Reportée à trois reprises, la plainte en référé déposée par le ministère de la Communication pour annuler la transaction commerciale conclue entre la SPA El-Khabar et la société Ness-Prod, filiale du groupe Cevital, sera examinée aujourd’hui par le tribunal administratif d’Alger.
Les yeux seront, cette matinée, tous braqués à Bir Mourad-Raïs, où il devient de coutume que des sit-in soient organisés en parallèle de l’audience. Jamais une telle affaire n’a créé autant de controverse dans les annales de la justice et de la presse algériennes.
Après l’action en référé introduite par le ministère de la Communication auprès de ce tribunal pour contester cette opération de rachat, la première audience devait se tenir le 2 du mois en cours avant d’être reportée au 4 puis au 11 mai et enfin au 25 de ce même mois (aujourd’hui, Ndlr). Le troisième report a été décidé par le président de la deuxième chambre du tribunal, Mohamed Dahmane, lors de l’audience tenue le 11 mai dernier et durant laquelle le tribunal a reçu les mémoires en réponses de la défense d’El- Khabar.
L’audience a été également marquée dés son entame par la révocation de la défense du ministère de la Communication, Me Mohcène Amara qui, selon les arguments avancés par le magistrat Mohamed Dahmane, « est sous le coup de trois mesures disciplinaires datant du 16 janvier 2016 » et qui « ne peut, en vertu de l’article 127 de la loi régissant la profession d’avocat se constituer défense dans cette affaire ».
Le 12 mai dernier, dans une déclaration à la presse, un des avocats du groupe El-Khabar, Me Chaïb Sadek, a affirmé que ce report « prouve que l’action ne revêt pas le caractère de référé ». Pour sa part, Me Benhadid Brahim, membre du collectif de défense du ministère de la Communication a indiqué que la transaction de cession d’actifs d’El- Khabar au profit du groupe Cevital « a été conclue dans le secret et en violation de l’article 25 de la loi relative à l’Information ». Par ailleurs, rappelons que trois semaines après l’annonce officielle du rachat, ce fut le véritable coup de tonnerre : le ministère de la Communication décide de saisir la justice pour faire annuler la transaction au motif qu’elle serait illégale. Alors que du côté des pouvoirs publics, on évoque la non-conformité de la transaction avec le nouveau code de l’information, du côté du vendeur et de l’acheteur, la réplique est aussi venue en s’appuyant sur le même code, mais sur des articles différents. Ainsi, pour le ministère de la Communication, il est impératif de vérifier la conformité de l’opération de vente, menaçant l’acquéreur de recourir aux services de ce département pour un nouvel agrément, comme stipulé dans l’article 17 du code de l’information, qui stipule que « dans le cas de vente ou de cession de la publication périodique, le nouveau propriétaire doit demander un agrément, conformément aux modalités prévues aux articles 11, 12 et 13 de la présente loi organique ».
D’autre part, l’article 25 de la loi relative à l’information stipule qu’ une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu’une seule publication périodique d’information générale de même périodicité éditée en Algérie ». Cet article s’applique au P-DG du groupe Cevital, Issad Rebrab qui est déjà propriétaire du quotidien Liberté.
Du côté des avocats du camp adverse on évoque l’absence de l’autorité de régulation de la presse écrite comme seul et unique représentant de la force publique.
Rappelons entre autre, que le Premier ministre Abdelmalek Sellal a demandé, au ministre de la Communication de mettre de l’ordre dans le secteur de l’audiovisuel et de fermer toutes les chaînes privées non agréées. Abdelmalek Sellal a indiqué que sur les 60 chaînes de télévision qui activent actuellement seules cinq bénéficient d’un agrément. Selon lui, les autorités ont laissé faire par souci d’ouverture en espérant un autocontrôle. La loi, a-t-il déclaré, sera appliquée désormais dans « toute sa rigueur ». Le ministre de la Communication est chargé « d’assainir » le secteur. Ainsi, l’affaire El-Khabar risque d’ouvrir d’autres dossiers relatifs à la gestion du champ audiovisuel en Algérie. Une chose est sûre, les arguments commerciaux contre arguments politiques ne manquent pas. Que ce soit batailles judiciaires sur l’interprétation de la loi, les pétitions, les campagnes sur les réseaux sociaux, les sit-in de solidarité, la transaction entre le groupe El-Khabar et Rebrab tourne au feuilleton.
Lamia Boufassa