Après les révélations fracassantes sur l’ampleur de la corruption dans le pays touchant jusqu’au sommet de l’État lors des procès de hauts cadres et responsables de l’ère Bouteflika ainsi que des hommes d’affaires réputés très proches de son cercle, l’Algérie pense à mettre en place un Réseau national pour l’intégrité pour imposer la déontologie et la moralisation de la vie publique.
Mission de ce nouvel organe : sensibiliser quant aux dangers de la corruption dans la société, et aussi signaler et dénoncer tout comportement répréhensible de corruption et abus de pouvoir, selon Tarek Kour, président de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC). « Le Réseau national pour l’intégrité est un forum sous la forme d’une structure organisationnelle sous l’autorité de l’ONPLC qui comprend des associations actives et activant dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption et l’instauration de la bonne gouvernance et toutes organisations se sentant aussi intéressées par ces sujets », a-t-il expliqué à l’ouverture des travaux du séminaire national sur le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption, tenus hier au Centre international des conventions (CIC) d’Alger. Ces associations seront «structurées et encadrées par une plateforme numérique placée au niveau de l’ONPLC, à laquelle elles peuvent rejoindre selon un cahier de conditions bien pensé et étudié ». Il leur sera confié deux tâches fondamentales, a-t-il ajouté, à savoir : « promouvoir et soutenir les programmes de sensibilisation et de prise de conscience contre les dangers de la corruption et ses comportements répréhensibles, ainsi que la signalisation de toutes les violations et abus liés à la corruption, quelle qu’en soit la forme, via un dispositif d’alerte de cet organe qui les traitera à l’aide d’une application de dénonciation qui garantira la protection et la confidentialité des dénonciateurs, et sur laquelle veillera aussi une cellule permanente d’écoute, traitement et orientation ». À cet égard, le président de l’ONPLC a révélé le lancement du premier cercle de formation pour les formateurs, au profit des associations dans le cadre du programme national de prévention et de sensibilisation aux risques de corruption au niveau de l’Institut de gestion et de planification, supervisé par l’ONPLC. Aujourd’hui, mardi, verra la participation du premier groupe qui bénéficiera d’une série de cours de formation, à commencer par la formation de base en passant par une formation spécialisée pour arriver à la formation des formateurs, et ce dans le domaine du signalement de la corruption, et sur la manière de traiter et de coordonner avec les différentes institutions habilitées à prévenir et combattre la corruption. Cette initiative, selon Tarek Kour, s’inscrit parmi les axes de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la corruption, dont l’avant-projet a été présenté au président de la République et a été élaboré suite à une série de rencontres depuis mai 2019 avec plus de 300 personnalités et organes au niveau national, issus des départements ministériels, d’institutions consultatives et de régulation, des syndicats et des représentants du patronat, les universitaires, ainsi que les diverses associations actives dans les domaines liés à la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance et les droits de l’Homme. En outre, la porte est ouverte aux conseils internationaux, en coopération avec le «Programme des Nations unies pour le développement» et avec la participation d’experts internationaux de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, de l’Organisation de coopération et de développement économique, du Réseau arabe pour l’intégrité et de certains des principaux organes de lutte contre la corruption dans le monde, en plus de l’ouverture de la porte à des consultations électroniques élargies pour tous les citoyens afin de recueillir leurs opinions et suggestions. Le président de l’ONPLC a souligné que cette stratégie serait un «outil de gouvernance et une feuille de route pour les pouvoirs publics pour leur permettre de mesurer la performance des départements ministériels, des institutions publiques et des organismes nationaux et leur engagement à respecter les principes essentiels de la bonne gouvernance, consolider la démocratie participative et renforcer le système national d’intégrité».
Dans le même contexte, Tarek Kour a affirmé que la corruption «a atteint tous les domaines vitaux du pays», entraînant un état d’instabilité qui a sapé la confiance entre le citoyen et ses institutions et l’a dépouillé de son sens civique, ce qui l’a fait refuser de s’engager dans la vie politique et de s’intégrer dans des projets et des réformes économiques et sociales. En outre, il a estimé que la date du 12 décembre 2019 constituait une «étape et un tournant décisif dans la lutte contre la corruption, lorsque le président de la République a confirmé ce qu’il avait promis dans son programme politique, dans lequel il a répondu aux exigences du Hirak béni et fait de la lutte contre la corruption et de la moralisation de la vie publique une priorité des priorités». Le même responsable a expliqué que le projet de la révision constitutionnelle, en particulier dans son préambule, «exprime clairement l’adhésion de l’Algérie à l’effort de prévention et de lutte contre la corruption conformément aux conventions internationales qu’elle a ratifiées et, dans son chapitre quatre, a renforcé la position de l’Organe national pour la prévention et le contrôle de la corruption, qui deviendra une autorité suprême pour la transparence, la prévention et le contrôle de la corruption, et aussi son classement parmi les institutions de régulation après avoir été parmi les organes consultatifs. Il a ajouté que la relation de l’autorité suprême avec la société civile s’est institutionnalisée, car la constitution lui donne mandat de contribuer au renforcement de ses capacités et de tous les autres acteurs dans le domaine de la lutte contre la corruption.
De son côté, la Représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en Algérie, Blerta Aliko, a salué la « priorité » que les autorités algériennes accordent à la moralisation de la vie politique et à la consolidation de l’État de droit et de la bonne gouvernance, soulignant la volonté de son organisation d’accompagner les efforts du gouvernement à cet égard. Elle a également souligné le « rôle central » de la société civile dans la lutte contre la corruption, le contrôle de la conduite des affaires publiques et la promotion de la transparence. Des représentants du mouvement associatif et d’organisations professionnelles, d’universitaires et de professionnels des médias, en présence du conseiller du président de la République chargé du mouvement associatif et de la communauté nationale à l’étranger et du conseiller du président de la République chargé des associations religieuses, ont pris part à ce forum, organisé sous le thème : « La société civile est un partenaire clé dans la lutte contre la corruption ».
Hamid Mecheri