Le mouvement populaire du 22 février a reconfiguré la société algérienne en la libérant de ses maux comme l’absence de morale collective, la violence, la corruption, l’individualisme et le fatalisme. Après trois mois de marches pacifiques, ce mouvement devrait s’ouvrir sur une nouvelle étape au cours de laquelle il doit réaliser son objectif capital, à savoir le changement de tout le régime dans le pays, estime Ahmed Benbitour, ancien chef de gouvernement. «Il faut maintenant passer à une étape qualitative nouvelle dans le Hirak qui consistera d’abord à bien comprendre qu’il faut qu’il y ait une représentation pour négocier la réalisation de leurs objectifs et revendications», a indiqué hier Benbitour sur la chaîne 3 de la Radio publique. «C’est très important», a-t-il insisté. Pour Benbitour, «il y a deux forces qui sont clairement établies : celle des marcheurs “le Hirak” et le pouvoir en place». Il appellera ainsi «chacun d’eux à désigner un représentant ou plusieurs représentants pour se mettre d’accord». Cependant, «il faut que le Hirak définisse d’abord ses objectifs de façon plus claire. Parce que rester sur “Irouhou ga3 !”, (qu’ils partent tous !) ce n’est cela qui va apporter la solution». Donc, «il faut négocier sur un changement de système du gouvernance et ça demande qu’on ait une idée de quel système du gouvernance que nous voulions mettre en place. Nous sommes prêts à les aider à définir clairement ce qu’ils doivent négocier», a-t-il observé. Pour solutionner la crise politique dans le pays, Benbitour plaide en faveur d’un cadre de dialogue préalablement établi. Suite au discours du chef de l’état-major de l’Armée, appelant, mardi dernier, à l’entame d’une «dialogue franc et responsable» et surtout de «faire des concessions», Benbitour s’interroge : «de quel type de concessions parle-t-on ? Et qui doit faire des concessions ?». Il affirme : «Nous sommes dans une nouvelle révolution depuis le 22 février et l’objectif clairement établi est le changement de tout le système de gouvernance», ce qui ne va pas se faire sans «changer le système actuellement en place et les personnes à l’intérieur». Considérant que parler de dialogue est «déjà dépassé», Benbitour estime qu’il s’agit plutôt de «négociations». Estimant que les élections du 4 juillet sont «irréalisables administrativement», Benbitour considère le report, inéluctable, de cette échéance comme une transition de fait. «Je pense que les tenants du Pouvoir ne veulent pas assimiler l’idée de changement de tout le système de gouvernance, et donc d’une période de transition. Ils parlent ainsi de report des élections.
Cela n’est pas très important à mon point de vue, pour peu qu’on comprenne ce qu’il faut mettre après ce report des élections», a-t-il souligné. «Qu’on l’appelle transition ou report des élections, le plus important c’est qu’elle doit mener vers le changement du système de gouvernance qui permettra au pays de s’en sortir de la crise politique et de bénéficier de ses potentialités», a-t-il expliqué. Le préalable, selon Benbitour qui recommande une période de transition du 8 à 12 mois, est, entre autres, de «mettre en place un nombre d’éléments», citant «la commission indépendante pour la gestion des élections». «Cela ça demande de travail. Nous avons 65 000 bureaux de vote, et donc il faut du temps, de l’organisation et de travail», note Benbitour, qui préconise aussi «un gouvernement de transition pour gérer les affaires du pays en même temps». Benbitour recommande aussi de lancer trois programmes sur : la reconstruction et refondation des Institutions de l’État, le comportement individuel et collectif et les politiques sectorielles. Néanmoins, le plus important est de mettre en place et rapidement un «programme de communication important pour expliquer à la population que sur le plan économique on va être dans une situation difficile et on sera obligé d’imposer des politiques d’austérité qu’il faudrait partager équitablement», a-t-il ajouté. Il prévient qu’à l’horizon 2021, il n’y aura plus de réserves de change et le pays se trouvera ainsi insolvable et ne pourra pas faire recours à l’emprunt ou à la planche à billets, ce qui poussera les autorités à réduire les importations avec comme conséquences des pénuries et d’autres problèmes comme la violence suite à la colère populaire. Enfin, Benbitour a démenti les rumeurs le donnant comme membre dans une éventuelle instance présidentielle de transition, mais il a affirmé qu’il se présentera aux présidentielles prochaines si les conditions seront garanties et transparentes.
Hamid Mecheri
Accueil ACTUALITÉ BENBITOUR SUGGÈRE LA DÉSIGNATION DE REPRÉSENTANTS DU MOUVEMENT POPULAIRE POUR NÉGOCIER AVEC...