C’est sans doute l’une des dates les plus charnières de la guerre de Libération nationale. L’Algérie commémore, aujourd’hui, le double anniversaire du 20-Août 1955, (offensive lancée dans le Nord constantinois) et du 20-Août 1956 (Congrès de la Soummam).
Les différentes activités commémoratives de ce double anniversaire seront, sans doute, l’occasion de rappeler, une nouvelle fois, l’importance de ces deux dates dans le combat pour le recouvrement de la souveraineté nationale, un combat mené, avec succès, au prix d’énormes sacrifices qui méritent d’être mis en exergue, pour que nul n’oublie. Les journées du 20-Août 1955 et de 1956 ont représenté un tournant historique dans la lutte pour l’affranchissement du peuple algérien du joug colonial français.
Ainsi, le Congrès de la Soummam, organisé par Abane Ramdane et Larbi Ben M’hidi, est souvent présenté comme étant l’acte fondateur de la Révolution algérienne, en tant que futur État indépendant. C’est, en effet, à cette occasion qu’ont été édictés les grands principes structurant l’organisation de la Révolution, ainsi que les modalités d’organisation administrative et militaire du mouvement de Libération. Avec la Déclaration du 1er-Novembre, la Charte du Congrès de la Soummam représente l’un des deux textes fondamentaux de l’État algérien, moderne et libre. Pour les historiens, cet évènement historique, de haute signification, a permis « la restructuration de la Révolution et sa réorganisation à travers, notamment, l’élaboration d’une plate forme devenue la référence dans le processus de lutte qui s’est poursuivie jusqu’en 1962, et le découpage du territoire national en Wilayas, en Zones et en Secteurs. Le Congrès a eu lieu dans la maison forestière d’Ighbal, à Ifri, commune d’Ouzellaguen, sur la rive gauche de la Soummam, à quelques kilomètres d’Akbou. Par ailleurs, dix mois après le déclenchement de la Révolution, soit exactement le 20 août 1955, Zighout Youcef, chef de la Zone II (Nord constantinois) et son adjoint Lakhdar Bentobbal prennent l’initiative d’organiser, en plein jour, une offensive d’une grande ampleur contre plusieurs objectifs de la colonisation dans cette région qui comprend principalement les villes de Constantine, Skikda, Guelma et Collo. Des milliers de fellahs ont participé aux côtés des moudjahidine de l’ALN à l’attaque, notamment, des postes de police, des casernes de la gendarmerie, des bâtiments publics et des installations appartenant à des colons. Le choix de la date n’est pas fortuit : il s’agissait pour Zighout et Bentobbal de notamment desserrer l’étau sur les Aurès et la Kabylie assiégés par l’armée coloniale, depuis le déclenchement de la guerre de Libération nationale.
Une répression terrible qui fait 12 000 morts
L’offensive du Nord constantinois et la terrible répression qui s’en est suivie ont été, en effet, le «tournant» de la lutte. Non seulement, elles ont donné à la Révolution un caractère populaire, mais elles ont aussi fait basculer les couches moyennes algériennes dans la lutte armée et des dirigeants politiques, toutes tendances confondues, dans les rangs du FLN. Elles ont également réussi à attirer l’attention de l’opinion internationale sur l’Algérie, une attention qui s’est matérialisée par l’inscription de la «Question algérienne» à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU, le 30 septembre 1955. Un décompte macabre allait suivre ces événements parmi les plus sanglants de la guerre de Libération. Alors qu’un rapport officiel des autorités françaises de l’époque annonçait 1 273 morts, l’ALN relèvera 12 000, le MNA 15 000, Charles-Robert Ageron les estimera entre 2 000 et 3 000. Lakhdar Bentobal n’a pas hésité à qualifier de «prix très lourd» ce qu’a payé l’Algérie en faisant état de «pas moins de 12 000 morts», ayant été inscrits avec le nom et l’adresse de chacun d’eux, dans le but d’accorder des allocations à leurs familles. Mais, pour “Saout El-Arab”, le prix à payer qui était fixé d’avance est de faire tomber le système colonial. Ce qui fut fait en juillet 1962.
Le peu d’historiens se sont intéressés à ces événements, qui représentent en quelque sorte le revers de la médaille, par rapport aux attaques d’Août-1955. Mais à partir du 20-Août 1955, la Révolution a véritablement pris son envol. Elle sera organisée lors du Congrès de la Soummam. Près de deux ans après le début de la Guerre, le FLN ne disposait toujours pas d’une direction centrale, d’une organisation politico-militaire performante et d’une stratégie d’action. Pour pallier à ces carences, un ancien militant du Parti du peuple algérien (PPA), Abane Ramdane, arrêté en 1950 et libéré en janvier 1955, refait surface. Ses contacts avec les chefs du maquis en Kabylie, ensuite dans l’Algérois, après sa rencontre avec Larbi Ben M’hidi, eurent des résultats forts positifs. En dépit de l’absence de la délégation extérieure du FLN, de sa Fédération de France et des représentants de la Zone I (Aurès-Nememcha), le Congrès qui a duré vingt jours a pris des décisions historiques pour la suite du combat. Aux quatre coins du pays, la célébration de ce double anniversaire sera marquée par l’organisation d’activités commémoratives, la mise en service de plusieurs projets d’utilité publique et la baptisation de certains édifices au nom des martyrs de la lutte de Libération nationale, des cérémonies de recueillement à la mémoire des martyrs, en attendant, bien évidemment, le discours du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à cette occasion.
Lamia Boufassa