au long de son demi-siècle de carrière politique, et il avait fait de la revitalisation des alliances américaines un des principaux points de son programme pendant la campagne. L’investissement du nouveau président a été immédiat. L’ambassadeur d’un pays allié, installé à Washington, notait avec satisfaction que le contact avec la nouvelle administration était quasi-quotidien, bien que virtuel. Les responsables de l’administration Biden «ont attendu avec impatience, ces quelques dernières années, d’avoir l’opportunité de renforcer les alliances, donc je crois qu’il s’agit absolument d’un effort concerté», analyse Zachary Hosford, du cercle de réflexion German Marshall Fund of the United States. L’engagement de Joe Biden devrait être reçu avec enthousiasme par les dirigeants étrangers, pour qui «le président Trump ne voyait les alliances qu’en fonction de ce qu’il pouvait en retirer», ajoute-t-il. Mais la présidence Obama, dont Joe Biden était le vice-précident, a montré qu’il ne faut pas surestimer l’importance des alliances. Bien que Barack Obama ait été extrêmement populaire auprès des Européens, cela ne l’a pas empêché de nourrir certains désaccords polis mais marqués avec des alliés, sur le commerce, la fiscalité, les budgets défense ou les guerres en Libye et en Syrie. Pour Zachary Hosford, Joe Biden devrait notamment mettre en scène des déclarations communes avec des alliés, mais l’administration du démocrate pourrait aussi encourager des efforts conjoints, en vue notamment de sanctions contre des coupables de violations des droits humains. «Nous pouvons avoir un impact bien plus important, pas seulement symbolique», souligne l’expert. «Il y a beaucoup de travail à accomplir car les alliances sont des moyens en vue d’arriver à ses fins, pas des fins en soi».