La procédure de destitution de Dilma Rousseff, franchit mercredi, une nouvelle étape au parlement brésilien, où le camp présidentiel mène d’intenses marchandages en coulisses pour tenter de sauver in extrémis la dirigeante de gauche.
Le rapporteur de la Commission spéciale parlementaire sur «l’impeachment» de Mme Rousseff va dévoiler à 14H00 (19H00 GMT) son rapport provisoire indiquant s’il existe à ses yeux des motifs suffisamment graves pour justifier l’éviction du pouvoir de Mme Rousseff, démocratiquement réélue en 2014. Les 65 députés formant cette commission disposeront ensuite de deux jours pour amender le texte du rapporteur avant de l’approuver lundi prochain par un vote à la majorité. Sauf imprévu, ce rapport non contraignant sera ensuite présenté vendredi prochain, à l’Assemblée plénière des députés dont le vote crucial devrait intervenir le lundi 18 avril, selon les prévisions de la Commission. L’avocat général de l’état brésilien, l’ex-ministre de la Justice de Mme Rousseff, José Eduardo Cardozo, avait dénoncé lundi devant la Commission une procédure dépourvue de fondement juridique sérieux, s’apparentant à un «coup d’état sans baïonnettes». Très impopulaire, Mme Rousseff est engluée dans une crise politique historique envenimée par l’énorme scandale de corruption Petrobras, qui éclabousse son Parti des travailleurs (PT) et les autres formations de sa coalition en lambeaux. Le vent politique souffle contre la présidente, accusée d’avoir maquillé les comptes publics en 2014 (année de sa réélection) et en 2015, des tours de passe-passe budgétaires violant la loi de Finances qui la rendraient coupables selon l’opposition de «crimes de responsabilité» prévus par la Constitution.
Manœuvre «scandaleuses»
Mais l’arithmétique parlementaire joue, a priori, plutôt en faveur de la présidente. L’opposition devra obtenir au moins deux tiers des votes des députés (342 sur 513) pour que la procédure de destitution soit transmise au Sénat qui aurait ensuite le dernier mot. à l’inverse, un tiers des votes suffiront à la présidente pour sauver son mandat, sinon pour pouvoir ensuite gouverner et tenter de sortir le géant émergent d’Amérique latine de la récession économique.
Le camp présidentiel se démène dans les coulisses du parlement pour tenter de désamorcer la bombe à retardement. Abandonné la semaine dernière par le pilier centriste de sa majorité, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) du vice-président Michel Temer, il drague en particulier les partis de second rang du «grand centre» mou de sa coalition, alléchés par les postes laissés vacants par le PMDB.
L’un d’eux, le Parti progressiste (51 députés) ne cache pas négocier son appui au prix fort: des ministères «de prestige» richement dotés, comme ceux de la Santé ou l’éducation. Méfiante, Dilma Rousseff a annoncé mardi, qu’elle ne remanierait pas son gouvernement «avant le vote à la chambre des députés», contrairement à ce qu’avait indiqué la semaine dernière son chef de cabinet Jaques Wagner. Selon les médias brésiliens, la présidence craint des trahisons de dernière minute des partis de centre-droit se disant prêts à la soutenir moyennant récompense. Les ministères après le vote, pas avant…
L’opposition, furieuse, dénonce des négociations «scandaleuses» de marchands de tapis. Si la procédure allait à son terme, c’est le vice-président Michel Temer qui assumerait le pouvoir jusqu’aux prochaines élections, prévues en 2018. Cette perspective ne suscite pas un enthousiasme débridé au Brésil, même chez les plus farouches adversaires conservateurs de Mme Rousseff. Ils y voient un pis-aller retardant leurs propres ambitions de pouvoir, tant le PMDB du vice-président est impliqué dans le scandale de corruption Petrobras au même titre que le Parti des travailleurs (PT) de Mme Rousseff. Michel Temer a lui-même été mis en cause par certains inculpés à défaut d’être formellement poursuivi. Il pourrait en outre voir son mandat cassé par la justice électorale en même temps que celui de Mme Rousseff au cours du second semestre.
Le Tribunal supérieur électoral (TSE) pourrait en effet annuler leur élection conjointe s’il estime que leur campagne électorale a été polluée par des financements illégaux, à l’aune des révélations de l’enquête Petrobras. L’écologiste Marina Silva, un temps été favorite de l’élection présidentielle de 2014, a estimé mardi que de nouvelles élections seraient la meilleure façon «de sortir de la crise», avec «la légitimité de la société brésilienne».