« Si ça se trouve, on aura des 5-5! » Après deux mois d’arrêt et avec une préparation tronquée, le Championnat d’Allemagne de football se relance samedi à huis clos et sous haute surveillance sanitaire, pour un sprint final qui pourrait réserver bien des surprises.
Au moment de l’interruption mi-mars en raison de la pandémie de coronavirus, le classement était conforme à la logique après 25 journées: en tête avec quatre points d’avance sur Dortmund et cinq sur Leipzig, le Bayern Munich était en route vers un 8e titre de champion consécutif. Question: la longue période sans entraînement, l’impossibilité de jouer des matches amicaux de préparation et surtout les conditions très particulières de la reprise vont-elles bouleverser la logique, et accoucher de résultats inattendus? « On a eu très peu de temps pour se préparer, on va peut-être avoir des scores très curieux », met en garde le directeur sportif de l’Eintracht Francfort Fredi Bobic. « Si ça se trouve on aura des 5-5. » Le Bayern se déplace dimanche à Berlin (18h00) sur le terrain de l’Union (11e), Dortmund accueille Schalke samedi (15h30), dans un « derby de la Ruhr » qui déchaîne d’ordinaire les passions, et Leipzig accueille Fribourg (8e), également samedi à 15h30. En temps normal, les trois cadors seraient favoris. Mais cette reprise n’a rien de normal.
« Dans la tête »
« Il faut s’attendre à des surprises, et à des changements au classement », prédit le manager du groupe professionnel du Borussia Sebastian Kehl. Pour lui, le résultat du derby Dortmund-Schalke, par exemple, « ne va pas dépendre de qui a le meilleur effectif, mais de qui va le mieux réussir à s’adapter à la situation inhabituelle et à créer la meilleure dynamique d’équipe ». « Pour celui qui n’arrivera pas à s’adapter mentalement, ça va être fatal », renchérit le coach de Cologne Markus Gisdol. Entraîneurs, joueurs et dirigeants sont unanimes: cette fin de saison particulière va se jouer « dans la tête ». Et les stades vides ne seront pas le seul problème. Il faudra aussi se plier aux exigences du protocole sanitaire, qui va totalement bouleverser les routines: respect des distances dans les vestiaires, entrée sur le terrain séparément pour les deux équipes, interdiction des poignées de main ou des embrassades pour célébrer les buts, port du masque pour les remplaçants et le coach sur le banc de touche… « Ça va prendre du temps de s’habituer », pronostique le psychologue du sport Georg Froese, dans une interview au magazine Kicker. Selon lui, il est presque impossible à un joueur de se préparer à cette situation: « Certains s’aideront en s’appuyant sur les souvenirs de situations similaires, sans public, lors de matches décisifs dans leur jeunesse », dit-il.
Les arbitres meilleurs ?
Seul avantage, selon le psychologue: « Les arbitres vont être meilleurs et feront moins d’erreurs, parce que l’influence du public sur eux est énorme ». Une opinion que ne semble d’ailleurs pas partager Deniz Aytekin, qui a dirigé en mars le seul match jamais disputé à huis clos en Bundesliga, Mönchengladbach-Cologne: « C’est juste angoissant et d’une certaine façon, ça n’a rien à voir avec du football. Il manque la passion. C’était difficile de rester concentré en permanence », avait-il dit à l’époque. Les autres incertitudes de cette reprise concernent la santé des joueurs. Même si le protocole sanitaire est très rigoureux, il est impossible « de garantir à 100% la sécurité de tous les acteurs », reconnaît officiellement la Ligue de football allemande (DFL). Des infections par le coronavirus ne sont pas exclues. Et si elles provoquaient le forfait d’une ou plusieurs équipes, le projet de finir le championnat avant fin juin serait remis en cause. Par ailleurs, note dans une interview à l’AFP le médecin du sport Wilhelm Bloch, « en fonction du degré de préparation, on peut penser que les joueurs vont être plus sujets aux blessures ». La Bundesliga, pour limiter ces risques, a adopté le nouveau règlement de la Fifa autorisant cinq remplacements par matches. « C’est une très bonne idée », s’est réjoui le coach de Dortmund Lucien Favre, « parce qu’il faut dire les choses clairement: aucune équipe, sans exception, ne sera prête à 100% pour la reprise ».