Quelque peu oubliés dans la conjoncture présente marquée par une focalisation prononcée de tous : pouvoirs publics, opérateurs économiques et médias, sur l’autre pendant de nos échanges commerciaux extérieurs, l’exportation, à savoir, les importateurs n’en continuent pas moins à exister. Et à activer.
Dans un environnement que ceux d’entre eux que nous avons dernièrement rencontrés, et qui ont la particularité d’être spécialisés dans le créneau de l’importation de biens destinés à la revente en l’état, jugent de particulièrement contraignant. Et, surtout, nous ont-ils déclaré, de pénalisant pour les finances nationales. Ce dernier point, par les sorties en devises que les lourdeurs bureaucratiques et certaines pratiques auxquelles ils sont confrontés dans le long et fastidieux parcours qu’ils sont obligés d’emprunter, à chacune de leurs opérations, dans les dédales des administrations concernées. Des sorties qui sont, déplorent-ils,«autant de pertes pour le pays ». Surtout en ce moment de rétrécissement sensible de ses rentrées en devises. Des pertes qui sont soit directes, soit indirectes. Les premières sont provoquées par les volumineux, de par le nombre de documents exigés par les différentes administrations intervenant dans l’acte d’importation pour leur constitution, dossiers que les importateurs sont tenus de fournir – summum de l’aberration pour nos interlocuteurs -à chacune des opérations qu’ils initient. Et ce, même si celles-ci sont faites dans une période rapprochée. En clair, les importateurs avec lesquels nous nous sommes entretenus, déplorent les quantités astronomiques de papier qui sont ainsi consommées par lesdites administrations. Et ce, pour au moins deux raisons : les retombées négatives sur l’économie nationale de cette consommation aussi effrénée qu’injustifiée d’un produit que l’Algérie ne produit pas et, partant, qu’elle importe, au vu de son prix élevé sur les marchés internationaux, à coup de forts montants en devises sonnantes et trébuchantes ; et le fait que ces retombées peuvent être facilement évitées. Pour nos interlocuteurs, en effet, cet objectif salutaire, pour tous, peut être aisément et rapidement atteint par une utilisation plus poussée, dans les administrations en rapport avec les importateurs, de l’outil informatique. Mais également, point sur lequel ils ont beaucoup insisté, par un allègement des procédures constituant les différentes étapes par lesquelles ceux-ci sont, aujourd’hui, tenus de passer pour importer. Concernant la première de ces étapes, la demande de domiciliation auprès des représentations locales de l’Administration des Impôts, ils ont fortement déploré deux faits : la lourdeur du dossier qui leur exigé es t la «répétition» de la même procédure à chaque opération similaire, même si ces opérations (similaires) se déroulent dans des délais rapprochés.
Des faits qui, nous ont-ils assuré, «leur occasionnent de grandes pertes de temps» et, partant, «d’argent». Toutes ces choses, en sont-ils convaincus, peuvent être facilement évitées «si l’administration des Impôts prenait la décision, aussi simple qu’efficace, d’inclure ces opérations, et, par conséquent, leur contrôle, dans le cadre du G50 » ; à titre indicatif, une déclaration que les importateurs sont tenus de déposer, auprès des structures territorialement compétentes de cette administration, le 20 de chaque mois. La suite du «parcours de combattant», pour reprendre l’expression utilisée par un de nos interlocuteurs, que constituent les procédures auxquelles ils sont astreints dans leurs activités, n’est pas de toute gaité pour les importateurs. La moins pénible, dans le sens où les tracas qu’elle leur occasionne varient d’un établissement bancaire à un autre et d’une période à l’autre, est celle de l’ouverture de la lettre de crédit : celle-ci pouvant être obtenue, en effet, en deux jours comme en dix. Mais cette pénibilité revient en force dans la troisième étape du parcours; celle de la demande « de franchise des taxes douanières » auprès des structures locales et régionales du ministère du Commerce. Une pénibilité dont ne souffrent pas tous les importateurs : la franchise en question, prévue par les accords déjà passés par l’Algérie avec l’OMC, ne concernant que certains produits.
Comme pour la demande de domiciliation, elle découle, en premier, de la lourdeur du dossier exigé et, par la suite, de la durée que les services intervenant dans son traitement – les subdivisons locales, les DGP et les directions régionales, à savoir – mettent à répondre aux demandes introduites dans cet objectif. Et ce, d’autant plus que cette durée, longue, faut-il le préciser, n’est, nous ont précisé nos interlocuteurs, «aucunement le garant d’une réponse favorable». Se voulant plus explicites dans leurs propos, ils n’ont pas manqué de poursuivre que « le OK que peuvent leur donner les DCP, les structures communales n’ayant pour unique rôle que la collecte et la transmission des dossiers, pouvant être contredit par un refus des directions régionales». Et fait plus grave, dans le sens où il est fortement pénalisant pour ceux qui l’essuient, ce dernier qui, ont-ils tenu à nous le dire, «leur est transmis verbalement», n’est, en effet,«nullement motivé». Fait aggravant, ils sont, dans ce cas, astreints non pas à «corriger» la raison du refus qui leur a été signifié, mais à reprendre, depuis son début, la procédure de demande de «franchise des taxes douanières». En clair, nous ont-ils précisé, «à fournir un autre dossier». Avec tout ce que cela suppose de pertes de temps, pour les importateurs, et d’argent, pour les finances du pays ; cette dernière (perte) non pas seulement du fait de la première (de temps) mais, directement, du fait de la forte consommation de papier que la constitution du dossier à (re)fournir, entraîne. Et les secondes (les pertes indirectes), par les retombées de toutes ces lourdeurs bureaucratiques. Surtout celles qui ont lieu après l’arrivée aux ports algériens de la marchandise commandée. Il s’agit, principalement, des frais supplémentaires qu’ils leur sont ainsi occasionnés ; des surestaries et des frais d’emmagasinage, pour être précis. Pour avoir une idée approximative de ces pertes, nos interlocuteurs nous ont déclaré qu’ils sont obligés de payer, «aux compagnies de transport maritime, toutes étrangères, entre 20 et 40 dollars de surestaries, par conteneur et par jour, pour tout retard dans le débarquement de leurs marchandises » ; un retard qui prend effet, nous ont-ils précisé, « au-delà des 14 jours – avec certaines compagnies, ce délai n’est que de sept jours –suivant l’accostage du navire les transportant ».
Comme le nombre d’importateurs présentement en activité se compte en milliers – des statistiques datant de quelques années les estimaient à quelque 20 000 opérateurs – à travers le pays, il n’est pas difficile d’imaginer l’importance des pertes ainsi occasionnées aux finances nationales. Des pertes, auxquelles il y a lieu d’ajouter celles qu’ils subissent sans qu’elles donnent lieu, fort heureusement, à des sorties d’argent à l’étranger, et qui consistent en des frais d’emmagasinage qu’ils payent à des entreprises nationales en charge de ce créneau. Et qui commencent à courir à partir du jour d’arrivée au port de débarquement des marchandises commandées. Deux problèmes qui sont provoqués, cette fois-ci, par des lourdeurs dans le traitement des dossiers de dédouanement. Des lourdeurs qui ont été aggravées, nous ont déclaré nos interlocuteurs,« par la décision, remontant à 5 années, de faire passer tous les documents nécessaires au transfert de l’argent vers le compte du fournisseur et, partant, à la récupération par l’importateur de sa marchandise, par le canal bancaire ». En clair, les documents en question sont, depuis, directement transférés de la banque du fournisseur à celle de l’importateur alors qu’auparavant, ils l’étaient par «pli cartable» qui arrivait avec les marchandises. Pour atténuer un tant soit peu ce problème, nos interlocuteurs proposent une solution combinée : «l’envoi des copies des documents (précités) par le canal bancaire et l’envoi de leurs originaux, par pli-cartable» ; une solution qui leur permettra, nous ont-ils assuré, «de faciliter le traitement par les banques des dossiers en leur possession». Et, dans la foulée, «d’engager plus rapidement la procédure de récupération de leurs marchandises». Sauf que cette procédure est entravée, dans certains cas, par une pratique que les importateurs avec lesquels nous nous sommes entretenus ont qualifiée «d’inutiles et d’illégales». «Inutile», parce qu’elle n’a aucune raison d’être. Et «illégale », parce qu’elle n’est pas prévue par la réglementation en vigueur. Il s’agit de l’intervention dans la procédure de dédouanement «de sociétés intermédiaires». En relation avec les transitaires en charge des affaires des fournisseurs, elles s’érigent comme étape indispensable dans ladite procédure :« Ce sont elles, nous ont dit nos interlocuteurs, qui nous délivrent, moyennant finances, le document dit « relâche » qui nous permet de récupérer auprès des compagnies maritimes le «connaissement», un document indispensable à la suite de la procédur». Ce qui n’aurait pas posé de problèmes, ont-ils ajouté, «si les transitaires susmentionnés n’étaient pas habilités à le faire». Invités à nous préciser les objectifs de cette «intrusion» (des sociétés intermédiaires), ils nous ont clairement déclaré, à l’unisson, que «c’était pour leur soutirer de l’argent». Aggravant davantage leurs pertes déjà difficilement supportables du fait de toutes les lourdeurs bureaucratiques susmentionnées ; des lourdeurs qu’ils subissent également au niveau de certains ports secs du pays ; mais, plus particulièrement, au niveau de certaines infrastructures implantées dans la wilaya d’Alger.
Face à cette situation qui rend de plus en plus difficile leurs activités et dans le clair objectif de tenter de réduire leurs pertes en argent et le transfert de devises à l’étranger, nos interlocuteurs proposent que leur soit accordée «la possibilité d’importer en kits les produits destinés à la revente en l’état qu’ils ont l’habitude d’importer et ce, tout en gardant la position tarifaire des produits assemblés» ; une position avantageuse dans le sens où les taxes douanières à payer sont moins élevées que celles payées dans le cas d’une importation en kits. Toute la question est de savoir si les autorités compétentes sont disposées, en ces temps où tous les regards sont tournés vers les exportateurs, à alléger «le parcours de combattant» que doivent effectuer les importateurs pour exercer leurs activités…
Mourad Bendris