Analystes et observateurs, qui voyaient déjà d’un mauvais œil cette pléthore de «pré-candidatures» venue dévaloriser la fonction de chef d’État, estiment également que parmi les finalistes il existe encore des candidats fantaisistes qui, jamais, n’auraient pu récolter les fameuses 60 000 signatures légalisées, requises par la loi.
Finalement, l’élection présidentielle du 17 avril prochain ne nous réserve presque aucune surprise. La confirmation (par lui-même, s’il vous plaît) de la candidature de Bouteflika donne l’air en effet d’avoir tétanisé toute la classe politique. Comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs, lorsque l’on constate que les formidables machines électorales que sont le FLN d’Amar Saâdani, le RND d’Abdelkader Bensalah, et dans une moindre mesure le MPA d’Amara Benyounes et le TAJ d’Amar Ghoul, ont réussi en l’espace d’une semaine ou deux à récolter la bagatelle de quatre millions de signatures. Il ne fait dès lors plus aucun doute, si le cap du certificat médical est bel et bien dépassé, que Bouteflika va très largement rafler la mise. Peut-être même améliorer son score de 2009 qui, déjà à cette époque flirtait avec la barre des 90 %, ce qui n’est certes pas peu dire pour une démocratie pluraliste digne de ce nom. C’est donc à peine si le concurrent direct (et potentiellement dangereux) de Bouteflika, assuré, lui aussi, de passer le cap du Conseil constitutionnel que préside actuellement Mourad Medelci, pourrait-il espérer améliorer quelque peu son médiocre score de 2004. Il s’agit d’Ali Benflis. Ce dernier, à cette époque, jouissait pourtant de meilleurs atouts, pour avoir été à la tête du FLN, mais aussi d’avoir été chef de gouvernement. Benflis, qui avait voulu jouer à fond la carte de la sérénité et de la maturité lors de l’annonce de sa candidature, donne en effet l’air d’avoir compris ces évidences. Lui qui voulait éviter les chemins sinueux et incertains de l’invective et des insinuations nauséabondes, a donné l’air de perdre patience lors de la procédure de dépôt de son dossier de candidature. Il avait en effet mis à profit cette courte cérémonie pour persifler perfidement que ses signatures à lui étaient «halal». Comprenne qui voudra. À côté de ces deux finalistes, assurés donc de bénéficier du quitus du Conseil constitutionnel, lequel doit être rendu avant vendredi prochain à minuit comme l’exige la loi, il existe encore quatre autres candidats qui gardent bon espoir de faire partie du lot des heureux finalistes. Parmi eux, Louisa Hanoune, la secrétaire générale du PT est celle qui, sans doute, se fait le moins de soucis.
Inamovible Louisa Hanoune
À la tête d’un parti qui a su se faire une belle place au soleil, elle n’a jamais raté un seul rendez-vous présidentiel depuis 1999. Sa formation politique, en effet, dispose très largement des capacités lui permettant de récolter des centaines de milliers de signatures un peu partout dans le pays, et même auprès de la diaspora algérienne. En revanche, elle ne se fait pas d’illusion quant à l’issue de son duel final avec des «mastodontes» comme Bouteflika et Benflis, cela même si elle évoque régulièrement la fraude et la partialité de l’administration. Elle s’étonne, par exemple, que l’annonce officielle de la candidature de Bouteflika ait été faite par le président de la Commission de supervision de cette élection. Vient ensuite un Moussa Touati qui, en dépit d’une carrière politique qui évolue en dents de scie, n’en a pas moins gardé constamment sa tête au-dessus de l’eau. Il faut dire que lui aussi dispose à son service d’un solide réseau de militants chevronnés hérités de la Cnec (Coordination nationale des enfants de chouhada) dont il avait présidé aux destinés pendant des années. Ali-Fewzi Rebaïne, le président d’Ahd 54, avait quant à lui été l’invité surprise des finalistes de 2004, avant de se voir «éjecter» du groupe de ces heureux «élus» cinq années plus tard, et même de récolter, il y a une dizaine d’années de cela de 60 000 voix à peine, alors qu’à la même époque la loi exigeait du candidat qu’il présentât la bagatelle de 75 000 signatures dûment légalisées et authentifiées, ce qui semble tout bonnement surréaliste au regard du bon sens lui-même. Pour Ali-Fewzi Rebaïne, donc, le suspense sera bu jusqu’à la lie puisqu’il ne pourra jamais être sûr si sa candidature sera acceptée au pas, en dépit du fait qu’il clame à qui veut l’entendre qu’il a bel et bien récolté le nombre de signatures requises, et même dépassé de loin ce chiffre. Il devrait en aller de même pour Abdelaziz Belaïd et Mohamed Benhamou, tous deux à la tête de formations politiques nouvellement créées. Mais si le premier est un apparatchik, ancien secrétaire général de la puissante Unja (Union nationale de la jeunesse algérienne), qui avait même mené campagne en 2004 en faveur de Benflis, avant de «s’établir à son propre compte». Des sources qui lui sont proches, en tout cas, nous ont affirmé qu’il reviendra très certainement à ses anciens amours (régionalisme oblige) au cas où sa candidature venait à être invalidée par le Conseil constitutionnel.
Des «résidus» de candidatures fantaisistes
Mohamed Benhamou, quant à lui, est un ancien avocat qui avait pignon sur rue dans un très chic quartier parisien. Élu dans les rangs du FNA de Moussa Touati, il avait même présidé pendant un temps la commission parlementaire chargée du transport. C’est à cette époque, d’ailleurs, qu’il s’était distingué en menant campagne en faveur de la dépénalisation du phénomène de la harga, qui est l’émigration clandestine dans le jargon algérien. Benhamou, après avoir drivé un mouvement de redressement contre son ancien mentor, s’est résolu à créer un parti politique qui lui est propre. Très sur de son fait, dirait-on même imbu de sa personne, comme il nous avait été donné de le constater lorsqu’il nous avait rencontré dans son bureau de l’APN, il y a de cela quelques années, Benhamou n’est pas seulement certain de passer le cap des 60 000 signatures. Il a, en effet, osé s’exclamer pour dire que si Bouteflika ne se présentait pas pour briguer un quatrième mandat, c’est certainement lui qui deviendrait le futur président de la République (sic!). Benhamou, pour la petite histoire aussi, n’a eu de cesse d’annoncer son soutien au président Bouteflika, lors même qu’il ne faisait pas secret de sa candidature à lui. Aussi, les observateurs et autres analystes qui suivent de près les pérégrinations de ce personnage politique franchement atypique, s’attendent-ils à ce qu’ils se retirent, même en cas d’agrément à son dossier de candidature, afin de mener campagne en faveur du président-candidat.
À côté de ces sept candidats à la candidature, auquel il faudrait très certainement enlever un ou deux personnages avant de retrouver le groupe de finalistes, s’ajoutent également quelques candidatures absolument fantaisistes, dont les détenteurs ne semblent avoir décidé de déposer leurs dossiers que pour espérer encore faire parler d’eux, voire tenter de provoquer quelque esclandre une fois que leurs noms auront définitivement été rejetés par le Conseil constitutionnel. C’est par exemple le cas pour cet Ali Zeghdoud, président du… RA. Son parti a beau être aussi vieux que l’ouverture démocratique algérienne, n’en a pas moins échoué à dépasser le stade lilliputien dans lequel il a toujours végété depuis sa naissance. C’est également le cas pour ces illustres inconnus et néanmoins candidats indépendants que sont Sadek Tamache et Abdelhakim Hamadi. En revanche, la grosse surprise, sans doute, a été créée par l’écrivain Yasmina Khadra, lui aussi candidat à la candidature, n’ayant même pas daigné effectuer le déplacement vers le Conseil constitutionnel alors que nous étions en droit de penser que son énorme réservoir de lecteurs fidèles aurait dû, ou pu, lui garantir haut la main la possibilité de franchir le cap des 60 000 signatures. Yasmina Khadra, dont l’orgueil démesuré à conduit à commettre d’inutiles «folies», découvre, ainsi, à ses dépends qu’entre faire de la littérature (pas toujours originelle, soit dit en passant), et de la politique, il y a loin de la coupe aux lèvres…
Ali Oussi