Coïncidant cette année avec la célébration du 54e anniversaire de l’Indépendance nationale, Aïd-el-Fitr de cette année risque d’être long pour les familles algériennes qui vont vivre au ralenti, et pour cause, ce long week-end qui plongera le pays dans une profonde léthargie. Ainsi, les Algériens devront, comme à l’accoutumée, prendre leur mal en patience, essentiellement en raison des pénuries récurrentes des produits de première nécessité qui viennent moisir le bon déroulement des célébrations. C’est dans ce sillage que la frénésie d’achat commence à s’emparer des citoyens. En effet, en dépit des assurances du ministère du Commerce, la culture de la pénurie hante les consommateurs. De peur de manquer des matières premières durant les jours de fêtes ces derniers ont, d’ores et déjà, commencé de s’approvisionner de pain, de lait et même d’eau minérale et d’essence. En gros, le doute plane, quant à la disponibilité, en quantités suffisantes, des produits alimentaires. Des efforts ont certes été consentis pour changer la donne, et faire disparaître cette hantise des commerces fermés et éviter le rush sur les produits de première nécessité. Mais, hélas, rares sont les commerces qui respectent les consignes du ministère, au grand dam des consommateurs.
Le département de Bakhti Belaïb a annoncé avoir mobilisé pour cette année 33 276 commerçants, réquisitionnés pour assurer la permanence durant l’Aïd, visant à assurer un approvisionnement régulier en produits alimentaires et services de large consommation. Ainsi, le programme des permanences prévoit la mobilisation de 4 932 boulangers, 20 167 commerçants dans l’alimentation générale, fruits et légumes et 7 711 dans des activités diverses. Ce n’est pas tout, puisque 435 unités de production, dont 127 laiteries, 370 minoteries et 38 unités de production d’eau minérale, sont également sollicitées. Pour veiller à l’application de cette permanence, le ministère va mobiliser 2 314 agents de contrôle, soit 15% de plus que l’année précédente. Mais difficile d’être optimiste quant au respect de ce programme.
Frénésie d’achat dans les marchés
Ayant vécu de durs moments, en raison de multiples pénuries alimentaires, durant les années précédentes, les habitants de la Capitale sont décidés, cette fois, à ne pas tomber dans le «piège des promesses». Lors d’une virée au marché de Hussein-Dey, le scénario de la frénésie d’achat est réapparu en cette fin du mois sacré. Et en effet, les bouchers et les magasins des produits en alimentation générale étaient pris d’assaut par les citoyens venus faire leurs provisions. Dans les épiceries qui vendent du lait, les commerçants ont dû limiter l’offre. «Pas plus de deux sachets de lait par personne», criait l’un d’eux en direction d’un monde fou à la sortie de son magasin. La situation dans les boulangeries était plus flagrante. Des gens venus acheter dix à quinze baguettes de pain ! Normal, quand on sait que les Algériens sont les plus grands consommateurs de pain au monde.
Côté boissons, les commerces étaient pris d’assaut, eux aussi. «Nous allons recevoir beaucoup d’invités. On doit leur servir des boissons fraîches pour oublier la chaleur», a précisé Lydia, mère de deux enfants. S’agissant des fruits et légumes, les consommateurs étaient aussi pris de peur de pénuries. C’est dans cette optique que Meriem s’est retrouvée en train de s’approvisionner de toute sorte de légumes et de fruits.
L’APOCE ne s’attend pas à des miracles
Contacté par nos soins, Mustapha Zebdi, le président de l’Association de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce) s’est dit non rassuré quant au respect des listes des permanences. «C’est vrai que le dispositif a réglementé le marché depuis sa mise en vigueur depuis trois ans. Mais ce n’est toujours pas suffisant», a affirmé notre interlocuteur. «Les commerces vont baisser leur rideau prenant en otage les citoyens», a-t-il regretté, tout en affichant son mécontentement quant au non-respect du dispositif.
Par ailleurs, prévoyant que le problème de disponibilités des produits va être posé avec acuité durant ce long week-end, le président de l’Apoce a affirmé que son association «ne s’attend pas à des miracles». En effet, il dira que «plusieurs facteurs nous laissent perplexes.
On est loin d’être rassurés quant à la réussite du programme de permanence». De surcroît, notre interlocuteur n’a pas manqué de lancer un appel au ministère du Commerce afin de procéder à la publication des listes des commerçants réquisitionnés. Tout en plaidant pour l’instauration d’une réelle culture de consommation, Zebdi a, cependant, tenu à signaler qu’il faut revenir aux vielles traditions afin d’y remédier au problème du manque de denrées.
Lamia Boufassa