Se disant lésés et dévalorisés, les enseignants du secteur de l’Éducation qui célèbrent, aujourd’hui, leur journée mondiale, souhaitent un meilleur avenir à ce métier qui a perdu selon eux la place et la valeur qu’il avait autrefois dans la société.
Intervenant cette année dans un contexte sanitaire et politique particulier, marqué par la propagation du COVID-19, et la révision de la constitution, la journée internationale de l’enseignant est pour les nombreux syndicalistes du secteur un « non événement » car l’enseignant en Algérie n’a pas la place qu’il lui faut. C’est l’avis du secrétaire général du Satef, Boualem Amoura, pour qui le statut de l’enseignant « laisse à désirer» car étant autrefois un métier noble, il a été réduit aujourd’hui à la pauvreté. Selon Amoura, l’enseignant d’aujourd’hui n’est plus un exemple pour les élèves en raison de son statut qui a été « dévalorisé » surtout ces dernières années. Notre interlocuteur a souligné que la journée de l’enseignant sera célébrée dans des conditions difficiles marquées par la pandémie, et le flou autour de la date de la reprise des cours que le gouvernement tarde à arrêter.
Aussi Amoura évoque le projet de révision de la Constitution, constatant que ce texte n’a pas accordé de place à l’enseignant sachant que le secteur de l’éducation est stratégique. Pour le SG du Satef, tout comme le médecin, l’enseignant veut aussi être protégé car il est souvent victime d’agressions de la part d’élèves et même de leurs parents. « La drogue est consommée même dans les écoles primaires, et l’encadrement est toujours violenté », a-t-il dénoncé. Enfin, Amoura a saisi l’occasion afin de lancer un appel aux hautes autorités pour une refonte profonde du système éducatif regrettant à ce propos que l’école algérienne ne puisse même pas figurer dans les classements mondiaux. « Aujourd’hui on nous parle de la nécessité de la tablette à l’école au moment où il n’y a pas de réseau internet dans la majorité des établissements. Pire, des écoles n’ont même pas les moyens d’affronter la pandémie du COVID-19, à l’instar de l’eau et des produits de désinfection. Il faut le dire, l’enseignant est lésé, et le système éducatif sinistré », a-t-il déploré.
De son côté, Meziane Meriane, coordinateur national du Snapest a estimé concernant la situation de l’enseignant en générale que du point de vue social beaucoup restait à faire. Selon lui, le pouvoir d’achat de cette catégorie de fonctionnaires est toujours laminé par une inflation du marché qu’« on n’arrive pas à contrôler par des mécanismes ». « Les augmentations arrachées grâce à la lutte syndicale sont déjà dévastées par l’inflation. Nous avons toujours des enseignants qui ont des difficultés à boucler les fins du mois », dira-t-il.
Pour ce qui est du métier d’enseignant, Meriane le qualifie de dur car ce dernier fait face à une surcharge des classes qui se répercute négativement sur sa santé (physique et mentale). D’autant plus a-t-il souligné que l’année scolaire 2020/2021 sera difficile en raison de la conjoncture sanitaire et où l’enseignant est appelé à faire davantage d’efforts.
D’autre part, le représentant du Snapest a évoqué le projet de révision de la Constitution qui consacre un chapitre pour la préservation de l’école des luttes idéologiques et politiques. Mais pour que cet objectif soit sérieusement atteint, il préconise une constituante de l’éducation qui permettra d’aboutir à un projet de société. Selon lui, la protection de l’école de toutes les interférences politiques ne peut se faire avec des articles seulement mais avec des lois complémentaires et organiques. Ainsi, a estimé Meriane, en protégeant l’école on protège aussi l’enseignant à travers l’amélioration de ses conditions sociales et en lui fournissant notamment des moyens d’accompagnement pédagogique et qui vont l’aider à exercer son métier comme il se doit.
Une journée instituée et célébrée depuis 1994
Il est utile de savoir que la journée internationale des enseignants est célébrée chaque année le 5 octobre depuis 1994, commémorant la signature de la recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de 1966. Cette recommandation fixe les critères de référence relatifs aux droits et aux responsabilités des enseignants ainsi que les normes fixant leur formation initiale et continue, leur recrutement, leur emploi et les conditions d’enseignement et d’apprentissage. La recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, adoptée en 1997, complète la recommandation de 1966 pour y adjoindre le personnel de recherche et d’enseignement de l’enseignement supérieur.
Avec l’adoption de l’Objectif de développement durable 4 sur l’éducation et de la cible spécifique (ODD 4.c) qui reconnaît le rôle clé des enseignants dans la réalisation de l’agenda Éducation 2030, la journée mondiale des enseignants est devenue l’occasion de célébrer les progrès et de réfléchir aux moyens de surmonter les défis qui subsistent dans la promotion de la profession enseignante. Cette journée est organisée conjointement par l’UNICEF, l’Organisation internationale du travail et l’Internationale de l’éducation, alors que l’édition 2020 aura pour thème « Enseignants : leaders en temps de crise et façonneurs d’avenir ».
Ania Nait Chalal