On connaissait Mokri comme critique acerbe et impénitent du pouvoir, on vient de découvrir un Mokri particulièrement narcissique. Dans le discours qu’il a prononcé, hier, à l’ouverture des travaux de la 14e université d’été de son parti, qui se tient à Zéralda, dans la wilaya d’Alger, le président de HMS n’a pas, en effet, hésité, à… se jeter des fleurs.
Fait aggravant, en utilisant la première personne. Est-ce à dire que la présidence (de son parti) a quelque peu affecté son égo? Rien, pour le moment, ne permet de le dire. Mais ce qui est sûr, comme tous les présents ont pu l’entendre, c’est qu’il n’a pas hésité à demander à être dorénavant écouté par le pouvoir et ce, pour éviter que l’Algérie ne sombre définitivement dans un chaos préjudiciable à son peuple et dangereux pour sa pérennité en tant qu’Etat. à l’appui de sa «demande à être écouté», il a rappelé la pertinence de ses points de vue sur les grands évènements ; une pertinence qui a été vérifiée, a-t-il dit, à deux reprises. Une première fois, en 1997, quand il avait averti feu Mahfoud Nahnah que «le monde était à la veille de grands bouleversements» ; et une seconde fois, en 2011, quand, au plus fort de ce qui est appelé «le printemps arabe», il avait attiré l’attention de nombre de membres de son parti, «qui y avaient cru », sur le caractère pernicieux et dangereux, pour les pays qui le subissaient, de ce sinistre évènement. Est-ce pour forcer la main au pouvoir que le président de HMS a établi, à la suite de ces rappels, des prévisions particulièrement sombres pour le devenir du pays ? Et ce, sur tous les plans : «l’Algérie se dirige droit vers l’inconnu», a-t-il, en effet, déclaré. Non sans nuancer ses propos en ajoutant que ces sombres perspectives se réaliseront dans le cas où le pouvoir « s’entête dans sa politique présente de gestion en solo et, partant, d’exclusion de l’opposition». Comme pour donner plus de poids à ses sombres prévisions, qu’il a eu la modestie de reconnaître qu’elles sont «également établies par tous les experts crédibles», Abderezak Mokri a fait part de ses doutes quant à la capacité du pouvoir, qui a gaspillé, depuis 1999, a-t-il dit, «plus de 1000 milliards de dollars», à se remettre en cause. Surtout que, a-t-il ajouté, celui-ci est, «présentement, beaucoup plus préoccupé par la question de la succession du président en poste ». Sous-entendu, que par le sort du peuple algérien. Rebondissant sur ce constat, loin d’être favorable, et c’est peu dire, pour le pouvoir. Mokri a présenté trois scenarii qui pourraient constituer, selon lui, autant de sorties de crise. La première, pour laquelle il semble pencher, fait la part belle au pouvoir consiste et aura pour vecteur les prochaines législatives (de 2017): Il s’agit pour le pouvoir de laisser celles-ci se dérouler, dans toutes leurs étapes, dans la plus totale liberté. Et, par la suite, de reconnaître leurs résultats. À charge pour les partis qui en sortiront vainqueurs de s’engager à former un gouvernement d’union nationale et de considérer la législature qui en découlera de période de transition qui sera mise à profit pour remettre sur rail, sur tous les plans, le pays. Quant à la deuxième, elle s’inscrira, selon lui, dans ce qui a cours actuellement ; à savoir, à poursuivre le travail en commun de l’opposition visant à faire pression sur le pouvoir dans l’objectif de l’amener à lâcher du lest. Et là, fait nouveau qui laisse supposer que HMS ne voit plus du même œil (favorable) l’expérience de la CNLTD, Mokri la considère comme la moins bonne. Non pas uniquement du fait de l’attitude du pouvoir mais également du comportement des partis de l’opposition qui ont tendance, à chaque élection du genre, à faire cavalier seul. La troisième «sortie de crise» proposée par le président du HMS semble privilégier la «solution individuelle». C’est, en tous cas, celle à laquelle se prépare le parti de Mokri. Qui, ce faisant, laisse clairement apparaître le peu de confiance qu’il accorde à ses partenaires de la CNLTD; avec le pouvoir, la cause étant, en effet, entendue depuis longtemps. Le HMS a tout l’air d’avoir opté pour une action étalée dans le temps, qui est basée sur la formation poussée de ses membres et qui vise à en faire, pour reprendre les propos de son président, «la locomotive de l’opposition». Cet objectif transparaît, d’ailleurs, nettement dans le thème choisi pour la 14ème édition de son université d’été : «Les libertés comme voie vers le leadership politique». Dans la foulée, le président du HMS qui a réitéré, en l’occasion, avec force, il faut le dire, le choix stratégique de son parti pour l’action politique et pacifique, s’est montré évasif quant à la participation de son parti aux législatives de 2017. Sauf que tout dans son discours, au demeurant, des plus critiques contre le pouvoir, notamment son rappel sur le caractère politique et pacifique de l’action de son parti, plaide pour une telle participation.
Mourad Bendris