En plein cœur du parc national de Belezma à Batna, la cueillette du thym sauvage ou Zaâtar, à la fois aromate à l’odeur puissante et plante médicinale aux vertus reconnues, bat son plein sur les collines rocailleuses de Theniet Zaatar (vallée du thym) sur les hauteurs du village Bozzo (Ali Nemeur) de la commune de Meraouna.
Kamel Selloum, Zidane et leur groupe d’amis qui habitent la ville de Merouana ramassent pendant des heures les petites feuilles de cette plante chaque vendredi depuis fin avril.
«Nous venons le matin ou à la mi-journée et nous ne rentrons qu’à l’approche du Maghreb», confie Zidane couché sur le flanc en train de ramasser le thym difficilement discernable pour le non-initié des autres plantes vertes composant la pelouse luxuriante et verdoyante revêtant ce parc national de 26.250 hectares classé par l’Unesco depuis 2015 réserve de la biosphère. Chaque jour des dizaines d’hommes mais aussi de femmes envahissent ce site également désigné localement par «Oulemouthène». Ils doivent se placer sur les genoux pour arriver à distinguer la précieuse plante. Jadis, le thym s’élevait au-dessus d u sol et était reconnaissable de loin par ses fleurs blanches virant vers le rose et on pouvait le couper avec une faucille, assure Mohamed assis non loin de sa petite ferme qui souligne que la cueillette intense et prématurée du Zaâtar a fini par réduire les aires de croissance naturelle de la plante. Certains même coupent la plante par les racines empêchant sa régénération, regrette-t-il. Ce rythme d’exploitation met en péril le Zaâtar dans cette zone du parc de Belezma avec même le risque d’extinction, estime Hakim photographe et fervent défenseur de la faune et de la flore de ce parc, et très actif sur le réseau social Facebook. Pour Kamel et ses amis, la recherche de cette plante médicinale «par excellence» répond exclusivement à un usage personnel. Elle est tout indiquée pour les problèmes de santé durant le froid, assure Kamel qui précise qu’il a pris l’habitude de sécher le thym avant de le broyer en farine pour en mélanger une cuillère à café avec de l’huile d’olive dans un petit flacon de 20 ml qui, après une dizaine de jours, devient un remède très efficace contre les toux et bronchites surtout des enfants. «J’en prépare ainsi chaque année pour mon usage personnel et celui de mes proches», ajoute-t-il en enchainant que le thym broyé peut être utilisé avec de l’huile d’olive com me baume appliqué sur les poitrines des nouveau-nés et enfants pour traiter certains problèmes respiratoires liées au froid.
Le parc national de Belezma, une réserve naturelle des plantes médicinales aurésiennes
Pour d’autres cueilleurs du site, le thym sauvage est source de revenus d’appoint puisque un bol de ses feuilles miraculeuses peut se vendre de 500 DA en temps de cueillette à 1.500 DA et plus en hiver, assurent certains d’entre eux. Aromate recherché sous d’autres cieux, le thym appelé en chaoui Legrich Edjerthil est dans les Aurès un conservateur alimentaire naturel mais surtout un remède traditionnel naturel dont l’usage et les recettes sont transmis et confirmés d’une génération à l’autre et ce pouvoir curatif est confirmé par les nouvelles recherches. Ainsi, il a été montré que le thym sauvage (thymus vulgaris) contient une huile essentielle (thymol) qui lui confère des vertus antiseptiques, toniques, stomachiques, sédatives, antispasmodiques et expectorantes, assure Hamchi Abdelhafidh, ancien cadre du parc national de Belezma dans son opuscule sur «les plantes médicinales du parc national du Belezma (Batna)». Le parc national de Belezma chevauche les huit communes de Batna, Oued El ma, Sériana, Fesdis, Oued Chaâba, Djerma, Hidoussa et Merouana. Cé lèbre pour ses 5.315 hectares de majestueux cèdres de l’Atlas, cette réserve naturelle renferme une riche flore de près de 650 espèces dont 140 plantes médicinales. Ces plantes composant la pharmacopée séculaire auréssienne sont traditionnellement cueillies et proposées à la vente par les herboristes de la région.