Tous les migrants haïtiens qui se massaient de part et d’autre de la frontière américano-mexicaine ont quitté leurs campements de fortune, selon le gouvernement américain et des journalistes de l’AFP sur place.
Les derniers migrants qui campaient depuis une semaine à Ciudad Acuña, à la frontière nord du Mexique, se sont retirés après avoir échoué à rentrer aux Etats-Unis, a observé l’AFP vendredi soir. Ils montaient avec leurs affaires dans des camionnettes les emmenant dans des centres d’hébergement. Un peu plus tôt, le ministre américain de la Sécurité intérieure Alejandro Mayorkas avait annoncé, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, qu' »aujourd’hui nous n’avons plus de migrants dans le campement sous le pont » de la ville de Del Rio, au Texas, qui a compté jusqu’à 15.000 personnes dont de nombreux Haïtiens en fin de semaine dernière. Environ 2.000 personnes ont été expulsées par avion vers Haïti, 8.000 sont retournées volontairement au Mexique, 5.000 ont été transférées dans des centres d’hébergement et 12.400 ont pu quitter le site et devront se présenter à un juge de l’immigration pour défendre leur demande d’asile, a-t-il précisé. « Beaucoup seront renvoyés à Haïti », a-t-il ajouté.
Traiter le problème à la source
A Ciudad Acuña en revanche, le secrétaire du conseil municipal Felipe Basulto a assuré que les migrants en centres d’hébergement dans la ville ne seraient ni arrêtés ni expulsés, et qu’ils pouvaient se déplacer en ville « en toute confiance » en attendant que leur statut soit fixé. Quelques heures plus tôt, le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador avait déclaré qu’il ne voulait pas que son pays devienne « un camp de migrants ». « Nous voulons que les problèmes soient traités à la source », a-t-il ajouté, appelant les Etats-Unis à investir dans le développement économique des pays d’Amérique centrale pour leurs habitants ne soient plus oblgés de fuir la pauvreté.
Inhumain ou laxiste
Au total, selon M. Mayorkas, 30.000 migrants, pour la plupart haïtiens, sont arrivés depuis le 9 septembre dans la petite ville frontalière du Texas, où ils vivaient sous la chaleur et dans l’insalubrité après avoir traversé le Rio Grande depuis Ciudad Acuña. Cet afflux massif de migrants et le traitement subi par certains, repoussés par des agents de la police des frontières à cheval alors qu’ils traversaient le fleuve, a valu une avalanche de critiques à l’administration Biden, jugée inhumaine par la gauche et laxiste par la droite. Sur un cliché pris dimanche par un photographe employé par l’AFP, un garde-frontières à cheval attrape un homme par son t-shirt sur la rive américaine. Sur un autre, il tient un groupe à distance en faisant tourner ses rênes, dans une posture menaçante, pour le forcer à rebrousser chemin. Ces clichés, qui ont fait le tour du monde, ont suscité un vif émoi aux Etats-Unis. Certains y ont vu des migrants assimilés à du bétail, d’autres ont rappelé les mauvais traitements infligés aux Afro-Américains par la police montée, les gardiens de prison ou les propriétaires d’esclaves.
«Embarrassant»
Joe Biden, qui ne s’était pas encore exprimé en public sur le sujet, a promis vendredi que ces agents allaient « payer » pour ces actes « scandaleux ». Les autorités américaines ont déjà ouvert une enquête et suspendu temporairement les opérations à cheval de la police aux frontières autour de Del Rio. Interrogé pour savoir s’il assumait la responsabilité du « chaos » à la frontière, Joe Biden a répondu vendredi: « Bien sûr que j’en assume la responsabilité. Je suis le président. C’était horrible (…) de voir des gens traités de cette manière ». « C’est embarrassant », a-t-il dit avant de se reprendre. « C’est plus qu’embarrassant. C’est dangereux. C’est mal. Cela envoie le mauvais message au monde, le mauvais message chez nous ». « Ce n’est pas qui nous sommes », a indiqué le démocrate, qui avait promis pendant sa campagne de traiter avec humanité les questions d’immigration, pour se distinguer d’un Donald Trump qui ne jurait que par la répression et la construction d’un mur sur la frontière. L’aile gauche démocrate dénonce l’expulsion des Haïtiens vers un pays plongé dans une crise politique, sécuritaire et humanitaire, tandis que la droite fustige, elle, le laxisme des autorités qui provoque selon elle un appel d’air à la frontière sud.