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E-cinéma : une nouvelle voie pour le 7e art ?

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Alors que Netflix vient de sortir son premier film original, « Beasts of No Nation », avec Idris Elba, l’avenir du cinéma va-t-il se jouer en dehors des salles ? Réponse de trois professionnels. Que nous le voulions ou non, nous sommes à un tournant historique de notre société de consommation des biens culturels. VOD, streaming, replay, plateformes, tout un vocabulaire neuf a envahi notre quotidien. A moins d’être un geek, difficile de faire son marché de cinéphile dans ce monde où l’on ne distingue plus trop la part de l’offre et de la demande. Nouveau venu au pays du 7e art à la carte, le e-cinéma propose aux spectateurs d’avoir accès sur leurs écrans domestiques à des films en première exclusivité.

Initiateur de la révolution e-cinéma dans notre pays avec la sortie, en 2014, du très médiatisé « Welcome to New York », le film d’Abel Ferrara avec Depardieu dans le rôle du scandaleux DSK, Grégory Strouk, patron de Wild Side (filiale de Wild Bunch) parie sur le succès de ce nouveau mode de distribution : « Ça peut sauver toute une catégorie de films indépendants étrangers qui ont une économie difficile, explique-t-il, des films non européens qui ont du mal à être achetés par les télévisions car ils sont hors quotas français. Jusque-là, on hésitait à les acquérir parce qu’on se disait que leur économie serait forcément plus fragile. » Même son de cloche du côté de Sophie Dulac, distributrice, productrice et exploitante spécialisée dans les films d’auteur. « Je trouve que les films au positionnement vague, situés entre le cinéma d’auteur et le cinéma grand public, ont, grâce au e-cinéma, davantage de possibilités de trouver leur public via le téléchargement. »

“LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA VOD ET L’ACCÈS DES FOYERS
Le HAUT DÉBIT NOUS A INCITÉS À NOUS LANCER DANS CETTE AVENTURE”
« Le problème, c’est qu’il y a de plus en plus de films, mais pas plus de salles, analyse pour sa part Olivier Pierre, le directeur marketing & communication de TF1 Vidéo. On a donc identifié une voie parallèle en proposant de vrais bons films, mais qui risquent d’être étouffés s’ils sortent dans le circuit normal. Là, on leur donne une chance de toucher 80 % des foyers. C’est un potentiel énorme. Il faut savoir que 35 % des Français ne vont jamais en salle. La montée en puissance de la VOD, ajoutée au fait que, en France, 80 % des foyers ont accès au haut débit nous a incités à nous lancer dans cette aventure. »
Bien sûr, le monde du cinéma n’est pas composé que de gentils philanthropes, et le e-cinéma possède un avantage inestimable, un moindre coût, même si, contrairement à un film proposé en VOD, tout le travail de promotion reste encore à faire. « Le budget promotionnel est presque équivalent à celui d’un film classique, constate Grégory Strouk. Mais les coûts mécaniques (support numérique, doublage, etc.) sont bien inférieurs. Et l’on a droit à la publicité à la télévision, ce qui est interdit aux films de cinéma. » Un atout qui n’est pas sans séduire Sophie Dulac. « Aujourd’hui, sortir en salle un film comme “Le dernier jour d’Yitzhak Rabin”, le nouvel Amos Gitaï (sortie le 16 décembre) me coûte 150 000 euros. Il faut pouvoir l’amortir ! Dans ce cas de figure, le e-cinéma est une solution que j’aurais pu envisager », reconnaît-elle.

“MAIS LE CINÉMA EST SOLIDE, IL N’EST PAS EN DANGER”
Mais le genre ne risque-t-il pas de devenir bientôt un refuge à nanars, une façon non avouée de se débarrasser d’un film qui n’aurait jamais marché en salle ? Pas pour Grégory Strouk : « Début 2016, nous sortirons en exclusivité e-cinéma “99 Homes” de Ramin Bahrani, qui a gagné le Grand Prix lors du dernier Festival de Deauville. Comme ce long-métrage formidable est très attendu en salle, nous n’aurons pas besoin de démontrer que le e-cinéma est vraiment du cinéma ! » Quant à ceux qui craignent qu’à terme le cinéma à consommer chez soi ne tue la fréquentation en salle, en plaçant devant un écran toute une famille pour le prix d’une seule place de ciné, Olivier Pierre leur répond : « La télé devait tuer le cinéma, la VOD, bref, tout devait tuer le cinéma ! Mais le cinéma est solide, il n’est pas en danger. Ce qui est amusant, c’est qu’on n’a pas cessé, des décennies durant, de vanter les mérites du home-cinéma et ce n’est qu’aujourd’hui qu’on en récolte les fruits… Et si, à l’heure actuelle, nous ne proposons que des productions étrangères, je suis sûr que dès 2016 des films français seront au catalogue, car nos cinéastes tiennent à la diffusion de leurs œuvres. Le e-cinéma ouvre une nouvelle voie, et cette voie mène, elle aussi, au cinéma. C’est le principal. »
Mais si l’on voit les Multiplex tirer leur épingle du jeu, quid de nos 450 salles d’art et d’essai ? Survivront-elles à ce changement majeur ? « Elles ont encore un bel avenir devant elles, parie Sophie Dulac, à condition de s’adapter en devenant de vrais lieux culturels et non pas de simples salles de cinéma. » Et de conclure : « Ce modèle de diffusion est en train de s’imposer comme s’est imposée la VOD. A nous de nous adapter. Le e-cinéma, ce sera comme le e-commerce, on finira tous par y venir. »

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