Alors que la relance du secteur du textile tarde à se concrétiser sur le terrain malgré les enveloppes financières colossales dégagées par l’État, le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile et du cuir, affiliée à l’UGTA, Amar Takjout, considère que les «prémices » de la relance sont d’ores et déjà visibles, bien que la production nationale ne couvre que 6% du marché.
Dans cet entretien, Amar Takjout, affirme que le secteur du textile est pourvoyeur d’emplois. En effet, selon les estimations, le secteur peut créer entre 150 000 et 200 000 postes d’emploi contre 45 000 actuellement.
– Le Courrier d’Algérie : Malgré les enveloppes financières importantes dont a bénéficié le secteur du textile, la relance tarde à voir le jour, quelles sont les raisons ?
D’une manière générale, relancer l’économie ce n’est pas facile, surtout qu’on a déstructuré l’industrie dès les années 80. Globalement, toute l’industrie a été déstructurée, pendant une vingtaine d’années. Quand on détruit quelque chose pendant des années, c’est impossible de tout reconstruire en cinq ans.
Ce qui est intéressant dans la démarche de la relance de la filière du textile c’est qu’on commence à sentir les prémices de cette relance. Je pense qu’il y’a des choses positives qui ont été enregistrées depuis le début de la crise économique.
– L’industrie du textile peut-elle répondre aux besoins du marché dans sa globalité ?
Le secteur public ne peut pas à lui seul répondre à la demande du marché globalement. Aujourd’hui, si les usines travaillent à plein régime (24h/24h), on n’arrivera pas à produire plus de 100 millions de mètres linéaires/an, soit seulement 25% de la demande du marché. Mais il reste du fil à coudre pour atteindre ce taux. Les capacités de production actuelles sont de l’ordre de 6% du marché. Il y’a une légère amélioration, mais l’objectif est d’aboutir au taux de 25 % des besoins du marché.
– La filière emploie combien de travailleurs actuellement ?
Le secteur du textile est le secteur le plus pourvoyeur d’emplois. Il emploie actuellement environs 35 000 à 40 000 personnes ce qui reste minime par rapport aux capacités. C’est un secteur qui peut aller jusqu’à 150 000 à 200 000 travailleurs, si on y va sérieusement vers une production responsable et raisonnable. Je peux citer le complexe de Relizane qui est rentré en production au mois de mars dernier. Le complexe emploie actuellement un millier de salariés et peut arriver à créer dans un futur proche plus de 15 000 postes de travail.
– Est-ce que l’État est invité à mettre plus d’argent dans le secteur ?
Non. Je pense que pour le secteur public, il faut donner plus de liberté d’actions. Il faut libérer les initiatives et supprimer les lenteurs administratives.
Il est impératif aussi de choisir le bon management, et évaluer les résultats. Une entreprise embrigadée ne peut agir et réaliser des résultats positifs. Ils n’ont pas besoin d’argent mais d’une marge de manœuvre pour pouvoir travailler et saisir les opportunités. Ainsi, je préconise de revoir toute la stratégie et philosophie du management dans le secteur.
– Est-ce qu’il faut aller vers un blocage des importations ?
Non pas forcément. Il faut réguler le marché des importations. Il faut savoir importer et ne pas inonder le marché. Nous devons faire la part des choses entre organiser l’importation et bloquer l’importation. Une importation organisée c’est une bonne chose et l’importation anarchique ruine toute l’économie. On ne doit pas faire dans l’anarchie mais dans l’organisation. Je dirais que ce qui est frappant aujourd’hui, c’est l’absence d’une cartographie économique dans le pays. Pourtant, cela permettrait de savoir ce qu’il faut produire et ce qu’il faut importer.
-Comment évaluez-vous la campagne de collecte des peaux de moutons lancée cette année par le ministère de l’Industrie ?
C’est une petite réussite. C’était une première qui manquait un petit peu d’organisation. Si les pouvoirs publics veulent rééditer cette initiative, le mieux c’est de commencer à organiser la campagne d’ores et déjà. On doit commencer à réfléchir comment organiser les choses en amont et en aval, pour l’an prochain, avec un timing bien défini pour assurer une meilleure adhésion des citoyens. Dans l’ensemble, il y a eu des ratés, s’il y avait eu une meilleure organisation, l’opération aurait été une réussite totale.
Entretien réalisé par Lamia Boufassa