La mosquée Al-Aqsa a été le théâtre d’une incursion massive et coordonnée de colons israéliens, menée sous haute protection des forces d’occupation, dans une atmosphère de tensions extrêmes et de provocations calculées.
À l’aube de la controversée “Marche des drapeaux”, des milliers de colons se sont introduits dans les esplanades du troisième lieu saint de l’islam, effectuant des rituels religieux de type talmudique et agitant le drapeau israélien, dans ce que les Palestiniens dénoncent comme une tentative ouverte de judaïsation et de provocation. L’incursion a été menée par plusieurs hauts responsables israéliens, notamment le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, connu pour ses positions extrémistes, accompagné du ministre du Néguev et de la Galilée, Yitzhak Wasserlauf, ainsi que du député Yitzhak Kroizer du parti “Force juive”. Dans une vidéo publiée sur la plateforme X (anciennement Twitter), Ben Gvir se vante de l’affluence juive dans l’esplanade et se réjouit de la possibilité désormais “d’y prier et de s’y prosterner”. Il a affirmé avoir prié pour la “victoire dans la guerre”, la libération des otages et le succès du nouveau chef du Shin Bet, David Zini. Cette intrusion, qui s’est déroulée par la porte des Maghrébins, s’inscrit dans le cadre d’un programme d’invasion systématique du lieu saint islamique, notamment à l’occasion de l’anniversaire de l’occupation de ElQods-Est par Israël en 1967. Selon la direction des Waqfs islamiques à ElQods, 1427 colons ont pénétré la mosquée en l’espace de quelques heures ce lundi matin, en groupes successifs, sous escorte policière renforcée. Le nombre devrait augmenter durant l’après-midi, selon la même source. Des témoins rapportent que des colons ont tenté d’introduire des rouleaux de la Torah dans l’enceinte de la mosquée, tandis qu’une colonne a hissé le drapeau israélien à l’intérieur des esplanades, y dansant ostensiblement. Des scènes similaires ont été observées à proximité du mur occidental de la mosquée, connu chez les Israéliens sous le nom de “Mur des Lamentations”. Ces événements ont lieu dans un contexte déjà explosif marqué par une guerre génocidaire menée par Israël sur la bande de Ghaza depuis le 7 octobre 2023. Cette guerre a causé plus de 176 000 morts et blessés, dont une majorité d’enfants et de femmes, et laissé plus de 11 000 disparus et des centaines de milliers de déplacés. Dans la vieille ville de ElQods, les autorités d’occupation ont renforcé leur présence militaire depuis dimanche soir. Des barrières métalliques ont été installées autour de la porte de Damas (Bab al-Amoud) et dans plusieurs points d’accès aux quartiers palestiniens, rendant la circulation presque impossible pour les habitants palestiniens de la ville.
« Mort aux Arabes »
Ces mesures visent à préparer et sécuriser la fameuse “Marche des drapeaux”, un événement nationaliste israélien à forte connotation raciste, durant lequel des milliers de jeunes colons défilent en agitant le drapeau israélien à travers les quartiers arabes de la ville, entonnant souvent des slogans haineux tels que “Mort aux Arabes”. La marche, censée débuter dans l’après-midi, partira de la place du Mur occidental, passera par Bab al-Amoud, puis traversera le quartier de Al-Wad dans la vieille ville, jusqu’à atteindre le mur occidental de la mosquée Al-Aqsa. Les zones traversées sont densément peuplées de familles palestiniennes, dont beaucoup vivent dans l’angoisse de cette journée perçue comme une provocation et un rappel brutal de l’occupation et de la dépossession. L’escalade actuelle fait suite à une intensification constante des incursions dans la mosquée Al-Aqsa depuis plusieurs mois. Depuis 2003, les colons sont autorisés à pénétrer l’esplanade presque tous les jours de la semaine, à l’exception du vendredi et du samedi. Si ces visites étaient initialement silencieuses et discrètes, elles se sont transformées depuis une décennie en véritables rituels religieux, avec prières talmudiques, lectures, gestes symboliques et parfois danses. Les groupes extrémistes sionistes, regroupés sous ce qu’on appelle les “organisations du Mont du Temple”, cherchent à imposer progressivement une présence rituelle permanente dans la mosquée, avec la complicité tacite des autorités israéliennes. Ces dernières années, ils ont introduit des livres de prières, des vêtements religieux, et récemment tenté d’y faire entrer des objets à forte charge symbolique comme des rouleaux de la Torah, des chandeliers à sept branches, des trompettes, voire un autel sacrificiel et des animaux pour l’offrande. Les autorités musulmanes, représentées par le Département des Waqfs islamiques affilié au ministère jordanien des Affaires religieuses, n’ont cessé de dénoncer ces incursions répétées et exigent leur cessation immédiate. Cependant, Israël ignore systématiquement ces appels et poursuit sa politique de fait accompli, dans le but manifeste de redessiner les équilibres religieux et identitaires de la vieille ville de ElQods. Pour les Palestiniens, ces manœuvres ne sont rien d’autre qu’une tentative de judaïsation progressive de El Qods-Est et d’effacement de son identité arabe et islamique. Ils réaffirment leur attachement à ElQods-Est comme capitale de leur État futur, conformément aux résolutions de la légalité internationale qui rejettent l’occupation israélienne de la ville depuis 1967 et son annexion illégale en 1980. L’escalade actuelle à ElQods coïncide avec une campagne coloniale et militaire plus large, visant l’ensemble des territoires palestiniens, notamment dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie occupée. Depuis octobre 2023, cette stratégie s’est intensifiée, se traduisant par des attaques meurtrières, des déplacements forcés, et une politique de terre brûlée visant à briser toute résistance palestinienne. Dans ce contexte, les provocations comme la “Marche des drapeaux” et les incursions répétées dans Al-Aqsa prennent une dimension hautement symbolique. Elles visent à affirmer la domination coloniale israélienne sur ElQods et ses lieux saints, tout en provoquant les Palestiniens dans leur dignité, leur foi, et leur mémoire historique. Le silence de la communauté internationale, face à ces violations systématiques du droit international et des droits humains fondamentaux, continue de nourrir l’impunité d’Israël et d’encourager la poursuite de sa politique de colonisation et d’occupation. Mais sur le terrain, les Palestiniens restent debout, refusant l’effacement, et défendant avec courage et détermination l’identité de ElQods et la sacralité de la mosquée Al-Aqsa.
M. Seghilani