Les Algériennes et Algériens se préparent pour sortir demain, une autre fois, pour la 15e marche de vendredi de suite, depuis le début du mouvement le 22 février dernier. Il s’agira aussi de la 4e action de protestation du mois de Ramadhan. D’apparence, cette manifestation s’annonce plus consistante et grandiose que ses précédentes eu égard à l’évolution des évènements qu’a connus le pays cette semaine.
En effet, le peuple sera de nouveau au rendez-vous demain, pour dire son mot et répondre à sa façon aux différents évènements passés, surtout au discours du chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, qui a appelé avant-hier, à un «dialogue sérieux et consécutif» comme seule voie pour résoudre la crise à laquelle est confronté le pays.» Gaïd Salah a appelé aussi à la tenue d’élections présidentielles dans les plus proches délais rejetant ainsi l’idée de période de transition.
«Ce dialogue assure la voie vers la tenue des prochaines élections dans les plus brefs délais possibles, loin de périodes de transition aux conséquences incertaines, car l’Algérie ne peut supporter davantage de retard et de procrastination » a-t-il affirmé. Ce message, accueilli «à bras ouverts» par la majorité de la classe politique et de personnalités nationales, sera toutefois confronté au test de la rue, sachant que les citoyens revendiquent, comme préalable le départ d’Abdelkader Bensalah, président par intérim, en plus d’autres figures comme Bedoui et Bouchareb. C’est-à-dire, un refus de dialogue avec les figures et les symboles du pouvoir politique en place. Bien évidemment le peuple a manifesté à maintes fois son rejet des élections sous la présidence des mêmes symboles du régime passé, réclamant ainsi leurs départs afin de réaliser le changement. Dans ses revendications le peuple demande d’aller vers une période de transition, la chose que Gaïd Salah a rejetée dans la forme et le fond.
Dans le même cadre des évènements qui ont marqué cette semaine, il y a aussi l’improbable tenue des élections présidentielles prévues le 4 juillet prochain. Bien des acteurs politiques, personnalités et d’indices prédisent une annulation de fait, surtout que les candidats déjà manquent de se bousculer au portillon d’El Mouradia. Il s’agit aussi d’une revendication du peuple au moment où des magistrats et présidents d’APC refusent d’organiser le processus électoral de cette élection.
D’un autre côté, il faut rappeler qu’au début de la semaine, le parquet de la Cour d’Alger a annoncé dans un communiqué signé par le nouveau procureur Belkacem Zeghmati, des poursuites judiciaires contre 12 anciens hauts responsables du gouvernement dont les deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal. C’est alors, avec une forte détermination et unité que les Algériennes et Algériens ont pu tenir trois mois de marches hebdomadaires consécutives, cassant ainsi le mur de la peur en montrant au monde entier le pacifisme du peuple algérien, malgré la répression qu’il a subie lors des dernières semaines de la part des forces de l’ordre.
D’ailleurs, cette nouvelle donne prédit un vendredi, demain, qui serait marqué par un dispositif sécuritaire monstre, voire plus important encore que celui mis en place lors du 14e vendredi ou même du mardi passé, lors de la marche des étudiants. Mais, et à présent, les appels à la sauvegarde du caractère pacifique du mouvement se multiplient.
Sarah Oubraham
RÉACTIONS… RÉACTIONS…
Samir Benlarbi, activiste : «Le peuple ne fera pas de concessions»
Selon Samir Benlarbi, activiste et ex-membre du mouvement « Barakat », le plus important acquis du mouvement qui s’ajoutera à d’autres est «l’annulation des élections du 4 juillet prochain imposées par le pouvoir, grâce à la détermination populaire». Pour l’appel au dialogue lancé par le chef d’état-major de l’ANP, Benlarbi affirme que c’est un appel «accepté» ailleurs, dit-il. «Il était proposé depuis longtemps par l’opposition comme solution de crise», en ajoutant« si on veut un dialogue ça sera après le départ des 3B» et cela c’est une «exigence populaire qui sera sans doute réclamée demain», souligne-t-il. D’après notre interlocuteur, les citoyens descendront en masse dans la rue demain, et leur mobilisation, selon ces prévisions, sera plus que celle de la semaine passée, « on aura plus de volonté malgré le jeûne et la chaleur. Il n’y aura pas de concessions de la part du peuple», indique-t-il avant d’ajouter que «le peuple n’abandonnera pas ses revendications légitimes, il faut aller à une période de transition », suggère-t-il.
Slimane Chenine, député du FJD: «Le peuple exprimera son refus de dialoguer avec Bensalah»
Pour le député du FJD, Slimane Chenine, la mobilisation du 15e vendredi restera intacte si elle ne sera pas plus «intense», malgré qu’il faut prendre en considération les engagements des citoyens avant l’Aïd el Fitr, mais, ajoute notre interlocuteur, « le peuple sera au rendez-vous ». «Ca sera un mouvement avec la même cadence», a-t-il prédit, insistant que le peuple ne va pas s’arrêter et continuera de réclamer le départ des «3 B». En ce qui concerne la réaction du peuple au discours du chef d’état-major de l’ANP, Chenine pense que les citoyens vont «éviter de parler sur le chef d’état-major» puisque, selon lui, «son dernier discours était raisonnable». Par contre, précise-t-il, «le peuple refusera de dialoguer avec Bensalah», ajoutant que «maintenant on attend la réalisation de ce dialogue en précisant ses acteurs», conclut le député du parti de Djaballah.
Sarah O.