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CONSULTATIONS POUR LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION : Le Président joue la carte de l’intégrité

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Si la rencontre ayant regroupé, il y a quelques jours, avant même l’installation du nouvel Exécutif, le nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et l’ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, n’a pas livré tous ses secrets sur la portée de cette « fameuse » prise de langue, l’objet du face-face du Chef de l’État et l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, tenu jeudi, a été rendu public par les deux parties.

Cette rencontre rentre dans le cadre des consultations avec la classe politique et la société civile en prévision de la révision de la Constitution devant conduire le pays vers une «République nouvelle», lit-on dans un communiqué  de la présidence de la République.
Les discussions entre les deux hommes ont tourné autour de la situation globale du pays et la révision de la Constitution afin de l’adapter aux exigences de l’édification d’une République nouvelle, rapporte le document de la Présidence. Il a été également précisé, dans la même source, que cette rencontre « prend en considération les revendications populaires urgentes », qui, ajoute-t-on, sera suivie d’autres rencontres avec des personnalités nationales, présidents de partis et représentants de la société civile».
De son côté, l’ancien diplomate a également révélé la teneur de la rencontre qu’il a eue avec le Président, dans un message posté sur sa page Facebook. “J’ai été reçu par le président Tebboune à sa demande pour échanger et écouter son point de vue  sur la situation actuelle et sa vision de l’avenir”, écrit M. Rahabi.
Au cours de cette rencontre, l’ancien diplomate a fait part au Président de ses préoccupations concernant « la confiance perdue entre le peuple et le système politique eu égard aux précédentes expériences et la nécessité de trouver un large consensus national pour une sortie de la situation actuelle».
Il a surtout étalé devant le Chef de l’État ses « convictions » par rapport à des décisions qui peuvent aller dans le sens de l’apaisement à même de contribuer à instaurer la confiance et le calme.
La vision de l’ancien ministre s’est bâtie sur trois (3) points essentiels pouvant assainir le terrain en vue d’une sortie de crise consensuelle, à commencer par la libération des détenus d’opinion et politiques, la levée de toutes les formes de tutelle sur le médias et l’arrêt des restrictions à l’action partisane contre les forces politiques opposées à la politique du pouvoir.
Dans son exposé, l’ancien diplomate a rappelé, dans le deuxième point, la nécessité de protéger le mouvement populaire des tentatives visant son affaiblissement, à le criminaliser, et propose plutôt, dans ce même sillage, de considérer le mouvement pacifique comme une opportunité historique pour l’Algérie afin d’entrer dans l’ère des libertés individuelles et collectives et d’intégrer les régimes développés dans le monde.
Et, en troisième lieu, le chef de file du Forum national pour le changement propose « l’élargissement des canaux de communication, sans exclure aucune partie » dans le seul objectif d’arriver à un consensus national possible pour sortir du blocage actuel, et de se concentrer sur les enjeux économiques et sociaux, qui représentent la préoccupation quotidienne du citoyen algérien.

Le choix calculé du Président
À l’avènement du mouvement populaire en marche depuis le 22 février dernier, le pouvoir en place, né de la dernière élection présidentielle, ne donne pas l’image d’une autorité déconnectée de la réalité du terrain enfantée par la nouvelle donne politique.
Le soulèvement populaire surveille de près les « gesticulations » du pouvoir et surtout le choix de ses interlocuteurs pour l’édification d’un État de droit, d’où le choix de Abdelaziz Rahabi et, avant lui, Ahmed Benbitour, deux personnalités nationales respectées, et pleinement investies, d’une façon ou d’une autre, dans le Hirak. Et non seulement pour Rahabi : Ce dernier est coordinateur des Forces pour le changement – un pôle de l’opposition – qui se compose de plus de vingt partis, dont faisait partie le parti Talaïe El Hourriet de Ali Benflis, des personnalités politiques et des associations de la société civile.
La dernière réunion de ce Forum s’est tenue début juillet 2019, à l’École supérieure de l’hôtellerie de Aïn Benian (Alger),  pour l’élaboration d’une feuille de route pour le changement à soumettre à la Conférence du dialogue national, qui était alors attendue.
Lors de ce Forum, outre les interventions des participants, des tables rondes sur des thématiques liées à différents domaines (politique, économique, social, entre autres) étaient programmées, en vue de permettre aux conclavistes d’exposer et échanger leurs visions.
Pour dire que ce pôle est d’un apport inestimable pour le président Tebboune, qui, apparemment, veut s’adonner à un jeu loyal. C’est dans cette optique que le pouvoir veut faire d’une pierre deux coups, en jouant la carte de Rahabi-personnalité intègre et estimée- en plus très impliquée dans le mouvement populaire et étant chef de file du Forum pour le changement.

L’autre atout qui n’échappe pas à Tebboune
Abdelaziz Rahabi semble également posséder un autre atout et qui n’a pas échappé au Chef de l’État. C’est que même si lors du conclave déjà cité des personnalités nationales, et pas des moindres, avaient refusé de prendre part, à l’instar de l’ancien président Liamine Zeroual et les deux anciens Chefs de gouvernement, Sid Ahmed Ghozali et Ahmed Benbitour, cela n’en remet en rien la crédibilité de l’ancien diplomate, qui en dépit encore du refus des partis politiques et les organisations des Forces du pacte de l’Alternative démocratique (PAD) qui regroupe les partis politiques, FFS, RCD, PT, PST, MDS, UCP et PLD, en plus de la LADDH, de participer à la rencontre de Baïnem, il reste qu’il est loin d’en déduire un quelconque reproche à la personne de Rahabi en dehors d’une approche différente de sortie de crise.
Ce dernier n’est certes pas un défenseur de la transition démocratique, comme souhaitée par le PAD, mais ses relations avec l’opposition sont toujours ponctuées de respect des avis des uns et des autres. C’est de ce point de vue que Abdelaziz Rahabi pourrait constituer la pièce maîtresse du président Tebboune, du fait notamment de son passé de diplomate ayant le sens de l’écoute, du dialogue et d’une honnêteté irréprochable qui pourrait ainsi ratisser large pour se rallier toutes les tendances à l’idée prônée par le Président d’élargir, tant que possible, les consultations à toutes les forces vives du pays pour s’assurer un large consensus autour de la révision de a loi fondamentale.

Le projet constitutionnel et l’actuelle APN
Le Président a évité jusqu’ici d’associer l’actuelle APN à toutes initiatives de la Présidence y compris la nomination du Premier ministre Abdelaziz Djerad. En effet le président Tebboune n’a pas jugé utile de consulter la chambre basse du Parlement, à majorité FLN-RND, avant de désigner le chef de l’Exécutif. Il s’agit, pour le chef de l’État, de recouvrer la confiance des Algériens et de marquer la rupture avec les figures de l’ancien système, tel qu’exigé par le Hirak. Sauf que dans le dernier communiqué sanctionnant l’installation du Comité d’experts, pour l’amendement de la Constitution, présidé par Ahmed Laraba, il a été question de soumettre les conclusions du Panel à l’adoption de l’APN avant la tenue d’un référendum populaire sur la nouvelle Constitution.
L’élu aux destinées du pays ira-t-il jusqu’à consulter la très impopulaire Assemblée « populaire » pour un projet d’envergure engageant l’avenir du pays avec tous les risques que ça comporte alors que le mouvement populaire tient à l’œil toutes démarches du pouvoir ? Ou va-t-il, le jour venu, s’en passer pour ne pas avoir à trainer un fardeau, à la fois lourd et encombrant, légué par ses prédécesseurs, au risque de voir toute son entreprise tombée à l’eau ? Le Président aura à gagner à ne pas franchir cette ligne rouge, qui risque de se voir rappeler à l’ordre par le mouvement populaire, qui pourrait, peut-être, composer avec lui, mais ne pas en subir de lui. Les règles du jeu ont un peu changé depuis quelques temps.
Brahim Oubellil

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