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Égypte : Au Caire, la mémoire vive de l’écrivain Naguib Mahfouz

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Nouveau musée, écrits inédits: 13 ans après la mort de Naguib Mahfouz, l’Égypte cultive la mémoire du « père du roman arabe moderne ». Une mosaïque représentant l’écrivain aux lunettes noires surplombe la foule d’un marché du Caire islamique, le quartier d’enfance du Prix Nobel de littérature 1988.
S’y croisent des enfants à vélo, des serveurs portant des plateaux de boissons chaudes et des ménagères marchandant avec les vendeurs. Une scène semblant sortie d’un roman de ce monstre sacré de la littérature, dont les descriptions de la vie cairote truffées de satire politique et de personnages truculents inspirent encore aujourd’hui.
Outre des portraits de l’écrivain, Le Caire abrite désormais un nouveau musée en son honneur, inauguré en juillet 2019 par le ministère de la Culture. Ses affaires personnelles, dont son bureau en acajou, ses récompenses et même son dernier paquet de cigarettes, sont exposées dans une maison ottomane restaurée datant de 1774, située dans Le Caire islamique.

Liberté de ton
Un hommage mérité, selon Roger Allen, professeur à la Penn University (Etats-Unis) et l’un des traducteurs de Mahfouz, pour qui ce dernier a été essentiel « dans le développement de la fiction égyptienne ». « Il a suivi de nombreuses pistes au cours de sa carrière », dit l’universitaire à l’AFP, précisant que ses écrits ont touché à « l’Égypte antique, au soufisme, à la politique ».
Sa popularité est telle que début novembre, l’écrivain égyptien Ahmed Mourad a dû affronter une vague de protestations après avoir affirmé que son travail avait besoin d’être adapté pour répondre aux critères littéraires contemporains.
Et des écrits inédits, publiés en 2018 en arabe par Mohammed Shoair, journaliste au magazine littéraire Akhbar Al Adab, ont encore ravivé l’aura de l’écrivain. En juillet, cette oeuvre posthume a été traduite en anglais par M. Allen sous le titre « The quarter » (Le quartier). Selon le traducteur, ces textes « reflètent ce à quoi ressemble un quartier du Caire », l’un des thèmes de prédilection de l’auteur.
Sa fille Oum Kalthoum se souvient de l’attachement viscéral de l’écrivain à la ville d’environ 20 millions d’habitants et son énergie chaotique.
C’est elle qui s’était rendue en Suède en 1988 pour recevoir le prix Nobel de son père, incapable de voyager en raison de sa vue détériorée. Le prix récompensait l’ensemble de son oeuvre, soit une cinquantaine de romans et recueils de nouvelles. « Il écrivait sur le Caire avec un vrai amour. Il l’a décrite dans les moindres détails. Même quand il la critiquait, c’était avec amour », explique Oum Kalthoum à l’AFP.
Une liberté de ton qui a bien failli lui coûter la vie. Car outre ses chroniques sur les bas fonds du Caire, Mahfouz n’hésitait pas à briser certains tabous religieux. En 1994, alors qu’il sortait de chez lui, il a été poignardé dans le cou par des islamistes.

L’obsession d’écrire
Chaque jour, Naguib Mahfouz marchait le long du Nil pour se rendre dans un de ses cafés préférés près de la place Tahrir, qui devait devenir l’épicentre de la révolte populaire de 2011.
« Je me souviens que parfois nous allions à Al-Hussein (au coeur du Caire islamique) et nous nous asseyions dans le café qui portait son nom », dit sa fille. « Il m’a montré le Passage des Miracles », se souvient-elle, en référence à l’un des romans les plus lus de l’auteur, qui a notamment été adapté au cinéma.
Ce roman décrit le huis-clos d’une ruelle d’un quartier populaire du Caire pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce quartier historique, entouré d’un mur du 10e siècle, est un dédale qui renferme des milliers de recoins propices à l’imagination.
Selon Oum Kalthoum, l’écrivain, né en 1911, y évoquait ses « souvenirs d’écolier ».
Un avis partagé par Mohammed Shoair, selon qui « l’idée principale derrière son travail depuis les années 1980 était de retourner à son enfance ».
Selon Roger Allen, « peu avant de remporter le prix Nobel, il a perdu la vue, il a été presque coupé de la réalité. Donc écrire est devenu pour lui comme une obsession ».
Depuis sa disparition, des auteurs contemporains ont repris le flambeau du roman arabe moderne. Ainsi, l’Egyptien Alaa Al Aswany, l’Irakien Ahmed Saadawi et l’Algérien Ahlam Mosteghanemi ont eux aussi trouvé un public international.

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