Depuis le 22 février dernier et la 1ère déferlante de rue, sport et politique ne font plus qu’un en Algérie, si tant est il y a eu un jour séparation. Les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Grand débat en perspective lancé comme par hasard et depuis des mois, voire des années, à partir des travées de nos stades connus pour être, toujours, l’exutoire par excellence de grands pans de la jeunesse algérienne faisant le déplacement hebdomadaire pour y faire entendre sa voix. En rivalisant d’ingéniosité comme le renverront les quatre vendredis consécutifs de revendications politiques de rue. Dans un calme olympien pour rester dans le jargon sportif.
L’Algérie avant tout
La sélection nationale, sous la houlette de Djamel Belmadi, est en stage au CTN de Sidi Moussa depuis quelques jours déjà. Objectif, préparer la double confrontation devant l’opposer, ce vendredi soir au stade Mustapha Tchaker- Blida (pour le compte de la 6e et ultime journée des qualifications pour la CAN 2019 prévue cet été en Egypte, avec la précision que les «Verts», déjà fixés sur leur avenir après avoir assuré très tôt leur billet pour la messe biennale africaine, joueront sans grosse pression) à un onze gambien qui a besoin d’un véritable exploit pour espérer s’inviter sur les bords du Nil, puis mardi prochain (26 du mois en cours mais en amical) face au voisin tunisien dans la même configuration et qui, profitant de la date Fifa de cette fin du mois de mars, fera le déplacement, à l’occasion de cette très recherchée opportunité, pour une grande revue d’effectifs avant le coup d’envoi du prestigieux rendez-vous inter-nations à l’échelle continentale. Avec quel moral Mahrez and Co, qui n’ont plus aucun souci à se faire eux qui ont fait le boulot correctement en décrochant le fameux sésame, le statut de leader en prime, dans un groupe toutefois loin d’être évident au départ avec la présence d’adversaires bien dans leur rôle d’outsiders, aborderont cette simple formalité en accueillant un vis-à-vis dont les espoirs (il faudra, pour ce faire, sortir le grand jeu et démentir les pronostics alors que les Algériens, dans l’obligation de soigner leur classement Fifa et leur prestige, ne devraient sûrement pas, bien au contraire, lever le pied en jouant le jeu à fond) de décrocher la seconde place, aborderont-ils cette manche ? Une question qui se pose avec acuité au moment où le pays est à un tournant sinon décisif, du moins capital de sa jeune histoire depuis que la rue a décidé d’investir le champ politique pour faire entendre ses revendications. Sa voix tout simplement. Loin des habituels slogans liés aux simples besoins «alimentaires». Au-delà des pronostics inévitables et des tendances tactiques devant prévaloir, avec la précision, encore une fois, que Belmadi et son staff, s’ils joueront pour la victoire (ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute pour assurer et rassurer l’opinion qu’ils savent tournée désormais, et pour longtemps encore, sur d’autres considération en relation directe avec l’avenir du pays et des soubresauts qui le traversent) ne perdent pas de vue, avant de redescendre dans leur jardin fétiche de la «Ville des Roses», que les temps (du moins pour cette délicate conjoncture) et la donne, et surtout le contexte, ont changé. Se préparent, selon toute vraisemblance (ce qu’ils disent, en «off», bien comprendre à l’image du 1er responsable de la barre technique qui a profité de sa dernière sortie médiatique pour lancer, à sa manière, un message de soutien en direction des manifestants tout en émettant le vœu de voir le pays sortir grandi par cette nouvelle dynamique) à rechausser les crampons devant des tribunes pratiquement vides. Clairsemées à la limite, en dépit des 22 mille billets mis en vente dès hier mercredi. Une opération qui, dit-on, n’a pas connu l’engouement espéré par des joueurs, notamment les nouveaux arrivés, impatients de (re)découvrir la formidable ambiance ayant souvent entouré les sorties officielles de la sélection.
Le précédent… USMA -MCA
Demain, vers les coups de 20H45 (horaire prévu pour le coup d’envoi), il fera sûrement, désespérément, très froid. Et pas seulement en raison des conditions atmosphériques (une météo à nouveau généreuse) qui touchent à nouveau le pays (températures très basses et neige et, à titre de rappel, Blida se trouve au pied de Chréa ce qui, à n’en pas douter, n’est pas pour arranger les affaires des Gambiens habitués, comme on sait, à un thermomètre autrement plus doux, voire soufflant le très chaud) mais, surtout, à cause de la défection du fameux et indéfectible «12e homme» dont il n’est plus utile de rappeler l’amour en toutes circonstances qui le lie à sa sélection. Dans le prolongement de l’éternelle rivalité opposant les deux plus grands pôles de la capitale, en l’occurrence les deux frères-ennemis ou ennemis intimes, les «Rouge et Noir» de l’USMA et les «Rouge et Vert» du MCA (une affiche au retentissement planétaire, surtout pour la qualité du match que se livrent les deux galeries à coups de tifos et de chants uniques alors que la politique est rarement absente des fresques déployées) dans un temple du «5 Juillet» boudé à l’occasion (il n’a en tout cas pas fait le plein de monde comme à son habitude), le stade Tchaker, sonnera, sauf rebondissement de dernière minute (le supporter algérien étant connu pour sa versatilité et ses contre-pieds magistraux), vide à l’occasion d’une soirée tombant comme un cheveu dans la soupe au détour du 5e vendredi de contestation populaire d’une rue n’en démordant plus. En exigeant le changement et la rupture avec l’ancien système. Maintenant. En exigeant le départ de l’actuel personnel politique en charge de la gestion (jugée catastrophique et inique) du pays. Si le super sommet algérois vient de connaître une de ses plus faibles affluences jamais enregistrées depuis des années, cette confrontation algéro-gambienne, à son tour dans la ligne de mire des réseaux sociaux, devrait largement pâtir des appels pressants au boycott lancés (des milliers de voix se sont élevées, sur «Facebook» notamment, pour l’inscrire dans le même registre et pour les mêmes motifs) par des jeunes à l’activité débordante sur la «Toile» et dont les appels semblent trouver résonance en dépit du clin d’œil de Belmadi qui, lundi, lors de son face à face avec la presse, disait sa «conviction» que le public sera «présent en force» non sans préciser être «en phase avec la rue» qui a «tout son soutien». Dit «comprendre (…) espère que sa voix sera entendue.» Comprendre ses «choix».
En attendant de revisiter… Oum Dourmane
Parmi lesquels, néanmoins, la solution extrême de faire de ces retrouvailles un non événement, le public étant invité à aller voir ailleurs. Précisément du côté où la rue fixe le regard. En direction d’une 2e République désormais dans les cordes. D’une rupture totale. Algérie- Gambie fera-t-il recette ? Non à bien des égards. Sur le plan sportif d’une part, l’affiche, on le savait, n’enflamme pas (le nom de l’adversaire qui n’est pas un foudre de guerre et ne figure pas parmi les ténors de la balle ronde africaine en plus de son caractère presque amical, les cartes distribuées depuis maintenant l’avant-dernière étape qui a vu les «Verts» étriller le Togo sur ses terres à Lomé), les foules en plus, d’autre part (on s’excuse du pléonasme), du cachet politique qui colle dès lors aux manifestations dans cette conjoncture particulière ouverte sur la suspicion quant aux intentions réelles du pouvoir de sortir de la crise. Pour beaucoup parmi ce qu’on appelle le «Hirak», l’option boycott pour ce genre d’affiches relève du «devoir national (…) une preuve de militantisme dans la lutte pacifique menée pour le changement», la finalité étant d’éloigner le sport (le football surtout, l’E.N particulièrement) des autorités souvent «surprises en flagrant délit de manipulation des grands rendez-vous footballesques comme lors de la fameuse épopée d’Oum Dourmane face à l’égypte dans les circonstances à jamais ancrées dans l’imaginaire collectif». Une affiche vidée de son sel, son «12e homme» et en «Live Mondial» avec les répercussions médiatiques espérées. «Un message fort et significatif du degré de conscience atteint par les jeunes», estiment les observateurs de la scène politique algérienne, considérant également que «Tchaker constitue une étape de plus qui s’offre à la rue pour rendre compte de sa volonté à maintenir la pression. Marquer une pause sur le plan sportif pour ne pas s’éparpiller.» Vrai ou faux (il y aura sûrement, c’est sûr, des inconditionnels pour ne pas dire des curieux qui, l‘esprit peut-être ailleurs, viendront rompre un tant soit peu le silence de cathédrale qui devrait régner en cette froide soirée blidéenne mais les joueurs comprendront), confirmation est faite que la rue ne se laisse plus conter. Passe à la vitesse supérieure dans sa quête de changement pacifique. C’est le souhait que l’on peut formuler. L’E.N, débarrassée des soucis immédiats de qualification, saura attendre. Faire preuve de patience en attendant de reprendre langue avec ses fans dès juin prochain aux pieds des Pyramides en lui offrant le meilleur des cadeaux. Revenir dans une Algérie définitivement apaisée avec, dans ses bagages, le prestigieux trophée que cette même rue attend depuis un certain an de grâce de 1990. Dieu préserve notre pays.
Azzouaou Aghilas