L’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA) a exigé de certaines chaînes de télévision privées de mettre un terme aux pratiques non professionnelles et de bannir toute forme de folklorisation médiatique. En clair, ces chaînes font de la propagande pour les pratiques de sorcellerie dans la société.
Des gens finissent par y croire : si leur équipe préférée a perdu un match de football, ce n’est pas à cause de sa piètre performance sur le terrain mais parce que le gardien de but a été ensorcelé et a perdu les capacités à protéger ses bois. On en est arrivé là. Les témoignages fantaisistes ne manquent pas pour étayer auprès des personnes vulnérables de telles versions venues d’un autre âge. Il faut admettre que le culte de la médiocrité et de la charlatanerie a été encouragé dans la société à travers la promotion médiatique des «leaders» en la matière. À une époque, on a vu des personnalités officielles chercher à s’afficher en public aux côtés de charlatans notoires parce que ces derniers sont populaires ou ont la cote auprès du bas peuple. C’est une parfaite illustration du folklore médiatique. L’ANIRA a cité la chaîne Ennahar TV qui a diffusé une nouvelle déclaration controversée, dans le cadre de l’émission « Paparazzi », où un artiste réputé prétendait être victime de « ‘sorcellerie », faite par ses pairs pour entraver sa carrière artistique ». À juste titre, l’ANIRA considère cela comme « une exploitation éhontée des émotions des citoyens et un investissement grossier dans la superstition à des fins commerciales ». Autre chaîne de télévision épinglée par l’ANIRA : Echourouk News TV, qui a diffusé le 17 mai un épisode de l’émission « Rak fi Tahkik », dont « l’invité, une personne qui manque de connaissances et de discernement, en étant même incapable de réciter correctement les sourates et les versets coraniques, a proféré un discours irresponsable et contraire à la conscience publique, notamment en affirmant que les pays occidentaux doivent leurs progrès à l’exploitation des djinns ». Pour l’ANIRA, il s’agit là de « propos incongrus contraires à la logique et à la raison, qui font la promotion directe de discours superstitieux incompatibles avec les données scientifiques et les valeurs religieuses, et une violation des exigences du service public ». Enfin, la chaîne El Hayat TV qui a diffusé le 27 mai, une entrevue d’une personne faisant « la promotion de concepts non prouvés scientifiquement, sans recourir à l’expertise des spécialistes de la médecine ou de la science pour donner un avis savant et éclairé, dans un manquement total au devoir d’objectivité ». En fait, des poches d’arriération subsistent dans la société algérienne et expliquent le recours de certaines chaînes de télévision privées ou d’«influenceurs » sur les réseaux sociaux ou même de boîtes de communication pour leurs produits publicitaires, aux messages empreints de superstition ou d’histoires de sorcellerie ou de discours de charlatans, qui encouragent en même temps la médiocrité. La volonté de la majorité des Algériens et des pouvoirs publics d’aller vers une société fondée sur la connaissance et le savoir scientifique, exige d’interdire l’entrée des medias aux charlatans qui poussent à la « déliquescence culturelle et éducative » aux conséquences incalculables. Tout le monde a fait, de longue date, le constat que l’ANIRA vient d’établir : avec de faibles qualifications académiques et médiatiques, certains animateurs se permettent de traiter des questions sociales sensibles, en invitant des personnes qui se voient attribuer différents titres, sans aucun égard à leur crédibilité.
Comme si ces animateurs médiocres avaient la liberté de faire et de dire ce qu’ils veulent quand ils sont à l’antenne. L’aperçu IA (intelligence artificielle) nous apprend que «la télévision, en tant que moyen de communication de masse, diffuse des modèles de comportement, des valeurs et des normes sociales». Comme dans d’autres domaines, seule la mobilisation citoyenne est en mesure d’éradiquer dans la société le phénomène de la sorcellerie et autres charlataneries nourries par l’ignorance.
M’hamed Rebah
