Accueil ACTUALITÉ En réponse à la crise financière : finance islamique, quel rapport?

En réponse à la crise financière : finance islamique, quel rapport?

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Baisse des recettes de l’État en dinars –sans compter les devises–, crise des hydrocarbures, inflation, présence d’une masse salariale colossale qu’il faut rémunérer, l’Algérie fait face aujourd’hui à une véritable crise, et à beaucoup de défis.

Des experts financiers sont convaincus que la finance islamique peut aider à résoudre, non pas la totalité de la crise, mais une partie de celle-ci. Dans sa quête de manne, l’État multiplie les formules, comme l’emprunt obligataire ou la politique de mise en conformité fiscale. Mais il n’a pas encore pensé aux avantages de la finance islamique pour aider à renflouer ses caisses. À tort. C’est l’idée avancée conjointement par Mohamed Boudjelal, professeur en sciences économiques et expert en finance islamique, et Nasser Hider, directeur général d’Es-Salam Banque, lors de leur intervention au Forum économique de notre confrère El- Moudjahid, qui mettent en avant le fort «potentiel» de ce système financier. Une idée également partagée au niveau international par la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, qui prône une révision du système financier international actuel, menacé par le développement de la dette et des bulles spéculatives. Selon les deux spécialistes, les produits et les mécanismes de la finance islamique peuvent être une « alternative » à la crise financière et répondre à la demande d’une part importante de la population qui «boude» le système actuel essentiellement fondé sur la pratique de l’intérêt, ce «compteur infernal» dans le jargon financier, et reconnu illicite du point de vue religieux. Une réticence qui s’avère être un véritable frein aux projets d’investissement productifs. À ce titre, Boudjelal a tenu à préciser que quelque 900 micro-entreprises lancées sous l’égide de l’Ansej ont baissé rideau à cause des problèmes liés à l’intérêt. D’autre part, les offres de la finance islamique peuvent aider «l’État à renflouer ses caisses en l’aidant à récupérer les quelque 3 700 milliards de dinars qui circulent en dehors des circuits bancaires», a précisé le professeur Boudjelal, et cela par méfiance face au recours aux systèmes des prêts à intérêts. En effet, l’Algérie possède un taux élevé de sous-bancarisation. La finance islamique peut aider à la réconciliation des Algériens avec la pratique bancaire et permettre, ainsi, l’élargissement de l’assiette de bancarisation, la réduction de la masse monétaire financière qui fait défaut à la monnaie nationale, le drainage de cette épargne dans le système bancaire, mais aussi l’absorption des recettes de l’informel. D’autre part, la finance islamique peut être efficiente car elle se base sur une considération concrète qui est l’attraction de capitaux. À ceux qui disent que la finance islamique égale finance religieuse et confessionnelle, il faut apporter une nuance claire, selon le DG d’Es-Salam Banque. Certes, les principes de la finance islamique sont comme le dit ce dernier «charia compatible», s’inspirent de cette dernière, mais sont, avant tout, des instruments financiers concrets qui n’ont pas été institués par l’islam. En effet, la base des transactions et des produits de la finance islamique sont adossés à des transactions financières classiques réelles caractéristiques du système bancaire conventionnel. Elle est régie par «des règles universelles» lui permettant «d’évoluer dans n’importe quel contexte culturel et cultuel». Pour preuve, la finance islamique représente près de 2 000 milliards de dollars de transaction avec un taux de croissance annuel de 15 à 20% par an depuis une dizaine d’années et des pays non musulmans comme la Grande-Bretagne ou le Luxembourg appliquent de plus en plus, et vantent les bienfaits économiques de cette autre forme –pour ne pas dire nouvelle, car la finance islamique ne date pas d’hier– d’activité financière et bancaire. La finance islamique a de beaux jours devant elle en Algérie, selon les deux intervenants, même si elle ne représente encore que 13% du marché contre 87% pour les banques conventionnelles. Toutefois, l’engouement de la population, en particulier des ménages, est là, mais faute d’un cadre juridique réglementaire qui lui est spécifique, elle peine à se développer pleinement dans notre pays. Dans ce sens, Boudjelal a appelé les parlementaires à agir dans ce sens, et de mettre en place un dispositif légal afin de combler «le vide juridique», et permettre une meilleure offre, à l’instar de pays voisins, comme le Maroc ou la Tunisie.

Un outil de relance économique
Il faut également envisager la finance islamique, selon Hideur, comme une «finance inclusive», une finance de «proximité», et toucher les segments de la population qui sont restés en marge de la sphère financière. Il s’agit de développer au sein de cette frange de la population des projets de micro-finance professionnels sur la base du partenariat, et redonner confiance au citoyen dans le système bancaire. En effet, la finance islamique agit dans une logique commerciale. Contrairement aux banques conventionnelles qui sont «prêteuses» d’argent, la banque islamique est «vendeuse» ou « bailleuse» de biens. Une nuance qui pourrait inciter davantage à l’investissement productif et favoriser la relance de l’économie. Sur ce volet, le DG d’Es-Salam Banque a tenu à préciser que le financement de projets d’investissements productifs représentait 25% du portefeuille de son institution et 50% si l’on prend en compte les crédits immobiliers. De plus, Boudjelal travaille actuellement sur le développement d’un nouvel axe qui peut aider le pays à relancer son économie. C’est ce qu’il appelle la «finance philanthropique», via les waqf et les zakats qui permettraient aux donateurs de donner leur argent à la banque pour financer des projets productifs. Selon ses estimations, cela conduirait à la réalisation de quelque 9 000 micro-projets générant la création d’environ 27 000 emplois. Un fait non négligeable!
[starlist] Anissa Benkhelifa[/starlist]

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