S’il fallait une autre preuve de l’inanité légendaire de la Ligue arabe, elle a été fournie, avant-hier, en son siège cairote, quand elle a endossé la décision prise, dernièrement, par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) de classer le Hezbollah libanais comme organisation terroriste. Une décision qui confirme, pour ceux qui en doutaient encore, la mainmise totale -plus manifeste depuis l’avènement du sinistre et mal-nommé «printemps arabe»- des pétromonarchies du Golfe sur ce corps devenu inerte qu’est l’organisation panarabe. Et, par ricochet, les pressions, accompagnées de soudoiements manifestes, exercées sur nombre de pays membres pour obtenir, si ce n’est leur appui, à tout le moins, leur silence. Ce dernier «volet» transparaît clairement dans les positions adoptées par des pays comme l’égypte, le Soudan et la Tunisie. Si pour les deux premiers, les choses sont claires : l’appui aux thèses des états du CCG ayant été obtenu en contrepartie d’un appui financier à leurs économies respectives défaillantes, pour notre «voisin de l’est», en revanche, tout indique que c’est à travers des pressions autrement plus musclées que celui-ci l’a été : peu d’observateurs croient, en effet, au caractère fortuit du timing – quelques jours seulement avant la dernière réunion du Caire- entre la décision (classant le Hezbollah comme organisation terroriste) prise, avant-hier, par le Conseil des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe et l’attaque terroriste contre la ville tunisienne de Ben Guerdane, à la frontière avec la Libye, qui a eu lieu, il y a quelques jours. Ce qui tend à confirmer cette thèse de pressions musclées exercées sur la Tunisie, c’est le fait que l’attaque en question s’est produite peu de jours après le «rectificatif» officiel apporté par les plus hautes autorités tunisiennes à la position favorable à la proposition des états du CCG de classer le Hezbollah comme organisation terroriste, exprimée par leur ministre de l’Intérieur lors de la réunion, tenue dernièrement à Tunis, du Conseil des ministres de l’Intérieur arabes; un rectificatif qui, à l’évidence, n’a pas été apprécié, et c’est peu dire, par les auteurs de ladite proposition. Comme ils n’apprécient pas, à l’évidence, la position de principe défendue depuis toujours par notre pays, de non-ingérence dans les affaires internes des états. Une position qui a fait que l’Algérie se retrouve, sur tous les dossiers chauds actuels du Monde arabe, dans une position aux antipodes de celle défendue par les pétromonarchies du Golfe. Et ce, que ce soit sur les dossiers syrien, libyen ou yéménite. Et, depuis quelques jours, sur celui du Hezbollah libanais. Un dossier sur lequel les pétromonarchies en question ont été magistralement recadrées par les ténors de notre diplomatie. Au lendemain de la réunion précitée de Tunis, par Ramtane Lamamra, notre ministre des Affaires étrangères, qui leur a déclaré que ce dernier, le Hezbollah était «un mouvement politico-militaire qui active légalement sur la scène politique interne du Liban» et que, de ce fait, tous les pays arabes, y compris elles, «doivent respecter sa Constitution et les dispositions sur lesquelles repose la coexistence» y prévalant. Et, lors de la tenue de celle du Caire, par Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des états arabes, qui a souligné à leur intention «l’impératif qu’avait la Ligue arabe à se conformer à la légalité internationale, aux résolutions onusiennes, et aux listes des organisations terroristes établies par l’ONU». Comme pour mieux faire ressortir le caractère totalement contraire à la légalité internationale de la proposition «khalidjite», il n’a pas manqué de leur rappeler «que les listes en question n’incluent pas les composantes politiques reconnues aux niveaux national et international et présentes sur la scène politique nationale» ; des «critères» que remplit parfaitement le mouvement politico-militaire libanais. De là, les interrogations sur les véritables raisons qui poussent les états du Golfe à classer comme organisation terroriste ce dernier. Des interrogations d’autant plus légitimes que seule «l’entité sioniste» avance une telle exigence ; les États-Unis et l’UE s’étant, quant à eux, contentés de classer sur une telle liste la seule branche militaire du Hezbollah. Et que nul n’ignore qu’en matière de politique étrangère, les pétromonarchies ne sont que de simples sous-traitants pour leurs parrains étasuniens. Une vérité, maintes fois vérifiées qui poussent nombre d’observateurs impartiaux de la scène arabe à penser que l’insistance de celles-ci à obtenir une telle classification du Hezbollah par la Ligue arabe s’inscrit dans un agenda plus large. Dont l’objectif inavoué est d’ébranler la stabilité du pays des Cèdres. Et ce, comme étape décisive dans la concrétisation du machiavélique plan visant à provoquer un clash irrémédiable entre les sunnites et les chiites : il est, en effet, difficile d’imaginer que l’Iran restera les bras croisés dans le cas d’une attaque, sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, visant à la destruction du Hezbollah. Ce que savent parfaitement les marionnettistes qui font mouvoir les prétendus États du Golfe…
Mourad Bendris