Des politiques économiques aussi variées que vagues, pour tenter de maîtriser les importations, ont été menées. Les nouveaux textes de loi sur les hydrocarbures et les Finances, le retour à l’importation des véhicules de moins de trois ans et surtout l’impact du Hirak sur la vie économique. Retour sur les évènements qui ont dessiné l’année économique de 2019.
Des mesures économiques inopérantes
Déjà le pays étant frappé d’une crise économique qui s’accentue depuis la chute des prix du baril en 2014, les politiques économiques apportées comme réponse n’ont pas réussi à rétablir l’équilibre de la balance commerciale et atteindre l’objectif de maintenir le même niveau des recettes en devises. Avec des réserves de changes en chute continue, comme noté dans les PLF adoptés durant ces cinq dernières années, le gouvernement – à l’époque d’Ahmed Ouyahia – avait tenté dans un premier temps et sous la panique d’introduire des restrictions imposées sur les importations. Mais la liste des produits interdits de l’importation à tout de suite viré à une crise aiguë de pénuries en série, cela a mené l’Exécutif à abandonner cette option, excepté pour l’industrie de montage automobile.
L’économie nationale a poursuivi sa tendance en baisse, conséquence des changements brutaux des politiques économiques et les changements fréquents à la tête du gouvernement, depuis l’avènement du Hirak (après le 22 février), impactant ainsi plus fortement la croissance dans le pays. La gestion économique post-hirak n’aura ni les moyens ni l’autorité de produire des résultats substantiels. Tout au mieux, pouvons-nous espérer, limiter les dégâts. Si on analysait en profondeur les données d’une manière exhaustive, on ne trouverait pas de détériorations substantielles supplémentaires. Le nouvel environnement politique n’a pas permis une meilleure maîtrise du processus de dégradation. Mais il n’a pas eu également un effet accélérateur sur la détérioration économique. Espérons que les réformes que compte apporter le président Tebboune réussiront à freiner cette descente en enfer de l’économie nationale et stimuler ainsi la croissance.
La loi fort controversée sur les Hydrocarbures
Alerté par l’effondrement des revenus budgétaires tirés essentiellement des recettes pétrolières, le gouvernement a ressorti du tiroir la vieille recette : rédiger un nouveau texte de loi sur les hydrocarbures. L’annonce du gouvernement a attisé les inquiétudes, car introduisant clairement, et pour la première fois, l’exploitation de l’offshore et de non-conventionnel pour compenser le recul de l’activité sur les puits déjà existants. L’argument du gouvernement ? Attirer les investissements et les multinationales étrangers pour éviter que l’Algérie ne se transforme en un pays importateur de gaz à l’horizon 2030. Avec une consommation nationale qui double presque toutes les quinze années, passant de 33 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) en 2002 à 60 millions de TEP en 2017, un déficit structurel entre l’offre et la demande du marché national en gaz est inévitable à l’horizon 2030, ont argumenté les responsables de ministère de l’Énergie. Une refonte en profondeur du régime juridique des hydrocarbures, en particulier aux plans fiscal et contractuel est aujourd’hui nécessaire voire indispensable pour restaurer l’attractivité du domaine minier national, dans un contexte caractérisé, par un faible niveau des prix du pétrole et par une concurrence accrue entre les pays producteurs pour attirer de nouveaux investisseurs. Cette refonte présente un caractère urgent vu la situation de nos réserves, les profils de production à long terme et les délais incompressibles pour concrétiser de nouveaux projets, sachant que dix années en moyenne s’écoulent entre l’obtention des permis de recherche, la réalisation de découvertes, leur développement et leur mise en production.
En 2020, les Algériens payeront plus de taxes
La LF-2020 prévoit de légères augmentations d’impôts et de taxes, ainsi que l’institution d’une nouvelle taxe sur les véhicules. Le texte prévoit l’institution d’une taxe annuelle sur les véhicules automobiles et engins roulant, due lors de la souscription d’un contrat d’assurance par les propriétaires et fixée à 1 500 DA pour les voitures de tourisme et à 3 000 DA pour les autres véhicules. En outre, une taxe de 6 000 DA, appliquée aux véhicules introduits temporairement en Algérie par les particuliers non résidents et payable au niveau des services des douanes avant la délivrance du titre de passage en douanes, est également proposée. D’autre part, il est proposé d’augmenter la taxe sur les titres de transports individuels ou collectifs délivrés aux résidents pour un parcours international, le portant de 500 DA à 1 000 DA pour chaque voyage par voie routière ou ferroviaire. Aussi, le relèvement du timbre imposé aux cartes de résidences délivrées aux étrangers, de 3000DA à 6 000 DA pour les cartes d’une durée de deux ans et de 15 000 DA à 30000 DA pour les cartes de 10 ans est également proposé par le PLF. En 2020, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, augmente à son tour, passant à une fourchette allant de 1 500 DA à 2 000 DA (contre une fourchette actuelle de 1 000 DA à 1500 DA) pour les locaux à usage d’habitation et à une fourchette de 4000 DA à 14 000 DA (contre 3 000 DA à 12 000 DA) pour les locaux à usage professionnel, commercial ou artisanal. Pour les terrains aménagés pour camping et caravanes, la fourchette de cette taxe passera à 10 000 DA -25 000 DA (contre 8 000 à 23 000 DA) alors que les locaux à usage industriel commercial ou artisanal produisant de grandes quantités de déchets seront soumis à des tarifs de 22.000 à 132.000 DA (contre 20.000 à 130.000DA actuellement). Les revenus tirés de la location des salles des fêtes et celles destinées à l’organisation de séminaires et de meeting seront soumis à la catégorie bénéfices professionnels de l’IRG, au lieu d’un IRG à 15% actuellement. Le taux d’IRG appliqué sur l’activité de consulting est rehaussé pour sa part, pour être fixé dans une fourchette allant de 10% à un taux proportionnel de 26% (contre un taux fixe de 10% actuellement). Les ventes en ligne de biens numérisés et certains services fournis par voie électronique exploités en Algérie seront d’autre part soumis à la TVA en application du taux réduit de 9%. L’abattement applicable sur les redevances pour le cas des contrats portant sur l’utilisation de logiciels informatiques sera réduit à 30% contre 80% actuellement. Un impôt sur la fortune (ISF) a été introduit à travers une imposition au taux de 1/1000 pour les biens supérieurs à 100 millions de dinars. L’article 26 du PLF 2020 impose un impôt sur le patrimoine fixé à 100 000 DA pour les valeurs taxables allant de 100 à 300 millions de DA, à 250 000 DA pour les valeurs taxables allant de 300 à 500 millions de DA, à 350 000 DA pour les valeurs taxables allant de 500 à 700 millions de DA, et à 500000 DA pour les valeurs supérieures à 700 millions de DA.
Retour à l’importation des véhicules d’occasion
Frappés d’interdiction depuis 2010, les véhicules touristiques de moins de 3 ans pourraient être autorisés à l’importation à partir du 1er janvier prochain, à la faveur de la LF-2020. Après avoir parié longtemps sur l’industrie de montage automobile pour donner naissance à une véritable industrie, le gouvernement a vite déchanté, ce qui s’est traduit dans l’annulation des avantages octroyés aux propriétaires de ces usines de montage. Les importations des kits CKD/SKD ont été très restreintes et limitées et beaucoup de marques ont annoncé déjà qu’elles pourront mettre bientôt la clé sous le paillasson.
La CNR encore plus déficitaire
Les prévisions de déficit pour 2020 pour la Caisse nationale des retraites (CNR) vont creuser encore plus profondément. Cela présage de longues années de crise avant que la CNR retrouve de nouveau son équilibre. En effet, le déficit pourrait atteindre les 800 milliards de DA/an en 2021, selon les estimations de l’ancien ministre des Finances, Mohamed Loukal, qui a estimé aussi qu’il ne serait pas possible de couvrir ce montant entièrement et en permanence à partir du budget de l’État. Loukal a évoqué la maîtrise difficile du déficit enregistré au niveau de la CNR qui connaît « un déséquilibre structurel aigu » depuis 2014 s’élevant à 600 milliards de DA en 2018. Pour maintenir la CNR en vie, l’État consacre dans chaque loi de Finances des contributions financières à cette caisse, qui souffre aussi du recul du nombre des contribuables de fait d’un marché de travail de plus en plus en proie à l’anarchie et l’informel.
Hamid Mecheri